sures d'exécution militaire. O n peut son–
ger à d'autres moyens de contraindre le
Sultan de céder aux lois de la justice et de
l'humanité, par exemple en le menaçant de
l'abandonner à ses embarras financiers, de
le gêner dans le développement c omme r c i a l
de son empire, ainsi que dans les relations
diplomatiques ou de libre établissement de
la T u r q u i e avec les autres pays du monde.
L e fait d'avoir tenté, dans une conférence
préalable, d'assurer une solution arbitrale
au litige donnera plus d'autorité aux Puis–
sances européennes sans les obliger à re–
courir à une lutte armée avant le momen t
fatal où, sans conférence et sans arbitrage,
elles croiraient devoir assurer par l a force
l'exécution des réformes solennellement ga–
ranties aux populations de l a T u r q u i e
d'Europe.
Nous concluons donc en demandant aux
autorités compétentes qu'elles provoquent
une réunion de représentants des Etais si–
gnataires du traité de Berlin du i3 juil–
let
ISJS.
y compris la Turquie, en vue
d'entendre le rapport des Gouvernements
de Russie et d'Autriche-Hongrie sur les
résultats de leur récente intervention di–
plomatique à Constantinople. et d'achemi–
ner le litige vers une solution arbitrale si
elles estiment qu'il est temps d'en finir
avec les réponses dilatoires du Gouverne–
ment turc, qui mettent constamment en pé–
ril la paix entre les nations.
Elles se trouveraient en présence de plu–
sieurs solutions, préconisées jusqu'ici pour
le règlement de la Question d'Orient, entre
autres la création d ' un Etat macédonien
unissant par les liens d ' un intérêt c ommu n
les divers éléments qu i les constitueraient
sous la suzeraineté du Sultan, ou l'institu–
tion d'une surveillance effective sur l'exé–
cution des réformes promises.
Ce n'est pas là sans doute un travail
aisé, mais plus malaisé est encore le ma i n –
tien du
statu quo avec
ses perpétuelles me–
naces de conflits sanglants.
Qu o i qu'il arrive, les Groupes pacifistes
auront rempli leur devoir en lançant le
présent appel aux Puissances, sous la forme
d'un mémoire que nous avons cherché à
rendre aussi objectif que possible par la
citation des textes à consulter pour l'appré–
ciation des faits de l a cause.
Question arménienne
L a relation de la question arménienne
avec celle que nous venons de traiter se
conçoit aisément. Dans l'une c omme dans
l'autre i l s'agit d'engagements pris par le
gouvernement turc dans le traité de Berlin
de 1878 en faveur d'une partie de ses sujets.
Les parties qu i ont contracté sont les mêmes
bien que les opprimés soient d'une part des j
Européens à préserver de l'arbitraire ottoman !
et d'autre part des populations asiatiques à
sauver de massacres sans cesse renouvelés.
Aussi pensons-nous que ces deux ques–
tions doivent être traitées simultanément,
de manière à ce que des garanties sérieuses
soient données pour l'exécution de la pro–
messe faite aux Arméniens par l'article 61
du traité de B e r l i n , ainsi conçu .-
«
La Sublime Porte s'engage à réaliser,
sans plus de relard, les améliorations et
les réformes qu'exigent les besoins locaux
dans les provinces habitées par les Armé–
niens, et à garantir leur sécurité contre les
Circassiens el les Kurdes. Elle donnera
connaissance périodiquement des mesures
prises à cet ejjel aux Puissances, qui en
surveilleront l'application. »
Berne, le
20
septembre
1904.
Au nom du Bureau international
de la Paix :
E l i c
D
C C O M M L '
N .
L e t t r e s d e l a f r o n t i è r e R u s s o - ï u r p
1
Le i3 août.
Vous avez probablement eu des renseigne–
ments sur les détails de nos victorieuses luttes
de Bagrévant. Le succès que nous avons eu ont
dépassé nos espérances. Le grondement des
bombes parvenait jusqu'aux villages de la fron–
tière russe.
Vers le soir, les garde-frontières russes réunis
aux
200
cavaliers du bey Kurde Hamid trouvè–
rent les traces de nos fédaïs et les surprirent.
Les nôtres, ayant fixé leur attention du côté
des Turcs et ne présageant pas une attaque du
côté de la frontière russe, subirent des pertes
importantes. Tandis que pendant toute la jour–
née ne succombèrent que 8 des nôtres, au soir,
19
périrent et
33
furent capturés,
42
seulement
échappèrent au péril.
Malgré que nous n'ayons opposé aux Russes
aucune résistance et que pas une balle n'ait été
dirigée de leur côté, ces derniers se montrèrent
cruels envers nos captifs. On dirait que le gou–
vernement russe s'efforce de nous faire oublier
la cruauté turque.
A Pétersbourg un nouvel ordre a été donné
par Frezé, digne successeur de Galitzine l'Ar-
ménophage, qui consiste à fouiller tout Armé–
nien armé que l'on rencontrera à la frontière.
Nous verrons à quelles limites s'arrêtera la
cruauté du nouveau et sinistre gouverneur du
Caucase.
Le
10
juillet, à minuit, Bagrolovski, le gou–
verneur d'Igdir a élé tue. La mort fut instan–
tanée. Les terroristes sont libres. A leur place
plusieurs innocents ont été emprisonnés. On a
agi de la même façon après la tentative d'assas–
sinat du gouverneur d'Etchmiadtzin Schmer–
ling. Cette fois-ci on ne s'est pas contenté de
l'emprisonnement des innocents. Frézé a voulu
j se venger de la mort du mari de sa maîtresse
1
en terrorisant Igdir. Il a rempli ce village de
deux cents cosaques la population est obligée
de nourrir et dont elle satisfaire tous les
caprices.
Les mesures de rigueur s'accroissent, mais
en même temps l'effroi s'accroit aussi dans le
cœur des fonctionnaires et ia conscience de
l'Arménien se relève encore plus.
II
Les combats de Bagrévant
Le u juillet, à la pointe du jour, deux dra–
peaux du Parti révolutionnaire « Drosçhak »
flottaient sur la colline Ressi-Gomer, située sur
les hauteurs de Tchenglnerr. C'était la der–
nière station d'où devait être tentée la première
attaque.
Vers l'ouest de cette colline', sur une plaine
charmante, s'étendait Masseur, grand village
arménien, au bout duquel, avec les jumelles,
on apercevait la caserne. Vers le sud, au pied
d'une colline, dans un vallon, se trouvait la
caserne de Zori.
Ni les rayons du cuisant soleil, ni les fatigues
d'une longue et pénible marche ne pouvaient
amoindrir l'enthousiasme et la fougue combat-
tive des fédaïs. Sur la même colline se trou–
vaient nos soldats ; un peu plus loin d'eux
se tenaient, entre les deux commandants, les
deux officiers et quelques sous-officiers au
conseil militaire. Avec des jumelles télémètres,
ils mesurèrent les distances, déterminèrent les
positions favorables et se concertèrent jusqu'à
la tombée de la nuit.
A deux heures du matin, sur l'ordre du com–
mandant, la bande se mit en route.
A u pied de la colline elle se divisa en deux
camps, l'un se dirigea vers la route qui conduit
à Mossour et l'autre vers celle qui mène à Zori.
Le calme de la nuit fut troublé un moment
par le bruit des adieux.
A u bout de Mossour, sur un chemin con–
duisant à Koroun, se trouvait la caserne où
les soldats ayant augmenté de nombre depuis
les faits d'Utchkilissé, une partie dormait à la
belle étoile Ces soldais étaient au nombre de
160
dont 5o recrues. Un peu plus loin de la ca–
serne, près du moulin du village étaient dressées
deux tentes blanches dans lesquelles demeu–
raient les officiers.
Le
12
juillet, Ardavaste, avec ses hommes,
cerna la caserne et les tentes. Deux de nos
fédaïs coupèrent les fils télégraphiques de
Bayazid.
Les aboiements du chien de la caserne ré–
veillèrent la sentinelle qui cria : « Qui va là ? »
La voix de la sentinelle fut étouffée dans sa
gorge par une balle qui la terrassa. Sur-1--
champ, les soldats de la caserne s^ jetèrent
dehors, la plupart en chemise. Deux bombes
lancées en même en temps occasionnèrent des
ravages considérables. Les cadavres s'étalèrent à
droite et à gauche. Les soldats qui purent
échapper à lamort, terrifiés, rentrèrent dans la
caserne. Sur l'ordre donné à l'Intérieur, ils sor–
taient une seconde fois quand devant la porte
éclatèrent une deuxième et une troisième
bombe. De nombreux cadavres s'étendirent à
nouveau. Un peu plus loin, par dessus les mu–
railles, pleuvaient des balles qui faisaient de
nombreuses victimes au camp ennemi. Dans la
cour de la caserne régnait une grande agitation.
Fonds A.R.A.M