les A r mé n i e n s e u x - m ê m e s . Restent
deux alternatives que M . L y n c h exa–
mi ne en ces termes :
«
Il reste, me semble-t-il, deux alter–
natives. L ' un e consiste à r é f o rme r le
gouvernement central de Constanti–
nople. Je la rejette, mais je n'ai pas le
temps de d é v e l opp e r mes raisons. Qu ' i l
me suffise de dire que la tentative a été
faite maintes fois et a toujours é c h o u é .
L'autre alternative est celle que j'ai
longuement exposée dans mon livre et
que je peux appeler une r é f o rme pro–
vinciale radicale. Je ne suis pas g é n é –
reux aux d é p e n s de Sa Majesté le Su l –
tan de Tu r qu i e . Mais je dis à son gou–
vernement : quelqu'un se trouvera
pour être g é n é r e ux à vos d é p e n s , si
vous ne mettez pas vos affaires en ordre
en A r mé n i e . Ne vous fatiguez pas plus
longtemps la tête avec les réformes so–
nores qui vous sont présentées dans
des notes diplomatiques; formez une
seule province ou un seul gouverne–
ment h omo g è n e sur le plateau d ' A rmé –
nie et donnez la ma i n aux A r mé n i e n s .
Ils seront vos sujets dévoué s . Cela, mes–
sieurs, c'est en substance mon r emè d e .
J'ai pris la peine de dessiner soigneuse–
ment les limites de la nouvelle pro–
vince q u ' i l faudrait créer en harmonie
avec les faits g é o g r a p h i q u e s et ethnolo–
giques. Mais je vais plus loin que cet
avertissement amical à un gouverne–
ment am i . C'est un fait que l'article
61
du T r a i t é de Berlin a été le résultat
d'une entente e u r o p é e n n e . L ' Eu r op e
s'est engagée à faire introduire des ré–
formes en A rmé n i e et plus encore à en
surveiller l'exécution. Et l'Angleterre
devrait entreprendre, d'accord avec les
d émo c r a t i e s de France et d'Italie, de
faire d i s p a r a î t r e sans délai ce dangereux
point pestiféré de la carte de l'Asie et de
la conscience du monde civilisé. Les
Etats-Unis, j'en suis s û r , ne manque–
raient pas de faire entendre dans le
m ê m e sens par la voix du p r é s i den t
Roosevelt. »
.
Abdul-Hamid & Guillaume II
L e j o u r n a l
l'Éclair
p u b l i e en ce m o m e n t , sous le
titre de
Guillaume
II
inconnu,
de c u r i e u x m é –
mo i r e s a t t r i b u é s à une dame d ' h o n n e u r de l ' i m p é –
ratrice. Ces m é m o i r e s ne d o i v e n t pas ê t r e accueilis
sans q u e l q u e r é s e r v e ; m a i s ils d o n n e n t a u m o i n s
l ' i m p r e s s i o n d u v r a i s e mb l a b l e .
Dans le n u m é r o d u
23
n o v e m b r e o n y lisait d ' i n –
t é r e s s a n t e s r é v é l a t i o n s sur les sentiments que pro–
fesse l'empereur à l'égard d ' A b d u l - H a m i d :
—
Qu'est-ce que notre frère peut bien
admirer dans ce misérable sultan, deman–
dait la princesse royale de Grèce à sa sœur
de Lippe quand la famille était réunie à
Friedrichshof en juin
1804?
Victoria de Lippequi, sans l'intervention
de Bismarck et sans la mort de son premier
fiancé, le prince Alexandre de Battenberg,
serait devenue une vassaled'Abdul-Hamid,
passa la réponse, qu'elle trouvait embarras–
sante, à son mari, lequel a la réputation de
recevoir les confidences de l'Empereur.
—
Guillaume, déclara le prince Adolphe,
admire dans le sultan, la personnification
de l'absolutisme. A ses yeux, Abdul-Hamid
est un maître qui gouverne, au risque de
voir la moitié de son peuple égorger l'autre
moitié, afin d'apprendre à celle-ci l'obéis–
sance. Bien des fois, i l m'a dit : « Si Fré–
déric-Guillaume IV avait eu seulement une
parcelle du caractère de celui qu'on appelle
«
l'homme malade », je régnerais aujour–
d'hui, dans le vrai sens du mot, même si le
sang avait dù couler dans les ruisseaux de
Berlin pendant des semaines, en mars
1848. »
A ces mots, la duchesse de Sparte se ca–
cha la figure dans ses mains et s'écria :
—
Mais c'est horrible !
—
Ce sont pourtant là les vrais sentiments
de Sa Majesté, murmura la baronne de
Reischach. Du reste, rappelez-vous le dis–
cours de Francfort
(1).
—
Laissez donc, conclut le Prince de
Hesse, essayant de corriger l'effet des paro–
les de son trop communicatif beau-frère, si
Guillaume flatte le Sultan, c'est uniquement
pour qu'il lui donne la permission de visi–
ter son harem, quand i l ira à Constanti–
nople.
Je suis persuadée que le désir de Guil–
laume de fumer un tchiboukdans le harem
du sultan n'est pas vain, mais ce dont je
suis encore beaucoup plus persuadée, c'est
que l'idéal de gouvernement pour Sa Ma –
jesté est bien tel que l'a décrit le prince
Adolphe. Dès lors, il n'est pas étonnant que
l'Empereur admire Abdul-Hamid. En
1896,
tout le monde put en être persuadé, lorsque
le commandeur des Croyants ayant encore
les mains rouges du sang de quarante mille
chrétiens égorgés par ses soldats, i l lui en–
voya une photographie coloriée représen–
tant la famille impériale groupée.
—
Mon maître, devait dire notre ambas–
sadeur Freiherr von Saurma, en remettant
la photographie, m'a ordonné de vous dire
qu'il espère que ce simple souvenir sera
accepté de Votre Majesté comme gage de
son affection.
(1)
L e
16
a o û t
1
888,
à Francfort-sur-Oder, l ' E m –
pereur dit : « q u ' i l aimerait m i e u x voir ses qua–
rante-quatre m i l l i o n s de Prussiens morts sur le
c h a m p de bataille p l u t ô t que d'abandonner
u n
pouce d u terrain g a g n é dans la guerre franco-alle-
m ' S f i & i ' i "
n
*
n
G 1
" . " ,
i ' i 9 d ï l 3 D S o q o i q 3 D .anair
Par deux fois, le baron Saurma télégra–
phia au prince de Hohenlohe pour deman–
der de plus amples explications sur cet
acte diplomatique. Son premier télégramme
semblait indiquer qu'il considérait qu'il
fallait remettre la photographie comme un
cadeau de Pâques en retard ou quelque
chose d'approchant. On le détrompa. C'est
alors qu'il télégraphia qu'il aimait mieux
donner sa démission plutôt que de se char–
ger, après les derniers événements de Tur–
quie, d'une démarche aussi dégradante.
Hohenlohe, effrayé du scandale qui résul–
terait d'une pareille démission, fit l'impos–
sible pour dissuader Saurma. Il y parvint
et, finalement, le cadeau de Guillaume fut
remis en grande pompe au Sultan, à la sa–
tisfaction des deux Majestés.
Comme l'Impératrice faisait des objec–
tions au sujet de l'envoi de son portrait et
de celui de ses enfants aux « meurtriers des
chrétiens », l'Empereur lui fit cette réponse:
—
Lss femmes ne comprennent rien à
ces sortes de choses. Les Arméniens sont
des rebelles et mon ami le Sultan les a
traités comme jetraiterais lesémeutiers qui
s'opposeraient à mon autorité.
—
Mais, continua l'Impératrice, Herr
von Marshall disait que cela avait com–
mencé en Arménie par des rixes que des
dissentiments religieux avaient provoquées.
Les Musulmans tombèrent sur les Giaours
et en égorgèrent des quantités.
L'Empereur, en entendant ces objections,
haussa les épaules et répliqua:
—
Je suis le berger des troupeaux luthé–
riens de Prusse; ceux des pays étrangers ne
me regardent pas.
Un an plus tard, il envoyait le prince
Henri en Chine « à la nouvelle croisade
pour soutenir la Croix et punir les meur–
triers des chrétiens ». Comme tout cela est
inconséquent !
Il y a p r o b a b l e m e n t une l é g è r e erreur de date et
la c o n v e r s a t i o n a d u a v o i r lieu, n o n en
1894,
mais
en
1897.
Les sentiments a t t r i b u é s à M . de S a u r m a -
Y e l t s c h et au b a r o n M a r s h a l l von Bieberstein sont
conformes à tout ce q u ' o n sait de ces deux d i p l o –
mates q u i furent o u q u i sont, à C o n s t a n t i n o p l e ,
dans la m ê m e situation que M . C a m b o n sous le
m i n i s t è r e H a n o t a u x .
.
Nouvelles d'Orient
M
A C É D O I N E .
—
Une agence viennoise of–
ficieuse a récemment publié une manière
de mémoire enregistrant avec la satisfaction
coutumière les résultats obtenus par les
agents civils austro-hongrois et russe dans
l'exécution du programme de Muertzeg.
Dès le début la population comprit l'avan–
tage qu'elle pourrait tirer des réformes et
envoya aux agents civils nombre de plaintes
et de requêtes : dans les six premiers mois
Fonds A.R.A.M