Les consuls protestèrent en vain : le gou–
verneur objecta qu'il craignait une révolte
et quand les drogmans russe et italien vin–
rent en personne au bureau, on leur dit
que leurs dépêches ne pourraient partir
tant que la réponse impériale ne serait pas
parvenue. Il leur fallut envoyer leurs télé–
grammes à Dulcigno, par bateau spécial.
Les commerçants auraient aussi voulu pro–
tester contre le trouble apporté à leurs
affaires : mais on les menaça de prison et
d'exil et ils se turent sagement.
Quelques jours plus tard
60
officiers
d'Ipek imitèrent leurs camarades de Scu–
tari : ils s'emparèrent du télégraphe et de–
mandèrent six mois de soldes arriérées.
Jusqu'ici i l ne leur a pas été donné satis–
faction ; ils se feront payer probablement
en employant des moyens plus énergiques.
U
N E
P L A I S A N T E R I E
D ' O P É R E T T E .
Le
Secolo
raconte par quel tour de passe-passe
les gouvernements russe et austro-hongrois
auraient réussi à faire pénétrer en Turquie
les officiers supplémentaires que le Sultan
refusait d'accepter pour la gendarmerie de
Macédoine.
Dans la seconde semaine de novembre
arrivèrent à Constantinople quelques Russes
qui avaient l'air de touristes ou de commis-
voyageurs; comme profession leur passe–
port indiquait vaguement
particulier.
Ces
particuliers, deux jours plus tard partirent
pour Salonique, surveillés comme i l con–
vient par la police. Là, trois de ces mes–
sieurs, quittèrent tout à coup leur costume
de particuliers et sortirent de l'hôtel en
magnifiques uniformes d'officiers russes
pour se présenter au général de Giorgis; ils
s'appelaient Aghoura, Baraï Ktaroff et Froï-
loff et étaient les nouveaux officiers de la
gendarmerie macédonienne. A Uskub, des
officiers autrichiens étaient arrivés de la
même manière. M M . de Calice et Zino-
vieff allèrent à Yldiz annoncer la bonne
nouvelle à Sa Majesté; puisque le trésor
turc manquait de fonds pour les payer, les
nouveaux officiers seraient payés par leurs
gouvernements, mais garderaient leur uni–
forme national. On dit que la colère du
Sultan fut très vive et se manifesta surtout
contre le baron de Calice.
L
A
H A U T E
C
O M M I S S I O N F I N A N C I È R E .
La
haute Commission financière se réunit
presque journellement pour une vaine et
chimérique besogne : trouver de l'argent
dans un pays ruiné par les gaspillages du
prince, épuisé par une administration vo-
race et famélique, saigné à blanc par la
racaille d'Yldiz. Et cependant i l faut de
l'argent coûte que coûte, pour payer le
mois d'appointements qu'il est de règle de
donner au moment du Baïram, pour ac–
quitter en janvier l'indemnité de guerre
russe, pour donner au moins un acompte
aux fournisseurs .lui tombent en faillite
parce que le minisière de la guerre leur
doit jusqu'à cinq millions de francs, pour
jeter de temps à autre un os
h
ronger aux
officiels et aux soldats non payés et qui
grognent trop fort.
Et la Commission fait d'importantes ré–
formes : envoi le samedi, d'un rapport heb–
domadaire par les autorités provinciales;
révocation des trésoriers payeurs géné–
raux de Syrie, de Mossoul, Mamouret ni
Aziz et Bitlis ; mesures « pour assurer la
perception régulière et totale des impôts
et particulièrement la taxe des moutons. »
Mais ce n'est point ainsi qu'on remplira
la caisse et cela finira par un emprunt que
consentiront à des prix usuraires quelques
pirates de la finance internationale.
D
É C O R A T I O N .
On lit dans les journaux
turcs du 26 octobre :
Hier, à une heure de l'après-midi, a eu lieu à Tchit
Kiosque, à Y i l d i z , la cérémonie de la remise de ia
plaque en brillants de l'ordre de
Vlmtiaz,
conféré r é –
cemment à S. K . Izzet pacha, chambellan et 2
e
secré–
taire. D'après les statuts de cet ordre, les insignes doi–
vent être attachés sur la poitrine du récipiendaire, par
les mains m ê m e s du souverain. Aussi, sur un ordre
Impérial, S. E . Izzet pacha en grand uniforme, a été
introduit par S. E . Ibrahim pacha, en présence de
S. M . I. le Sultan.
S. E . Hadji A l i pacha, premier chambellan, a pré–
senté à Sa Majesté, sur un plateau en argent, la plaque
en brillant de
VImtiaz
que Sa Majesté a attachée sur la
poitrine d'Izzet pacha.
Tous les dignitaires de la Cour étaient présents à
cette cérémonie.
Le syriaque Izzet pacha a été l'un des
principaux organisateurs des massacres
arméniens. Il faut s'étonner seulement
que la Bête ait tant tardé à lui accorder
une décoration aussi éminente, alors que
des comparses et complices subalternes,
comme M. Gabriel Hanotaux, en furent
gratifiés aussitôt le crime accompli.
P. Q .
U N R E V O L U T I O N N A I R E ARMÉNIEN
A r m é n a g
Ghazarian Mampréian
(
Hraïr-Djokhk)
Hr a ï r naquit en 1866, au village
d'Aharonk dans le Sassoun. Son p è r e
qui était p r ê t r e , le mit à l ' Eco l e du
Couvent de Sourp Garabet, où i l
termina ses é t u d e s en 1890. Sa vie
r é vo l u t i onn a i r e commence dè s cette
é p o q u e ; avec ses camarades i l combat
les Ku r de s qui se livraient à des exac–
tions envers ses compatriotes.
Ap r è s l ' e n l è v eme n t de Guhlizar, les
attentats é t a i en t devenus courants, et
en 1890 les r é v o l u t i o n n a i r e s étaient
apparus avec un programme p r é c i s .
En 1891 arrive à Mou s h , Mi r a n Dama -
dian comme r e p r é s e n t a n t du parti
Heutchakiste : i l y trouve déjà une
organisation anonyme p l a c é e sur un
terrain pratique. Damadian établit des
relations avec cette organisation, et
d è s lors Arme n a g devient son collabo–
rateur.
Ensemble, ils d é l i b è r e n t sur plusieurs
questions. Ils visitent les villages du
Sassoun pour mieux é t ud i e r l'état des
choses.
Ap r è s l'arrestation de Damadian, le
rôle de H r a ï r devint plus important. Il
embrassa toutes les formes de l'action
r é vo l u t i onn a i r e . I l était soldat, propa–
gandiste et correspondant. Ap r è s les
a t r oc i t é s du Sassoun, en 1894, pendant
lesquelles i l avait p a r t i c i p é à plusieurs
combats, i l quitte le pays mom e n t a n é –
ment. Il voyage au Caucase, sur le lit–
toral de la Me r No i r e , en Roumanie et
en Rulgarie. Pa r ses discours ardents,
il suscite dans ces pays un grand en–
thousiasme. Il exhortait ses compa–
triotes à rentrer dans la p a t r i e - mè r e .
Av e c ses 40 hommes, i l s'adressa au
parti r é v o l u t i o n n a i r e fédéraliste qui
mit à sa disposition ses meilleures
armes. E n 1895, au mois d ' a oû t , au
moment où les massacres se dessi–
naient une partie de la bande de Dj o -
khk r éun i e à celle d ' Achod -Ta t ou l ,
rentra dans le pay s ; quant à l u i , i l
passa la frontière juste au moment où
les massacres devenaient imminents à
Passen.
(
A suivre.)
Le Secrétaire-Gérant
:
J
E A N
L
O N G U E T .
^ S É B A T I O Î H J ^ S
L'Émancipâtrice
(
Imprimerie).
.
^ r ^ ^ P » I A
Rue de Pondichéry, 3, Paris.
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Ed. GAUTHIER,
Ad.-délégué.
Fonds A.R.A.M