P R E M I È R E A N N É E .
12.
Le numé r o : France,
40
cent. — Etranger : S O cent.
10
M A I
1901
Pro Armeni a
R é d a c t e u r en chef :
P i e r r e Q U I L L A R D
Adresser
tout ce gui concerne la direction
à M. Pierre Quillard
ÎO, rue Nollet, P a r i s
A B O N N E M E N T S :
France
8 »
É t r a n g e r
10 »
paraissant le 10 et le 25 de chaque mois
COMITÉ D E RÉDACT I ON :
Q. Clemenceau, Anatole France, Jean Jaurès
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Francis de Pressensé, E. de Rofoerty
Pro Armenia
est en vente chez les libraires et dans les principaux kiosques de Paris.
S e c r é t a i r e de r é d a c t i o n :
J e a n
L O N G U E T
Vendredi
de i l h. à midi, 17, rue Cujas
ADMINISTRATION :
Société nouvelle de Librairie
et d'Édition
(
Librairie
G.
SELLAIS)
17,
rue Cujas, P A R I S
TÉLÉPHONE : 801-04
SOMMAIRE
L a Ma c é d o i n e et l'Europe.
Fr an c i s de Pr e s –
s e n s é .
L a Quinzaine
Pierre Quillard.
U n appel a u x Kurdes . . .
R.
Lettres de Mo u c h et d'Er-
zinghian
Nouvelles d'Orient :
E n Ma c é d o i n e . — E n A l –
banie. — Da n s l ' Y é m e n .
I s m a ï l K é m a l bey. —
Mu n i r bey et les princes
Loutfoullah et Sebahed-
din. —D i x mandats d'ar–
r ê t .
Q.
Documents : L ' A r m é n i e
avant les massacres. .
.
E . - J . Dillon.
La Macédoine & l 'Europe
Le prince Ferdinand de Bulgarie a
célébré en grande pompe le souvenir
de la j ou r né e de 1876 où des Bulgares
levèrent le drapeau de la révolte contre
le Sultan. Pendant ce temps, ses mi –
nistres, non contents de mettre sous
clef le président et les principaux
membres du Comité macédonian de
Sofia, donnent à la Sublime-Porte la
satisfaction pratique de fermer un cer–
tain nombre d'agences bulgares en
Macédoine.
En d'autres termes, le gouvernement
de la principauté rend hommage à la
révolution dans le passé et la désavoue
et la frappe dans le présent. Ce n'est
point là un phénomène particulier à
la Bulgarie et à la péninsule des Ba l –
kans. Tous les États du monde — tous
ceux du moins où une légitimité
de
facto
s'est établie depuis un siècle sur
les ruines de la légitimité
de jure —
se voient ou se croient forcés d'agir de
même .
C'est l'antinomie congénitale des
régimes modernes. Nés de l'émeute, ils
ont peur de leur mè r e , ils la répudient,
ils r ép r ouven t leursimitateurs,ilsne dé–
testent et ne redoutent rien tant que la
flatterie d'une contrefaçon. Cette contra–
diction les gêne bien un peu. Non que
la conscience des politiciens soit acces–
sible au scrupule : mais i l y a quelque
ridicule, quelque danger aussi à désa–
vouer les principes auxquels on doit
l'existence, à se placer au bénéfice de
ceux que l'on a dû nier et violer et fou–
ler aux pieds pour se mettre en mesure
de les invoquer plus tard.
La Bulgarie, toutefois, qui n'est
qu'un État de troisième ordre, a des
modèles et des garanties parmi les
puissances de premier rang : et cela
doit singulièrement réconforter les
Karavelof, les Danef et les Jankof,
quand ils se conforment, modestement,
aux nobles exemples des opportunistes
de tous pays et déploient consciencieu–
sement toutes les rigueurs de l'autorité
contre des révolutionnaires assez mal
avisés pour retarder et pour tenter au–
jourd'hui — ce qui est un crime, ou
plus ou moins — les actes qui , jadis,
furent si méritoirement accomplis par
ces grands hommes.
Un tel t hème prête aux variations.
Je m'y étendrais plus volontiers s'il ne
me déplaisait, après tout, de condam–
ner sévèrement chez les petits ce que
les grands font couramment, aux ap–
plaudissements du monde civilisé. Il
me semble intéressant, pour nous
autres Français, de rechercher si, dans
la situation de la Macédoine et de la
Péninsule des Balkans, nous n'avons
pas notre lourde part de responsabilité
et s'il ne conviendrait pas de prévenir
certaines redoutables éventualités dont
la politique actuelle du concert eu–
ropéen est grosse.
Je n'entrerai pas dans le détail de
cette situation, elle est connue de ceux
qui lisent, surtout de ceux qui lisent
le
Pro Armenia
et les courageux or–
ganes de l'émancipation. On sait que
la Turquie affecte de se trouver aux
prises avec une agitation révolution–
naire, qu'elle dénonce de pr é t endus
crimes contre les personnes et les
propriétés, qu'elle spécule avec une
diabolique habileté sur les divergences
d'intérêts et de traditions des natio–
nalités et qu'elle a même eu l'adresse
de se faire délivrer sous forme d'aver–
tissements, une espèce de blanc-seing
par l'Europe.
Trois traits saillants distinguent l'é–
tat de choses actuel. En premier lieu,
les Macédoniens qui se permettent de
trouver que tout n'est pas pour le
mieux dans le meilleur des mondes et
de réclamer l'exécution de l'arti–
cle XXIII du traité de Berlin sont soumis
à une surveillance inquisitoriale, tra–
qués, poursuivis, c ond amn é s . . . En se–
cond lieu, sous prétexte que les Bulga–
res visent à absorber dans leur princi–
pauté la Macédoine comme ils ont fait
Fonds A.R.A.M