par le détail le rapport collectif des
ambassades sur les massacres de 1896
où sont recueillis nombre de cas ana–
logues. 11 douta é g a l eme n t de la version
turque selon laquelle les femmes et
les enfants n'avaient pas é t é t u é s , mais
étaient morts de froid ; enfin i l s'ar–
rêta à une conclusion que voici :
Mon
opinion est qu'on a peu m a s s a c r é dans les villa–
ges ; que la populalion a pu les abandonner et se sauver
dans la montagne dans la majorité des cas; que pen–
dant quelques jours, les soldats les ont recherches dans
la montagne tuant ceux qu'ils trouvaient.
Que le massacre oit eu lieu dans les
villages ou dans la montagne, il n ' im–
porte g u è r e : ce qu'il y a de tragique
et, de p r o f ond éme n t humiliant pour
l'Europe, c'est qu'on n'ait pas voulu le
p r é v e n i r et que les diplomates aient
osé accorder quelque c r é a n c e aux dé –
n é g a t i o n s hamidiennes.
Dans deux cas p o s t é r i e u r s aux mas–
sacres proprement dits, la p r é s e n c e
rapide des consuls a permis d'établir
les r e s pon s a b i l i t é s .
Le 19 j u i n , M . Heathcote apprenait
qu'on se battait à Derkevank, à trois
milles de Mou s h : i l s'y rendait avec le
consul de Russie et y rencontrait une
troupe de 200 soldats qui rentraient en
ville. Le s soldats p r é t e n d a i e n t avoir
été a t t a q u é s , alors que les villageois
les donnaient comme les agresseurs.
Il n'est pas douteux qu'il y avait à Derkevank un
seul insurgé, un homme blessé qui s'y était caché depuis
quelques jours
Nous trouvâmes huit cadavres, deux hommes et un
jeune homme blessés, tous des paysans ; et bien que les
fonctionnaires affirment qu'ils étaient a r m é s je crois
que c'est faux et qu'ils essayaient seulement de s'enfuir
dans la plaine pour sauver leur vie
Quatorze corps o n l été inhumés hier, dont quatre du
village voisin d'Arak.
Si M . Heathcote n'avait pu consta–
ter i mmé d i a t eme n t les faits, Fé r i d bey
et ses s u b o r d o n n é s les auraient dans la
suite effrontément n i é s .
De même , lors de l'affaire de Z i k a v i .
Un d é t a c h eme n t turc avait é t é dé t r u i t
à Gr av i pas les fédaïs. Le s troupes
e nvoy é e s par le férik é t a i en t comman–
dé e s par le c é l èb r e Izzet bey. Ap r è s
avoir poursuivi les fédaïs, elles revin–
rent à Z i k a v i , village absolument pai–
sible. M . Ty r r e l l , qui se trouvait à
p r ox imi t é , entendit dire aux soldats
«
qu'ils avaient fait quelque chose là. »
Au s s i t ô t i l se rendit au village :
Je trouvai les habitants pris de panique et prêts à
fuir. Il y avait eu un massacre le matin et je vis les
corps de dix-sept hommes et dix femmes
Il n'était pas du tout question de révolutionnaires.
Il
semble que le bataillon est arrivé pendant la nuil, a pris
les fusils et le matin est entré délibérément dans le vil–
lage el a tiré sur tous ceux qu'il rencontrait, pour ven–
ger les camarades tombés dans l'embuscade de G r a v i . . .
Je rentrai directement à Moush où j'arrivai le soir
pour voir le vali et lui dis exactement ce que j'avais
vu. 11 n'avait pas, me dit-il, de nouvelles de l'affaire de
Zikari.
Voilà deux cas absolument c a r a c t é –
ristiques : ce qui s'est produit en petit
à Derkevank et à Z i khav i a eu lieu en
grand au Sassoun et dans toute la
plaine de Mo u s h d'avril à mai 1904.
Le s consuls auraient pu , par leur p r é –
sence i mmé d i a t e , rendre impossibles
les massacres qui furent e x é c u t é s alors ;
mais les instructions de leurs gouver–
nements leur parvinrent trop tard.
C'est donc sur les gouvernements eux-
même s que toute la r e s pon s a b i l i t é re–
tombe, d'autant plus grave qu'ils é t a i en t
avertis et avaient t émo i g n é de bonnes
intentions.
J'examinerai dans un prochain arti–
cle, l'action des r é vo l u t i onn a i r e s et
l'état géné r a l des esprits, tous t o u r n é s
contre la tyrannie hamidienne, même
chez les Tur cs et les Ku r de s , tel que
le dépe i n t le L i v r e Rlanc. E t cette cir–
constance n'est pas faite non plus pour
a t t é nu e r le crime de l ' Eu r ope , mais
pour l'aggraver encore.
Pierre
Q
U I L L A R D .
Une opinion anglaise
sur le Livre Blanc
L'important p é r i o d i q u e , le
Speaker,
dans
son n umé r o du 22 octobre, publie une ana–
lyse du dernier Livre Blanc, sur les affaires
a rmé n i e n n e s et une dure appréciation de la
conduite tenue par les gouvernements euro–
péens et surtout par le gouvernement an–
glais. Des chiffres d o n n é s par le capitaine
Tyrrell pour la région de Khian (900 morts),
c omp a r é s avec la statistique d o n n é e pour la
même région dans la statistique publiée par
Pro Armenia
(1,469
morts), i l infère que
l'évaluation de cette statistique n'est pas fort
exagérée, si l'on considère que le capitaine
Tyrrell n'a pas visité un village où le chiffre
est porté à 385 morts : 900 + 385 = 1,285. M .
Heathcole estime à 4,000 le nombre des morts,
la statistique à 7,771 :
Même si l'on adopte l'évaluation de
M . Heathcote, la catastrophe a p p a r a î t
suffisamment horrible. Dans la d e r n i è r e
crise ma c é d o n i e n n e , i l est douteux
qu'il ait péri plus de 3.000 personnes.
Le s sympathies de l ' Eu r ope sont certai–
nement capricieuses. U n massacre passe
i nape r çu en A rmé n i e qui aurait mis en
mouvement toute la machine d'agi talion,
de r é f o rme s et de secours s'il avait eu
lieu en Turqu i e d ' Europe . . .
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lin gouvernement malveillant, une
race dominante fanatique, un c on t r ô l e
e u r o p é e n inerte el impuissant — c'est
l'un des c ô t é s du tableau. L'autre c ô t é ,
c'est un peuple sujet dont la vie est
emp o i s o n n é e par la crainte
<A
l'injus–
tice, r édu i t à choisir entre deux alter–
natives : la patience sous une exploita–
tion quotidienne et une inlassable op –
pression, dans une monotone d é t r e s s e
où des violences occasionnelles sont
la seule variante, ou bien une faible
révolte et un entier massacre avec
quelque faible chance de réveiller la
pitié et la conscience de l'Angleterre.
No s agents é c r i ven t sur cet état de
choses avec quelque sympathie et i n –
telligence, mais ils é c r i ven t en specta–
teurs d é t a c h é s . Des voyageurs d'une
autre p l a n è t e , des citoyens d'une r é pu –
blique é l o i gn é e et ché t i ve pourraient
s'exprimer sur ce ton. C'est comme si
la convention de Chypre n'avait jamais
élé s i g n é e . S i r Ni cho l a s O' Conno r est
le r e p r é s e n t a n t d'un grand empire qui
occupe encore l'île que nous avons
prise comme une garantie que la Tu r –
quie r e c o n n a î t r a i t notre position p r i v i –
légiée comme protecteurs des c h r é –
tiens d'Asie Mi neu r e .
En Ma c é d o i n e nous avons une res–
pon s a b i l i t é historique p a r t i c u l i è r e et
là nous partageons avec d'autres puis–
sances e u r o p é e n n e s certains droits de
r é f o rme et de c on t r ô l e définis par le
t r a i t é de Re r l i n . Ma i s en A rmé n i e notre
position est unique et notre responsa–
bilité e n t i è r e . Nou s avons un droit de
remontrance et d'intervention que nous
ne partageons avec aucune autre
nation. Quand nous d é n o n ç o n s le mau–
vais gouvernement des Turcs, nous
nous condamnons n o u s - même s . Quand
nous d é p l o r o n s la condition des A r mé –
niens, nous signalons notre propre
d é s h o n n e u r .
Quand S i r
Ni cho l a s
O'Conor, employant un langage expli–
citement a p p r o u v é par L o r d Lan s do –
wne que le « monstrueux gouverne–
ment » de la Turqu i e d ' As i e continue
«
à rendre i n t o l é r a b l e la vie de tout
A rmé n i e n », i l emploie une arme qui
se retourne contre l u i . U n tel langage
justifiie la r é vo l t e
a rmé n i e n n e . H
enlève aux Tur cs le droit de la r é p r i -
Fonds A.R.A.M