Le s r é vo l u t i onn a i r e s , dans la p r év i s i on
que des forces plus importantes sur–
viendraient, se r e t i r è r e n t dans la mon–
tagne, laissant le village à son destin.
«
Le s soldats et les Kurdes n'atten–
daient que cela, car à peine cette
retraite connue, ils revinrent sur leurs
pas, et le chef donna à cette soldates–
que rendue furieuse par la mort de ses
camarades, contrairement aux instruc–
tions formelles du vali Tah i r Pa cha ,
l'ordre de raser le village, en punition
de l ' ho s p i t a l i t é et des soins d o n n é s
aux i n s u r g é s , comme si les paysans
a rmé n i e n s , sans armes, auraient pu
s'opposer aux i n s u r g é s a rmé s jus–
qu'aux dents. E t i l en fut fait comme
i l l'avait o r d o n n é , surtout par les
Kurdes qui purent satisfaire dans la
plus large mesure et sans aucun obsta–
cle leur fureur de v o l , de meurtre et
de destruction.
«
L a plupart des habitants du village,
en voyant le retour offensif des musu l –
mans, dans l'anxieux pressentiment du
destin qui leur était r é s e r v é , s'enfuirent
dans la montagne ; quiconque ne put
s'enfuir ou confiant en son innocence ne
voulut pas s'enfuir, fut t ué ou pis, brûlé
sans merci, par les forcenés féroces.
«
L e village fut e n t i è r eme n t pillé, le
bétail enlevé, le mobilier, les vête–
ments, les tapis, les provisions de
grains, de fruits, etc., p i l l é e s , les beaux
arbres du village b r û l é s . Dans leur
colère aveugle ces brutes firent b r û l e r
21
buffles de grande valeur dans leur
é t a b l e s avec une grande qu a n t i t é de
foine de paille et de grain. 108 maisons,
y compris l'école de la Mi s s i on amé r i –
caine, furent b r û l é e s , et du village
autrefois si florissant i l ne restait plus
que de lamentables ruines, quelques
heures plus tard.
«
Comme toujours en pareil cas, la
passion des Kurdes ne se contenta pas
d'une seule victime, mais se jeta aussi
sur les villages voisins pour leur faire
subir le même sort.
«
A peine l'effroyable nouvelle de la
totale destruction de Naregh et du
meurtre de tant d ' A rmé n i e n s innocents
parvint-elle à Va n , que le vali Tah i r
Pacha — qui s'est s é r i e u s eme n t efforcé
d ' emp ê c h e r les a t r o c i t é s et d'assurer
l'ordre et la tranquillité aux c h r é t i e n s
aussi — pria le mé d e c i n de la Mi s s i on ,
D
r
Usher, de se rendre à cheval à
Naregh et de l u i apporter un rapport
authentique.
«
L e 1)' Usher r é pond i t avec la plus
grande h â t e à cet appel et partit sous
la protection de huit gendarmes. Ouand
il parvint sur l'emplacement où avait
été le village, quelques-uns des fugi–
tifs y revenaient pour voir s'il n'y
avait rien à sauver de leurs biens,
mais ils ne t r o u v è r e n t que des d é c om–
bres fumants. L e D' Ushe r dut, pen–
dant les deux nuits qu ' i l passa là, cou–
cher dans une é t ab l e sans toit, sous un
abri de foin. Partout gisaient des cada–
vres, et tous avaient été d é pou i l l é s de
leurs v ê t eme n t s par les Ku r de s ; i l y
en avait de tous les â g e s ; il remarqua
un vieillard de 110 ans qu ' i l connais–
sait bien — moi aus s i , je l'ai connu —
que son â g e v é n é r a b l e et ses cheveux
blancs n'avaient pas p r o t é g é contre ces
l â c h e s assassins.
«
L e D
r
Ushe r fit rassembler sur une
charrette à bœu f s et inhumer 19 cada–
vres ; combien d ' Armé n i e n s furent e n –
t e r r é s par d'autres, ou b r û l é s dans les
flammes, ou t ué s hors du village? On
ne peut l'établir certainement. Ouand
le D
r
Ushe r revint à Va n , i l vit un
autre village voisin, Atanantz, en
flammes : la colonne de feu était visible
de Va n .
«
Il est certain que cet acte effroyable
ne sera pas c h â t i é : vu l'état actuel de
la constellation politique et la situation
en Ex t r ême -Or i e n t , toutes les puis–
sances qui ont quelque i n t é r ê t en Tu r –
quie s'efforcent de conserver pour ami
le sultan qui n'est pas un allié à d é d a i –
gner. Ce qui le prouve encore, c'est
que
de tous les consuls européens
de
Van, seul le uice-consul anglais s'est
rendu sur le théâtre du massacre pour
g préparer
un rapport, mais à contre
cœur et huit jours plus tard, et seule–
ment parce que les intérêts
de l'école
américaine
détruite
avec le village lui
sont confiés.
C'est pour la même raison
que le monde ne r e ç o i t non plus au–
cune information officielle sur ces évé –
nements et d'autres analogues qu i ,
pour les même s motifs politiques, sont
e nv e l opp é s d'un silence de mort, si des
d é p ê c h e s p r i vé e s non s o u h a i t é e s ne les
venaient révéler. »
Le Catholicos de Sis.
Conslantinoplc,
novembre.
On lit, dans les journaux turcs :
A i n s i que nous l'avons a n n o n c é ,
S. R. Mg r Sahag Hahayan , catholicos
a rmé n i e n de C i l i c i e , devant quitter
notre ville pour rentrer à Sis, siège du
catholicossat. A cette occasion, Sa
Ré a t i t ud e s'est rendue, hier, au palais
avec toute sa suite.
E l l e a été r e ç u e par S. E . Tnhsin
pacha, premier s e c r é t a i r e de S. M . I.
le Sultan.
L e catholicos a dit, en langue tur–
que, à Tahsin pacha, que devant quit–
ter la capitale pour rentrer dans son
d i o c è s e , i l venait au palais impé r i a l
p r é s e n t e r à S. M . I. le Sultan l'expres–
sion de ses sentiments de reconnais–
sance et de celle de ses ouailles pour
toutes les faveurs imp é r i a l e s dont i l a
été l'objet de la part du souverain. Il a,
en même temps, remis une adresse de
remerciements à S. E . Tahsin pacha,
qui l'a p r é s e n t é e à S. M . 1. le Sultan.
S. E . Ta h s i n pacha, a p r è s avoir p r é –
s en t é l'adresse au Souverain, est re–
t ou r n é à son bureau. 11 a transmis la
haute satisfaction impé r i a l e au catho–
licos, et lui a dit que Sa Majesté
le chargeait de communiquer à ses
ouailles ses salutations imp é r i a l e s .
Tahsin pacha a ajouté que le Souve–
rain a conféré des d é c o r a t i o n s de
YOs–
nianié
et du
Medjidié
aux membres de
sa suite. I l était 4 heures et demie
quand le catholicos est r e n t r é en sa
r é s i d e n c e à Coum-Capou .
Constantinople, 3 décembre.
On lit dans les journaux turcs :
S. R. Mg r Sahag Habayan, catho–
licos a rmé n i e n de C i l i c i e , qui se trou–
vait i c i depuis deux mois, est parti,
samedi, par
YOrénoque,
des Messa–
geries Maritimes.
L
'
O r é n o q u e
avait h i s s é le drapeau
ottoman en l'honneur du catholicos.
Ce dernier a a d r e s s é hier, de Smy r ne ,
au palais Imp é r i a l , une d é p ê c h e réité–
rant l'expression de sa profonde recon–
naissance pour toutes les faveurs dont
i l a été l'objet de la part de S. M . I. le
Su l t an .
Les Mémoires du Sultan Mourad.
Belgrade, G décembre.
On mande de Constantinople qu'une
femme mé d e c i n russe, M "
,
e
S i bo l d ,
vient d'y ê t r e a r r ê t é e par la police se–
c r è t e turque, sous la p r éven t i on d'être
d é p o s i t a i r e d e s mémo i r e s de l'ex-sultan
Mou r a d
Y,
r é c emme n t d é c é d é .
M""-' S i bo l d , qui était le méde c i n en
Fonds A.R.A.M