quefois bienfaisante de quelques con –
        
        
          suls, la politique russe, dès
        
        
          1894,
        
        
          était
        
        
          devenue nettement hostile aux A r mé –
        
        
          niens, et le prince HobanofT qu i vou–
        
        
          lait donner à l ' Emp i r e russe une A r mé –
        
        
          nie sans A r mé n i e n s , fut avec M . Gabriel
        
        
          Hanotaux, l'un des plus utiles c om–
        
        
          plices du Sultan.
        
        
          Il ne paraît pas que la politique russe
        
        
          ait c h a n g é depuis lors. No n seulement,
        
        
          à la frontière, les troupes ont rivalisé
        
        
          d e c r u a u t é avec les troupes hamidiennes.
        
        
          contre les bandes a r mé n i e n n e s et l'offi–
        
        
          cier Bykoff a assassiné froidement les
        
        
          fédaïs qui refusaient cependant de tirer
        
        
          sur ses homme s ; non seulement des
        
        
          mesures de police, révélées par de nom–
        
        
          breuses circulaires publiées i c i , ont été
        
        
          prises de concert entre les au t o r i t é s
        
        
          turques et russes; mais en A r mé n i e
        
        
          russe, un plan d'oppresion s y s t éma –
        
        
          tique des A rmé n i e n s a é t é d r e s s é depuis
        
        
          1896
        
        
          et reçoit progressivement sa pleine
        
        
          exé cu t i on , ma l g r é la démi s s i on du
        
        
          prince Galitzine. Aucune des mesures
        
        
          de spoliation n'a été r a ppo r t é e et les
        
        
          A r mé n i e n s , comme les F i n l anda i s , les
        
        
          Polonais, et les luifs, sont traités en
        
        
          ennemis ; ceux d'entre eux qu'on envoie
        
        
          mou r i r en Mandchourie sont soumis à
        
        
          une surveillance féroce et toujours sus–
        
        
          pects de réceler dans la semelle de leurs
        
        
          bottes ou dans les doublures de leurs
        
        
          v ê t eme n t s des papiers subversifs.
        
        
          En f i n , pour comble de folie et de
        
        
          sottise, les A r mé n i e n s des domaines de
        
        
          la couronne qu i avaient, par leur tra–
        
        
          vail a c h a r n é , défriché, mis en valeur,
        
        
          enrichi la région de Tche r nomo r e sk ,
        
        
          sont expu l s é s par les fonctionnaires
        
        
          de l'autocratie; huit mille hommes la–
        
        
          borieux et paisibles qu i avaient trans–
        
        
          f o rmé en terres fertiles d'inextricables
        
        
          forêts, sont cha s s é s de leurs foyers et
        
        
          spoliés par décision administrative,
        
        
          n'ayant de choix qu'entre un impos–
        
        
          sible retour en Tu r qu i e ou l'exil meur–
        
        
          trier en Sibérie.
        
        
          Il faut songer aussi que l'action ré–
        
        
          formatrice austro-russe a été nulle en
        
        
          Ma c édo i ne , et que laisser l'initiative à
        
        
          la Russie dans les pays de V a n . de
        
        
          Mo u s h et du Sassoun, é q u i v a u d r a i t à
        
        
          renoncer en fait à toute action sérieuse.
        
        
          C'est d'ailleurs que l'initiative doit
        
        
          venir cette fois. Lo r d Lansdowne , sinon
        
        
          M . Balfour, par des d é c l a r a t i on s for–
        
        
          melles, par les instructions d o n n é e s à
        
        
          ses agents, a laissé voir qu ' i l était ani–
        
        
          mé des sentiments les plus g é n é r e ux
        
        
          et se formait une idée très nette des
        
        
          moyens efficaces et nécessaires.
        
        
          ,
        
        
          M . Delcassé, à maintes reprises, a té–
        
        
          mo i g n é éga l emen t de ses intentions
        
        
          excellentes, mais en exprimant le désir
        
        
          de ne point agir seul. N i la France, ni
        
        
          l'Angleterre n'ont dans les vilayets ar–
        
        
          mé n i e n s d'intérêts particuliers; et la
        
        
          Russie alliée, ne pourrait sans scan–
        
        
          dale,, emp ê c h e r le gouvernement de la
        
        
          Ré p u b l i q u e française de servir une
        
        
          cause d ' h uma n i t é et de justice. Une
        
        
          entente est donc possible et serait salu–
        
        
          taire entre les deux grandes nations
        
        
          libérales : il ne faut pas qu'elle tarde à
        
        
          s'établir, pour des raisons.de protocole
        
        
          ot de point d'honneur et parce que
        
        
          chacune des deux parties attend d'être
        
        
          sollicitée avant d'engager la conversa–
        
        
          tion.
        
        
          Chaque heure perdue amè n e de nou–
        
        
          velles morts et de nouvelles souffrances ;
        
        
          chaque heure perdue laisse croire au
        
        
          Sultan qu ' i l peut i m p u n é m e n t poursui–
        
        
          vre son œ u v r e d'extermination. Et si
        
        
          l'on venait objecter encore le danger
        
        
          d'une guerre avec la Tu r q u i e , le Go u –
        
        
          vernement austro-hongrois vient de
        
        
          prouver une fois de plus, qu'une telle
        
        
          éventualité n'était pas à redouter. Pou r
        
        
          un incident infiniment moins grave
        
        
          que l'affaire Lo r a n d o - Tu b i n i , i l a me n a c é
        
        
          de mobiliser sa flotte et aussitôt la
        
        
          Porte a cédé.
        
        
          Elle cédera de m ê m e le jour où les
        
        
          Gouvernements de France et d'Angle–
        
        
          terre se d é c i d e r on t à agir et à ne pas s'en
        
        
          remettre à l'hiver du soin de pacifier
        
        
          sinistrement les vilayets a r mé n i e n s ,
        
        
          t r a n s f o rmé s sous la neige en un vaste
        
        
          tombeau pour tout un peuple.
        
        
          Pierre
        
        
          Q
        
        
          
            U I L L A R D .
          
        
        
          
            L I R E :
          
        
        
          
            L'EUROPÉEN
          
        
        
          C o u r r i e r H e b d o m a d a i r e I n t e r n a t i o n a l
        
        
          2 4 ,
        
        
          r u e D a u p h i n e , P A R I S (vi*)
        
        
          DIRECTION :
        
        
          
            Francis DE PRESSENSÉ, Pierre QUILLARD, A. F. HEROLD
          
        
        
          
            DANS LES PRISONS TURQUES
          
        
        
          
            Lettre de
          
        
        
          Mon cher Frère,
        
        
          Comme je l'avais déjà écrit, la prison
        
        
          d ' . . . a toujours été un nid de maladies
        
        
          contagieuses, à cause de sa malpropreté,, et
        
        
          en général des conditions insalubres dans
        
        
          lesquelles elle est tenue. Depuis i5 jours la
        
        
          fièvre typhoïde sévit dans la prison. T u ne
        
        
          me croirais pas si je te disais que les ma–
        
        
          lades sont sans médecin et sans médica–
        
        
          ments, pourtant c'est la vérité. La munici–
        
        
          palité d ' . . . ne donnant pas de l'argent
        
        
          pour l'achat de médicaments, le médecin
        
        
          a interrompu ses visites à la prison. Dans
        
        
          la chambre où je me trouve plus de la moi–
        
        
          tié des prisonniers sont déjà atteints par le
        
        
          mal. T u peux te faire une idée sur notre
        
        
          terrible situation. Quand quelqu'un parmi
        
        
          nous a un peu mal à la tête, i l se croit
        
        
          atteint par la fièvre typhoïde. Non seulement
        
        
          les médicaments mais souvent le pain aussi
        
        
          nous manque. Je ne peux pas te décrire les
        
        
          privations que nous subissons.
        
        
          La semaine dernière, tous les gendarmes
        
        
          ont jeté leurs épées en criant qu'ils ne pou–
        
        
          vaient pas continuer leurs fonctions, le ven–
        
        
          tre vides. Le vali leur répondit qu'il n'y
        
        
          avait pas dix piastres dans la caisse et qu'il ne
        
        
          pouvait par conséquent pas payer leurs ap–
        
        
          pointements. Ce fait me fut raconté par un
        
        
          gendarme. Dans la lamentable situation où
        
        
          nous nous trouvons, personne ne s'occupe
        
        
          de nous, personne ne s'intéresse à nous.
        
        
          La nouvelle d'après laquelle des prison–
        
        
          niers musulmans auraient attaqué les révo–
        
        
          lutionnaires arméniens dans la prison
        
        
          de
        
        
          est exacte. Voilà comment le
        
        
          fait s'est produit : la nuit, des prisonniers
        
        
          musulmans, pendant que tout le monde
        
        
          dormait, attaquent les détenus révolution–
        
        
          naires arméniens, dont ils blessent un
        
        
          très grièvement et quelques autres très lé–
        
        
          gèrement. Le gouvernement n'a puni qu'un
        
        
          des malfaiteurs pour deux mois. La situa–
        
        
          tion des Arméniens qui se trouvent dans
        
        
          cette prison est lamentable. Nous avons
        
        
          reçu d'eux, i l y a quelques jours, une lettre
        
        
          dans laquelle ils nous disent que de sem–
        
        
          blables faits les menacent continuellement
        
        
          Sais-tu comment ces malheureux prison–
        
        
          niers avaient terminé leur lettre? Votre
        
        
          lettre, nous écrivaient-ils, en arrivant à la
        
        
          prison trouvera peut-être nos cadavres.
        
        
          Voilà le tableau déchirant de notre situa–
        
        
          tion qui est celle de tous les prisonniers
        
        
          arméniens ; je le soumets à toi et à nos amis
        
        
          et vous prie de le dénoncer à l'Europe.
        
        
          
            L I R E :
          
        
        
          DIE I N F ORMAHON
        
        
          
            Editeur el Rédacteur :
          
        
        
          Josef G R A F
        
        
          Vienne, TPiaristengasse, 26
        
        
          Fonds A.R.A.M