souvient du mode de perception des
        
        
          impôts usité en 1895 dans la plaine
        
        
          de Moush : les collecteurs de taxe
        
        
          vinrent accompagnés de zaptiehs ; pen–
        
        
          dant le séjour de la bande, les hommes
        
        
          étaient rossés et mis en prison ; on leur
        
        
          barbouillait la figure d'excréments
        
        
          humains, par j eu ; la nuit, on arra–
        
        
          chait de leur lit les femmes, les jeunes
        
        
          filles et les petits garçons qui pouvaient
        
        
          agréer à la soldatesque. Puis, pour
        
        
          «
        
        
          percevoir » on saisissait le bétail et
        
        
          le vendait au quart de sa valeur ; le
        
        
          percepteur avait un arrangement avec
        
        
          les bouchers de Moush pour leur four–
        
        
          nir la viande à bon ma r ché (1). Les
        
        
          même s pratiques recommencent en
        
        
          ce moment ; l'évêque de Moush con–
        
        
          clut en ces termes un rapport adressé
        
        
          au patriarche Ormanian :
        
        
          Parmi les jeunes filles, i l ne reste plus
        
        
          de vierges : n i jeune fille n i femme
        
        
          n'échappe aux violences. Le désespoir des
        
        
          Armé n i e n s de ces districts est tel qu'ils
        
        
          en sont venus à désirer qu'un massacre
        
        
          général termine leurs souffrances.
        
        
          Le patriarche Ormanian, qui se
        
        
          trouve être par élection le représen–
        
        
          tant officiel de tous ses compatriotes,
        
        
          proteste vainement contre les arres–
        
        
          tations arbitraires et demande l'élar–
        
        
          gissement des prisonniers : le ministre
        
        
          de la police répond en faisant des per–
        
        
          quisitions à Koum-Kapou, au siège
        
        
          même du patriarcat. Les déma r ches
        
        
          entreprises au Palais restent également
        
        
          sans effet ainsi que l'offre réitérée d'une
        
        
          démission toujours refusée et toujours
        
        
          reprise. La même farce se joua autre–
        
        
          fois entre Abd-ul-Hamid et le patriar–
        
        
          che Atchikian et quand celui-ci eut
        
        
          pour successeur l'admirable et héroï–
        
        
          que Matthéos Ismirlian, i l était trop
        
        
          tard, les massacres étaient préparés
        
        
          dans tout l'empire et Matthéos Ismir–
        
        
          lian, enfermé dans un couvent de
        
        
          Jérusalem, expie par la prison le crime
        
        
          d'avoir dénoncé au monde la détresse
        
        
          de son peuple. Il n'est que temps pour
        
        
          le patriarche Ormanian de se ressaisir
        
        
          avant les suprêmes catastrophes.
        
        
          Il n'est pas j usqu ' à l'attitude, de la
        
        
          tourbe à la solde du palais qui ne rap–
        
        
          pelle aussi la période de 1894-1895 et
        
        
          ne trahisse les excitations venues de
        
        
          haut. Un soir de janvier 1895, un ser–
        
        
          gent d'un des régiments d'infanterie
        
        
          casernes autour du palais, traversait
        
        
          la grande rue de Pancaldi, un yatagan
        
        
          à la main, frappant tous ceux qu'il
        
        
          rencontrait. Dans l'espace d'une heure,
        
        
          i l tuait ou blessait dix-sept personnes
        
        
          sans que la police fît le moindre effort
        
        
          pour l'arrêter et rentrait tranquillement
        
        
          à sa caserne. Deux jours plus tard; à
        
        
          la sortie du théâtre, un musulman tuait
        
        
          un jeune grec et blessait plusieurs per–
        
        
          sonnes et M . Paul Cambon en écri–
        
        
          vait :
        
        
          Les autorités elles-mêmes par leur
        
        
          exemple et leur langage excitent le fana–
        
        
          tisme (i).
        
        
          De même à la fin de septembre 1900,
        
        
          un n ommé Achmed Newfik Effendi
        
        
          poursuivait, un couteau à la main, le
        
        
          drogman du consulat d'Autriche-Hon–
        
        
          grie en hurlant : « Mort aux ghiaours ».
        
        
          Un agent de police appelé refusa de
        
        
          porter secours à la victime.
        
        
          L'histoire ne se recommence pas,
        
        
          c'est entendu ; c'est-à-dire qu'une série
        
        
          d'événements identiques à des événe–
        
        
          ments antérieurs ne saurait même se
        
        
          concevoir ; mais quand les circonstan–
        
        
          ces et les individus demeurent à peu
        
        
          près les même s , une série d'événe–
        
        
          ments analogues peut être facilement
        
        
          prévue et, par conséquent, interrompue
        
        
          par ceux qui détiennent la force. Si
        
        
          les gouvernements européens ne rem–
        
        
          plissent point leur fonction, i l ne fau–
        
        
          dra pas s'étonner que les révolution–
        
        
          naires leur suppléent.
        
        
          
            Le Sultan estpersonnellement respon–
          
        
        
          
            sable.
          
        
        
          Selon un proverbe turc souvent
        
        
          cité : « C'est par la tête que le poisson
        
        
          pourrit », la tête i c i est en entière
        
        
          putréfaction : Abd-ul-Hamid et les
        
        
          criminels subalternes qui le dominent
        
        
          en lui obéissant sont les véritables
        
        
          auteurs des souffrances a rmén i enne s .
        
        
          C'est eux qu'il faut frapper ou mettre
        
        
          hors d'état de nuire : les gouverne–
        
        
          ments européens n'ont là-dessus aucun
        
        
          doute et nulle simagrée diplomatique
        
        
          ne prévaut contre cet axiome de noto–
        
        
          riété publique reconnu vrai par le Sul–
        
        
          tan lui-même. L ' an dernier, i l avait
        
        
          jugé opportun de faire poursuivre par
        
        
          la magistrature française MM . Urbain
        
        
          Gohier, Charles Malato et le signataire
        
        
          de ces lignes ; i l se plaignait en parti–
        
        
          culier d'avoir été traité de « Grand as–
        
        
          sassin, Grand saigneur, Sultan rouge,
        
        
          Bête rouge ». Quand i l sut que la
        
        
          preuve serait faite à l'audience, i l
        
        
          retira sa plainte, avouant ainsi qu'il
        
        
          avait mérité tous ces titres.
        
        
          C'est par sa volonté que l'on tue ;
        
        
          ses émissaires parcourent les provinces
        
        
          et le signal du massacre est donné par
        
        
          sa petite main blanche dont M . Gabriel
        
        
          Hanotaux vanta l'élégance et la finesse,
        
        
          alors qu'il y avait au moins, au su de
        
        
          ce ministre, cinquante mille morts. Il
        
        
          est resté l'homme qui eut autrefois
        
        
          une attention charmante à l'égard des
        
        
          assassins et pillards d'Hadjilaz : ceux-
        
        
          ci avaient brû l é des maisons et des
        
        
          vignes, violé des femmes, tué des
        
        
          hommes, le tout a rmén i en , et s'étaient
        
        
          fort surpris qu'un mutessarif mal i n –
        
        
          formé les eût mis en prison. Un ordre
        
        
          télégraphique envoyé du Palais or–
        
        
          donna de les relaxer immédiatement
        
        
          et de remettre à chacun d'eux trois
        
        
          livres turques « comme témoignage de
        
        
          satisfaction du souverain ».
        
        
          Plus tard, i l donna plus ample car–
        
        
          rière à ses instincts de meurtre et, sans
        
        
          chercher bien loin, on trouverait, dans
        
        
          le
        
        
          
            Livre Jaune
          
        
        
          de 1897, deux dépêches
        
        
          significatives : dans l'une, M . Paul
        
        
          Cambon s'exprime ainsi (12 juin
        
        
          1895) :
        
        
          On peut dire que depuis quatre ans, le
        
        
          Gouvernement a été t r an s po r t é de l a
        
        
          Porte au Palais. Les fonctionnaires de
        
        
          tout ordre ne relevaient plus de leurs mi –
        
        
          nistères respectifs ; ils correspondaient
        
        
          directement avec les secrétaires du Sul–
        
        
          tan.... et j ' a i eu plus d'une fois l'occasion
        
        
          de constater l'impuissance de l a Porte, à
        
        
          imposer ses volontés à ses agents les plus
        
        
          subalternes. Qu'un incident surgît, Ab d -
        
        
          ul-Hamid était obligé d'en r épond r e per–
        
        
          sonnellement devant son peuple et de–
        
        
          vant l'Europe ; cet incident s'est présenté
        
        
          en Armén i e et le Sultan
        
        
          
            s'est trouvé tout
          
        
        
          
            à coup dans la posture d'un accusé sans
          
        
        
          
            moyens de défense
          
        
        
          (
        
        
          i ) . ,
        
        
          ( 0
        
        
          
            Bliit'-boiil;.
          
        
        
          février
        
        
          1898.
        
        
          Pièce annexe
        
        
          au n° 26.
        
        
          •] - -
        
        
          . " "
        
        
          Fonds A.R.A.M