(...) Nos preuves ne constituent pas de vagues présomptions ; mais pour confondre définitivement les auteurs de «Les Turcs et les revendications arméniennes», nous reproduirons une déclaration de Talaat Pacha, le principal coupable, au correspondant à Constantinople du journal allemand Berliner Tageblatt (4 mai 1916), déclaration reproduite par la presse alliée. Elle est singulièrement instructive.
« C'était une nécessité militaire, a dit le ministre, d'éloigner les Arméniens de leur pays. Tandis qu'on les transportait en Mésopotamie, les Arméniens ont été attaqués par les Turcs et tués en partie. En mars 1916, au moment des combats des Dardanelles, il devint nécessaire, d'éloigner les Arméniens de Constantinople et des environs. Le gouvernement ordonna de les transporter à Zor. Malheureusement, de mauvais fonctionnaires, chargés d'exécuter ces mesures, ont commis de graves excès.» Ici, Talaat s'arrêta, passa la main sur ses yeux comme s'il voulait chasser une vision mauvaise, et il continua : «Nous ne sommes pas des barbares, les comptes rendus sur ces tristes événements m'ont fait passer plus d'une nuit sans sommeil». Et à la question du correspondant : «Mais pourquoi n'avez-vous pas épargné les petits enfants ?», Talaat répondit : « Parce que les petits en grandissant pouvaient devenir des révolutionnaires.»
Tout l'odieux et le cynisme de ces paroles mis de côté elles constituent l'aveu formel du crime turc. Et -en droit pénal-, l'aveu est la preuve par excellence. Dès lors, les avocats turcs de Paris perdent vraiment leur temps en plaidant non coupable.
Le Grand Bourreau Talaat, pour se disculper, s'est abaissé jusqu'à accuser lâchement ses subordonnés, «les mauvais fonctionnaires», d'avoir commis des «excès». C'est à pure perte, qu'il a versé des larmes de crocodile : il a été, reconnu, et sera reconnu toujours, comme l'âme damnée des persécuteurs de nos compatriotes. C'est lui qui se vantait d'avoir fait -subir aux Arméniens un sort si cruel qu'il leur enlèverait toute idée d'autonomie pour au moins cinquante ans. (...)
Un document accablant - les instructions données par Talaat le 18 novembre 1915 :
«Il importe, au point de vue de notre politique actuelle, que les étrangers qui parcourent ces parages soient persuadés que la déportation des Arméniens, se fait réellement dans un but de transfert. Il importe que momentanément on montre à leur égard une conduite prévoyante et que les moyens connus (les massacres) ne soient appliqués qu'en des endroits plus propices.
Quant à ceux qui donnent des renseignements à ce sujet, je vous recommande instamment de les faire arrêter et traduire devant le conseil de guerre.»
Le Ministre de l'Intérieur, Talaat