(...) Quant aux Arméniens, les Turcs ont procédé avec plus de sauvagerie encore. Ils ne se sont même pas donné la peine de trouver des prétextes. Aux yeux de la masse turque et de ses dirigeants, être Arménien suffisait.
C'était plus qu'un délit. On pouvait impunément piller, pourchasser et assassiner les Arméniens, n'importe où et n'importe comment. L'Arménien était moins qu'un gibier de chasse. Nombreux sont les ouvrages parus ces dernières années sur les massacres d'Arménie. Tous les auteurs s'accordent à dire que ces massacres ont été ordonnés par le gouvernement turc. De la part des Arméniens, il n'y a eu aucune provocation, ils sont tout à fait innocents.
Pour être édifié sur ce sujet, il faut surtout lire la brochure de Faiez El-Ghocéin intitulée : «Témoignage d'un Arabe musulman sur l'innocence et le massacre des Arméniens», traduit de l'arabe par l'éminent écrivain Aly El-Gaîaty. L'auteur est un haut fonctionnaire ottoman, ancien Kaimakam (gouverneur) d'une petite ville. Il a eu l'occasion de voir de ses propres yeux les caravanes des Arméniens déportés. Il a voyagé quelque temps avec ces malheureux et a entendu leurs récits. Ce que raconte cet ancien fonctionnaire est le plus fort acte d'accusation qui existe contre le gouvernement Jeune Turc.
Ce ne sont pas seulement les Arméniens qui furent victimes de ces odieux crimes. Les autres chrétiens aussi passèrent par le fil de l'épée turque. Ainsi, à Diarbékir, on massacra les Chaldéens et les Syriaques. On sait d'autre part que des massacres ont eu lieu au Liban et en Syrie. Le plan d'extermination est tout à fait général.
Pour les peuples chrétiens, l'histoire de la domination turque a été un long et douloureux martyre. Depuis le Moyen Age, aucune tyrannie ne fut aussi sanglante que celle des Turcs. Cette histoire est une longue série de massacres, de conversions forcées à l'islamisme et de toute espèce de terreur.
Le «raïas», terme de mépris qu'on donne aux chrétiens, a été constamment exploité et persécuté.
Les relations entre la race conquérante et les peuples chrétiens conquis étaient celles de l'exploiteur et de l'exploité, du maître et de l'esclave. A certaines époques, les Turcs avaient droit de vie et de mort sur les «raïas». Mais le plus souvent le chrétien, pour avoir la vie sauve, a du ramper devant son maître et subir toute espèces d'humiliations.
Cette situation était d'autant plus intolérable que les peuples chrétiens conquis étaient plus civilisés que le conquérant turc.
15 juillet 1918