et ce passage, fort honorable pour le
consul de France à Va n , d'une d é p ê c h e
de son c o l l è gu e a ng l a i s , montre à quelles
difficultés se heurtent les agents euro–
p é e n s .
Le même jour
(16
juin), M . Robin informa
Férid bey qu'il avait entendu parler de menaces
de mort contre lui dans la basse classe des Mu –
sulmans et de l'opinion qui courait que cet
assassinat serait bien vu du gouvernement. Les
instructions qu'il reçut en conséquence du rap–
port fait par lui à Constantinople et qui lui
parvinrent pendant une de nos visites avec
une évidente satisfaction, ordonnant que nous
soyons toujours accompagnés de gendarmes
en dehors de Moush, rendront difficile de véri–
fier les récits et les plaintes des paysans.
A i n s i de cette p r emi è r e lecture, i l r é –
sulte clairement qu'avertis de ce qu i
allait se passer les gouvernements eu–
r o p é e n s se sont laissé duper par les men –
songes et les p r oc édé s délatoires fami–
liers au Sultan et qu'ils ne sont pas en
état de donner, m ê m e aujourd'hui, des
informations absolument certaines sur
les é v é n eme n t s d'avril dernier.
Quant à la situation p r é s e n t e , elle
est appréciée avec quelque h umo u r
dans une dépê che du vice-consul de
Mo u s h , en date du 6 juillet :
J'ai l'honneur de vous annoncer que deux
meurtres ont eu lieu dans la plaine de Moush
depuis ma dépêche du
29
juin ; comme il y a
eu seulement trois crimes depuis plus d'une
quinzaine, on peut espérer que l'ordre ou ce
qui passe pour l'ordre ici est finalement réta–
bli.
L'ordre ou ce qu i passe pour l'ordre
en pays, plus de vingt-cinq ans ap r è s
le traité de Berlin !
P
I E R R E
Q
U I L L A R D .
L'EUROPE EST ABSENTE
S o u s ce titre, le D ' G u i s e p p e P i n a r d i , q u i c o n –
tinue en Italie, avec notre é m i n e n t a m i M o n e t a , le
professeur S e r g i et les p l u s g é n é r e u x des savants
et des h o mm e s p o l i t i q u e s la lutte p o u r la cause
a r m é n i e n n e , p u b l i e dans la
Vita Internationale
de
M i l a n , u n article a m e r et trop vrai s u r l a situation
des p o p u l a t i o n s o p p r i m é e s d ' O r i e n t . E n v o i c i le
d é b u t et la c o n c l u s i o n , le reste de l'article é t a n t
c o n s a c r é à u n excellent e x p o s é des derniers mas–
sacres :
Tout occupée à la grande guerre qui se
continue dans les plaines de la Mandchou-
rie, l'Europe semble avoir oublié que d'au–
tres problèmes, beaucoup plus voisins d'elle
et non moins importants sollicitent son
attention. On dirait qu'elle s'abandonne au
cours fatal des événements, en renonçant
non seulement à tout effort, mais même à
tout désir de les maîtriser. La diplomatie,
même comme l'observait opportunément
de Presseneé, i l n'y a guère, offre le triste
exemple d'un impair donnant le décourage–
ment, d'une abdication sans précédent. .
Le martyrologe de ce peuple particulière–
ment éprouvé ne semble pas avoir atteint
son terme. Récemment de nouvelles victi–
mes sont tombées sur la frontière russe où
les soldats turcs et les cosaques fraternisè–
rent sinistremenl, prenant les Arméniens
entre deux feux. De Constantinople vien–
nent des échos de crainte annonçant des
révoltes possibles pour préparer l'Europe à
apprendre d'autres répressions féroces. Et
le-supplice continue, une agonie lente,
qui trouve l'Europe, oublieuse des ré–
formes réitérées souvent et jamais tenues.
Est-il possible que ce lamentable état de
choses se continue ? Veut-on donc, peut-
être, que le peuple arménien disparaisse
de l'Asie-Mineure, payant de son sang le
crime d'avoir tenu allumé, à travers les
plus grands désastres, le flambeau de la
civilisation aux confins extrêmes de l'em–
pire turc ?"
De telles questions que formulait i l
n'y a pas longtemps, un illustre anglais,
l'honorable James Bryce, nous reportent en
souvenir aû temps douloureux où les peu–
ples civilisés manquèrent délibérément au
plus élémentaire devoir de justice. Nulle
protestation de la presse ; les comices se
taisent et tous les parlements sont clos.
L'Europe est absente et l'astucieuse poli–
tique du Sultan peut se vanter de ses vic–
toires. L'article
61
du traité de Berlin est
virtuellement supprimé.
G
I U S E P P E
P
I N A R D I .
—— • • -
Un Mémoire du Bureau de Berne
SUR
LES
Questions d e Macédoine e t d'Arménie
C o n f o r m é m e n t aux d é c i s i o n s d u X I I " C o n g r è s
international de l a P a i x , le B u r e a u i n t e r n a t i o n a l
permanent de Berne p u b l i e u n i m p o r t a n t m é m o i r e
sur les questions de M a c é d o i n e et d ' A r m é n i e .
A p r è s a v o i r é t u d i é d ' a b o r d la q u e s t i o n m a c é d o –
n i e n n e depuis ses origines et c o n s t a t é que m a l g r é
l'accalmie p r o v i s o i r e dans les B a l k a n s « l a situation
des populations m a c é d o n i e n n e s est lamentable et
il est t emp s que l ' E u r o p e s'en o c c u p e enfin s é r i e u –
sement » le M é m o i r e c o n c l u t ainsi :
Intervention des Puissances
Mais comment interviendra-t-elle, main–
tenant qu'elle a investi de son mandat la
Russie et l'Autriche ?
Cette délégation de pouvoirs, n'étant pas
indéfinie, peut prendre fin par la seule vo–
lonté de ceux qui l'ont consentie. Les man –
dants ont toujours le droit, à moins d'une
stipulation contraire très formelle de de–
mander compte à leurs mandataires et
d'agir selon le rapport qui leur est fait sur
l'exercice du mandat. Le traité de Berlin,
du i3 juillet
1878,
a été signé par les Gou–
vernements de France, d'Allemagne, d ' Au –
triche, d'Angleterre, d'Italie, de Russie et
de Turquie.
La façon dont l'Empire ottoman l'a ap–
pliqué ayant provoqué de juste réclama–
tions, i l serait logique et conforme aux rè–
gles du droit international moderne que les
cabinets de Vienne et de Saint-Pétersbourg
provoquassent la réunion d'une nouvelle
conférence, ne fût-ce que pour se déchar–
ger d'une très lourde responsabilité.
Il ne s'agit pas, dans notre idée, de réu–
nir un congrès des Puissances européennes
appelé à trancher « la Question d'Orient »
par le partage de l'Empire ottoman ou sa
dissolution. Ce que les Puissances auraient
à faire, ce serait d'appeler le Gouvernement
turc à s'expliquer sur la manière dont i l a
rempli les engagements pris par lui dans le
traité de Berlin de
1878,
sauf à lui imposer
par toutes voies juridiques, sur le rapport
des Gouvernements de Russie et d'Autri–
che, mandataires de l'Europe, le mode à
suivre pour assurer dans le plus bref délai
l'exécution des dits engagements.
L'objet du débat est en effet l'exécution
du traité de Berlin, notamment des articles
18
et
23
de ce traité, qui se rapportent aux
réformes à introduire dans les provinces de
la Turquie d'Europe. Quant aux parties en
cause, ce sont, juridiquement les Puissances
signataires du dit traité.
Partant de ce point de vue, on se trouve
dans le cas prévu par la Convention de L a
Haye pour le règlement pacifique des con–
flits internationaux, convention qui porte
la signature des États européens, y compris
la Turquie. Il est vrai que le Gouvernement
turc peut, dans le cours d'une conférence
préalable, se refuser à ce que la cause soit
déférée à l'arbitrage et décliner la nomina–
tion des arbitres laissés à son choix; mais
par ce refus i l aggraverait sa situation déjà
très critique dans le concert européen et les
autres Puissances auraient à décider les me–
sures comminatoires qu'il leur conviendrait
de prendre contre le récalcitrant pour assu–
rer l'exécution du traité de Berlin. Ces
Puissances se retrouveraient dans la posi–
tion actuelle, avec en plus, l'appui moral
que leur donnerait leur offre d'une solution
amiable ou juridique.
Ce n'est pas à dire que les mesures com–
minatoires à prendre contre le Gouverne–
ment turc en cas de refus de sa part
d'entrer dans la voie d'une solution amia–
ble doivent nécessairement être des me-
Fonds A.R.A.M