révolutionnaires ; les soldats pillent les mo–
biliers des maisons et ont fait subir à quel–
ques-uns des souffrances atroces en criant
que c'est là le sort de tout protecteur de
révolutionnaires; on conduit à Mouch un
Arménien nommé Sérovpe, moitié mort, pour
l'interroger ; la cour criminelle, après avoir
mis en exécution toutes ses machinations
diaboliques et, ne trouvant aucune faute, le
met en liberté en lui ordonnant d'aller subir
aussi un interrogatoire devant le vali de
Bitlis dans l'espoir que celui-ci étant plus
habile pourrait trouver quelque chose pour
sa condamnation ; on l'envoie donc sans être
escorté d'agents, pour que les Kurdes, avertis
d'avance, le tuent pendant son voyage ; le
pauvre homme s'en va heureusement et
retourne sain et sauf. Le gouvernement ne
s'arrêta pas là; i l créa de nouveaux prétextes
cl envoya tics mandats d'amener contre le
susdit Sérovpe ; celui-ci voyant qu'il finirait
par être emprisonné et mourir en prison,
s'enfuit avec ses deux fils chez les Arméniens
des campagnes d'alentour.
Les percepteurs d'impôts, les sangsues,
pullulent ; un capitaine d'Erzeroum, percep–
teur d'impôt, s'en va dans la plaine pour la
perception et emploie des mesures si sévères
dans la campagne de Tzironk qu'il parvient
àramasser quarante à cinquante livres turques
dans l'espace de vingt-quatre heures ; les Ar–
méniens des campagnes environnantes épou–
vantés,s'adressèrenlau gouvernement qui leur
répondi t par des coups de bâton et par les paro–
les suivantes : « Ce n'est là encore rien à côté
de ce que vous méritez»; ils retournèrent donc,
tête baissée, mais sans rentrer chez eux, ils
partirent chez les Kurdes et les Tcherkesses
environnants pour faire un séleffe de quarante
à cinquante livres et c'est ainsi qu'ils purent
passer ce jour noir de la perception d'impôt.
II
Mouch,
25
février.
Le
22
janvier, un jeune homme de Koursse,
nommé Igha, est mort en prison ne pouvant
résister aux tortures. Le
27
janvier, les per–
cepteurs d'impôts ont enfermé, à Nor-Chône,
hommes, femmes et enfants dans une étable
et leur ont demandé l'impôt. A la fin on met
en liberté les hommes et on garde une femme
dans l'intention de la violer. Quelqu'un
apprend cela de la femme, proteste contre
celte effronterie, combat avec les agents; le
résultat de la protestation fut qu'on réclama
aux paysans quatre-vingt-dix livres au lieu
de soixante-dix, par diverses sévérités. L'an–
née dernière, les Kurdes ont emporté de la
campagne de Tzighave quatre-vingt-dix
bœufs malgré les protestations des paysans
qui restèrent sans résultat et, en outre, ces .
brigands kurdes, par l'ordre du gouverne–
ment, vinrent s'établir près de Tzighave et
commettent ainsi toutes les atrocités sur les
paysans. Aujourd'hui même, le domestique
de chaque fonctionnaire ou d'agha considère
comme son droit propre de vivre, pendant
son voyage, aux frais de la campagne où i l
séjourne ; prendre aux paysans la nourriture
pour son cheval et quelques livres connue
frais de son voyage.
A PROPOS D' « ABD-UL-HAMID INTIME
L'auteur de ce livre, M . A . Adossidès
(
G. Dorys) a adressé la lettre suivante à
un certain Ni colaïdès, directeur de
X Orient,
feuille à la dévotion du Sultan :
«
Paris,
2 2
a v r i l .
«
Monsieur,
«
Votre journal,
l'Orient,
dans son nu–
méro du i 3 avril, contient une critique de
mon livre
Abdul-Hamid intime.
«
Vous pouvez croire que je ne vous fe–
rais pas l'honneur d'une lettre rectificative
si vous n'aviez employé des propos irres–
pectueux en parlant de feu mon p è r e .
«
J'entends être seul, mais pleinement
responsable, du livre que j ' a i publié.
«
Quant aux autres insinuations que
vous vous permettez à mon endroit, elles
ont venant de vous trop peu d'importance
pour que je me regarde comme atteint par
elles.
«
Veuillez être certain, Monsieur, que
j ' a i pour vous le genre de considération
que vous méritez.
(
Signé)
A ,
A D O S S I D È S .
NOUVELLES D'ORIENT
E N
M A C É D O I N E .
E n a r r ê t an t Roris
Sarafof et les autres membres du comité
macédonien, le ministère bulgare a acconi
pli un acte politique d'une rare et auda–
cieuse brutalité. I l semble ainsi se faire
le docile exécuteur des volontés hami-
diennes et des étranges conseils donné s
par les puissances européennes, tant à
Constantinople qu'à Sofia.
Ce n'est point i c i le lieu d'apprécier les
conséquences que peut avoir une telle
opération de police pour la politique inté–
rieure de Bulgarie et jusqu'à quel point
elle peut personnellement compromettre
le prince Ferdinand de Cobourg. Malgré
l'interdiction imposée aux fonctionnaires
d'y assister, malgré tous les efforts du
gouvernement, le Congrès s'est r é un i
n é a nmo i n s . E t quoique les éléments mo–
dérés semblent l'avoir emporté, i l est
t r è s possible que le résultat le plus clair
d'une mesure soi-disant conservatrice
soit comme i l arrive souvent, de précipi–
ter les événements et de déchaîner en
Macédoine le mouvement révolution–
naire.
Boris Sarafof avait fait des déclarations
fort importantes à un correspondant de
Y Information
de Vienne. Elles se résu–
ment en quelques points capitaux : i° Le
mouvement macédonien n'est pas un
mouvement bulgare ; les Macédoniens
constituent une nationalité particulière
qui ne veut s'agréger à la Bulgarie, n i à
la Serbie, n i à la Grèce ;
le malentendu
provient de ce que l'action macédonienne
avait pour centre Sofia. Expulsés de Bu l –
garie, les Macédoniens réfugiés en Suisse
deviendraient-ils suspects de vouloir an–
nexer leur pays à la République helvéti–
que ; 3° la Russie ne viendrait en aide à
la Macédoine que pour réaliser son plan
de conquête de Constantinople ; elle ne
l'émanciperait pas, mais la subjuguerait.
Le mouvement macédonien doit donc être
entièrement séparé de toute action russo-
phile ; 4° i l ne doit pas subir non plus
d'influences austro-hongroises, bien que
le danger de la conquête du pays soit de
ce côté bien moins imminent que du côté
russe; 5° on reproche aux Macédoniens
de mettre en péril la paix européenne :
cela les laisse indifférents ; ils ne sont
point les gardiens de cette paix précaire
et l'Europe n'a qu ' à faire exécuter les
engagements pris par traité comme c'est
son droit et son devoir.
Telles sont les déclarations de Boris
Sarafof.
Il est assez difficile de p r é s ume r les
intentions des puissances européennes et
de savoir, si elles laisseront les choses
aller au hasard et empirer ou si elles
renonceront à la stupide et malfaisante
politique d'inaction. Du côté russe, on
parait bien, après avoir poussé Hami d à
des méfaits nouveaux, vouloir maintenant
en interrompre l'exécution. M . Zinowieff
a fait des démarches en faveur des Macé–
doniens arrêtés et condamnés, et obtenu
la mise en liberté d'un certain nombre
d'entre eux.
D'autre part, les journaux russes qui
ne parlent que par ordre donnent des
indications intéressantes. Les
Petersbergs-
hija Wjedomsti
constatent que le gouver–
nement bulgare ne sera pas assez fort
pour empêcher les incidents de frontière ;
l'ex-ministre Pe t row a fait à la
Russia
des déclarations qu i confirment cette façon
de penser. L a
Nowoje Wremia
demande
que l'on augmente le nombre des consuls
russes en Macédoine. Enfin les
Nowosti
estiment qu'il faut donner à la question
ma c édon i enne une solution définitive
et établir en Macédoine un régime ana–
logue à celui de la Roumélie orientale.
Par une coïncidence qu i n'est peut-être
pas fortuite, le
Temps
du i5 av r i l pré–
conise la même solution :
N'y aurait-il aucun remède à cette dange- _
reuse situation? Il y en a, sans doute, niais
il faudrait qu'il fût sincèrement appliqué. Si
les puissances avaient voulu se rappeler cer–
tain article du traité de Berlin et en imposer
à la Porte l'exécution, le péril pourrait être
conjuré. Cet article bien souvent cité, porte
en substance que les populations européen–
nes de la Turquie devront être dotées d'un
régime semblable à celui de la Crète. Que
Fonds A.R.A.M