MA N I F E S T E
a d r e s s é aux A r m é n i e n s du Caucas e au sujet de la
mobilisation de la r é s e r v e attendue au Caucase.
L'heure de la revanche a s o n n é . . .
Aujourd'hui le gouvernement russe altéré de sang se trouve
non pas en face de son peuple calme, sans armes et sans
force, qu'il traite avec un odieux caprice et p e r s é c u t e , pille,
organisant même des massacres par groupes, mais en face
d'un ennemi puissant comme le Japon qu i , g r â c e à sa libre
organisation politique et à son d e g r é de civilisation, se trouve
mieux p r é p a r é , porte sans r e l â c h e des coups à la tête de
l ' a rmé e russe dont les chefs imbé c i l e s sont les v é r i t a b l e s
produits du mortel s y s t ème gouvernemental du pays. De–
vant la marche victorieuse du J apon , les forces du gouver–
nement russe s ' épu i s en t et ce dernier est ob l i gé d'avoir
recours à de nouveaux appels dans ies différentes r é g i o n s
du pays, à ses d e r n i è r e s ressources.
L e gouvernement a voulu aussi faire des levées en
Pologne. L e préfet de police de Varsovie a a pp e l é le 3 juin
tous les soldats de r é s e r v e , mais i l s'est t r omp é g r o s s i è r e –
ment. Pas un soldat ne se montra ce j o u r d à à l'endroit
i nd i qué . Le s manifestations ouv r i è r e s des 22 et 23 juin
mo n t r è r e n t au gouvernement é h o n t é que de la Pologne
pas un homme ne partirait pour la guerre et le gouverne–
ment n'insista pas. A l'heure actuelle, i l est tellement é g a r é
dans son impudence qu'il pense à mobiliser des troupes
de r é s e r v e du Caucase, de ce Caucase qu'il a pendant des
a n n é e s t r omp é , meurtri et o u t r a g é sans r e l â c h e . . . Il ose
même vouloir que l ' Armé n i e n , cette grande vietime de la
diplomatie autocratique, quitte sa maison r u i n é e , aban–
donne son n i d , démoli par les mains m ê m e de l'ingrat
gouvernement russe, pour aller en Ex t r ême - O r i e n t aider à
sa victoire.
,
Il veut que nous r é p o n d i o n s à cet appel, que nous met–
tions à son service tyrannique et criminel, les meil–
leures forces de notre peuple, comme l'ont fait nos p è r e s
au x i x
e
siècle pendant les guerres russo-perse et russo-
turque. L a guerre d'aujourd'hui est me n é e par le même
gouvernement, principal responsable des massacres de
centaines de milliers d ' A rmé n i e n s en Turquie et qui tuait
il n'y a pas un an, les a rmé n i e n s dans tous les coins du
Caucase; par le même gouvernement qu i , un siècle entier,
nous trompa, exploita notre n a ï v e t é se servit de nos forces
et de notre sang pour ses desseins de c o n q u ê t e , et s'empara
ensuite de nos é c o l e s , usurpa les biens de nos ég l i s e s ,
p i l l a , enleva le pain de nos paysans leur arrachant la terre
pour la donner aux émi g r a n t s russes. Nos blessures sai–
gnent encore. Le s prisons du Caucase sont pleines de
militants qui ont combattu pour les droits violés de l ' A r –
mé n i e n ; des exils lointains de la Russie se t'ont encore
entendre les ma l é d i c t i on s et les g ém i s s eme n t s des centaines
de nos frères. A-t-on besoin de nouvelles preuves pour
d émo n t r e r que le gouvernement russe est le plus terrible
ennemi de l'élément a rmén i en ?
Peuple a rmé n i e n , souffrant et p e r s é c u t é ! Voilà que ce
gouvernement, en ce moment d ' é p r e uv e , agonisant sous
les pieds d'un ennemi puissant, s'adresse à vous et vient
vous demander pour son salut le sang de vos fils.
Quelle ironie amè r e , quelle cynique raillerie!...
Dans le monde a rmé n i e n se Irouvera-l.-il un seul homme
qui p o u s s é par un sentiment de devoir ém i n emme n t faux
et imbé c i l e , consente à verser son sang pour notre bourreau
s é c u l a i r e .
Dans les rouges endroits, où le sang des innocents
t omb é s sous les balles russes est humide encore, se trou-
vera-t-il un ê t r e i n t r ép i de pour r é s i s t e r aux sentiments
s a c r é s des A rmé n i e n s , un audacieux osera-t-il se r é vo l t e r
contre le sentiment profond du devoir qui se dresse i mp é –
rieux, dans le c œu r de tout Armé n i e n .
A rmé n i e n s , r é f l é c h i s s e z— Il n'y ai aucun espoir de
revenir de la guerre. L a vie des soldats n'a aucune valeur
pour le gouvernement affolé. Dans cette guerre, rien n'est
plus i n s u l t é que l'individualité du combattant. L e comman–
dement pousse les soldats là où bon l u i semble, i l joue de
son plein g r é avec la vie des hommes. L e soldat A rmé n i e n
surtout n'est pas en s û r e t é . . . N' ayons pas la na ï ve t é de
croire aux faux bruits que fait courir le gouvernement
russe. Vo u s , soldats de r é s e r v e , vous serez d i r i g é s vers
les endroits les plus périlleux de la guerre, là où l'épée du
Japon courageux, est si tranchante et si fatale. Il serait
puéril pour nous d'aller en avant d'une mort stupide, i l
serait bê t e de risquer nos vies pour aider à la victoire
russe.
.
j.fô-wj j'i dï)8i
La défaite de l'autocratie russe est indispensable pour la
paix internationale. Son é c h e c est n é c e s s a i r e pour le
triomphe de la justice s u p r ême et les droits s a c r é s de
l ' h uma n i t é . De sa lourdeur de fer elle opprime le mouve–
ment l i b é r a t e u r du monde entier. Il faut dé l i v r e r l'huma–
nité douloureuse et la civilisation du péril russe. L e gou–
vernement étouffe de sa patte monstrueuse la question
a rmé n i e n n e . Que l'autocratie russe soit vaincue pour qu'elle
ne puisse plus jouer un rôle décisif dans la d e s t i n é e de
l ' Armé n i e e n s a n g l a n t é e !
Que l'autocratie subisse une défaite dé c i s i ve , que la force
brutale de l'Etat soit b r i s é e pour qu'en m ê m e temps que
les autres nations d om i n é e s de la Russie, l ' Armé n i e n du
Caucase puisse vivre aussi plus librement et avec plus de
s é c u r i t é . L a défaite de la Russie est indispensable au nom
de la justice s u p r ême , au nom de l ' h uma n i t é , au nom des
souffrances a rmé n i e n n e s de Turquie et du Caucase.
L ' heur e des r e p r é s a i l l e s a s o n n é pour ce gouvernement.
Qu ' i l subisse le contrecoup de toutes ses actions mauvaises,
de toutes les victimes qu'il a r é p a n d u e .
E n ces jours où se décide le sort des populations oppri–
mé e s sous la tyrannie russe, e l ce moment où polonais,
finlandais, g é o r g i e n s , juifs, tous attendent avec a nx i é t é de
nouvelles défaites de l ' Emp i r e russe, en ce moment où
l ' é che c de la honteuse tyrannie est d é s i r é e avec tant d ' im–
patience, i l faut que chacun de nous évite la honte d'aider
un tel gouvernement.
E n ces jours de deuil, pas un a rmé n i e n n'a le droit de se
battre pour la tyrannie russe. Ne fortifions pas n o u s - même s
ce r é g ime cynique si nous voulons ne pas souffrir d'avan–
tage, ne le fortifions pas pour que, plus tard, nous ne
soyons plus c o u r b é s sous son poids accablant...
Ré s i s t o n s , luttons tant que nous vivons, tant que nous
pouvons.
Le Comité central de défense
nationale
de la Fédération
révolutionnaire
arménienne.
Fonds A.R.A.M