accordé à l'Europe tous les délais et tous
les crédits, les Comités reprendront un
jour toute leur liberté d'action, provisoire–
ment aliénée. Plus l'attente aura été lon–
gue, plus l'impuissance des gouvernements
européens se sera manifestée irrémédiable,
plus terrible peut-être sera le réveil après
une trompeuse quiétude.
L
E
P I L L A G E D E
S
A L O N I Q U E .
Les dépêches
relatant le pillage de Salonique sont néces–
sairement tronquées et maquillées par la
censure : elles sont complétées par les cor–
respondances envoyées au
Secolo
et à la
Frankfurter Zeitung.
Depuis plus d'une
semaine les soldats licenciés de Syrie et
d'Arabie attendaient la venue du vapeur
qui les devait rapatrier et qui tardait; ils
étaient dans un entier dénuement, sans
linge, sans argent et ils erraient dans les
rues, quelques-uns traînant par la bride des
chevaux efflanqués. Survinrent alors les
matelots de l'escadre anglaise, en beaux
uniformes, les poches pleines, qui menèrent
grand bruit dans les lieux de plaisir, acca–
parèrent toutes les voitures de la ville et
dans les rues chaudes se montrèrent galants
et généreux avec les dames : les maigres
soldats de Sa Majesté Impériale virent dé–
penser en une heure par les marins du roi
Edouard assez d'argent pour se nourrir
pendant plusieurs jours de pain et de riz et
ils firent d'amères comparaisons. Puis le
17
septembre un orage terrible éclata, trem–
pant sous leurs loques les malheureux Sy–
riens et Arabes campés en plein air. La
patience alors leur manqua.
Et le
18
au matin, quand les marchands
du bazar ouvrirent leurs boutiques, par les
rues étroites, les soldats grelottants et affa–
més se ruèrent sur les marchandises, em–
portant tout, linge, mouchoirs, cigarettes,
souliers; nus, ils purent ainsi se vêtir de
pied en cap; quant aux boutiques conte–
nant des produits alimentaires, elles furent
au plus tôt vidées. Les magasins non
encore ouverts demeurèrent fermés, ce qui
les sauva du pillage. Puis les pauvres dia–
bles retournèrent à leur campement, ayant
moins froid et moins faim, tandis que les
gens de la ville se terraient dans leurs mai–
sons. Le bazar fut gardé militairement, et
vers le soir le gouverneur alla au camp, i l
constata alors de ses yeux l'indescriptible
détresse des soldats licenciés et put voir
étendus sur la terre nue des masses de ma–
lades ; ceux-ci furent portés à l'hôpital ;
pour les autres, on dressa quelques tentes,
et apaisés par de bonnes paroles, les « re–
belles » consentirent à attendre avec pa–
tience la venue du vapeur qui les débar–
quera, aussi misérables et affamés, aux
côtes de leur pays natal.
Cela s'est passé à Salonique, ville semi-
européenne de
200.000
habitants, siège des
autorités centrales et des consulats euro–
péens : on peut sans trop d'imagination en
inférer ce qui se produit dans les villages
lointains de Roumélie et d'Arménie.
E
N
A
L B A N I E .
Une dépêche de Constan–
tinople, en date du
17
septembre, annonçait
que les Albanais de Ljouma ayant reçu
toute satisfaction « l'ordre était entièrement
rétabli. » Pour qui sait lire les communi–
qués hamidiens, i l fallait comprendre que
les Albanais étaient toujours fort mécon–
tents et que tout allait de mal en pis. En
effet, les gens de Ljouma semblent s'être
décidés à mettre immédiatement en pra–
tique le programme exposé à Ipek, lors de
la dernière Assemblée des chefs Albanais.
Ceux-ci ont fait observer que leurs compa–
triotes étaient puissants à Yldiz et sauraient
bien arracher au Sultan les réformes dési–
rées par les Arnautes restés au pays. Les
Ljoumiotes se sont donc rendus à Prizrend
au commencement du mois et ils ont si–
gnifié à Yldiz leur ultimatum :
i° Abolition des tribunaux;
2
0
Renvoi de tous les gendarmes et poli–
ciers sans distinction de religion ;
3
° Elargissement de tous, les prisonniers
albanais;
4
0
Rappel immédiat en activité des offi–
ciers et fonctionnaires civils licenciés.
De Diakova, une autre bande envoyait,
le 7 septembre, un télégramme analogue.
Le vali de Kossovo, Chakir-Pacha était
empêché de se rendre dans la région trou–
blée parce que les rédifs du
17
e
et du
20
e
bataillon demandaient leur rapatriement et
licenciement immédiat. Il est parti vers le
10
pour Ipek; mais on est sans nouvelles
de lui, les fils télégraphiques étant coupés,
et tantôt le bruit court que le vali négoc/e,
tantôt i l est cerné à Prizrend par les Ar –
nautes.
Hilmi-Pacha et les agents civils qui
devaient aller à Uskub, ont estimé plus
prudent de ne pas s'aventurer en un pays
si dangereux.
Cependant de grands mouvements de
troupes ont lieu, et vingt bataillons au
moins ont été expédiés vers l'Albanie du
Nord, d'Uskub, de Monastir et même de
Constantinople, le tout sous les ordres de
Suléiman-Pacha.
La situation est aggravée, en Albanie,
comme ailleurs, par la politique désastreuse
d'Hamid. D'une part, i l comble de faveurs
les Albanais qui défendent sa propre per–
sonne et les excite au besoin contre les po–
pulations voisines; d'autre part, il emploie
contre la masse des Arnautes les procédés
de gouvernement usités contre tous les peu–
ples de l'empire; c'est-à-dire que ceux-ci sont
livrés, dans la mesure où ils ne se défendent
pas violemment, aux caprices des fonction–
naires et ils sont privés d'une liberté aussi
élémentaire que l'emploi de leur langue na–
tionale dans les rares écoles du pays. Le ter–
rain est ainsi rendu propice non seulement à
une révolte spontanée, mais aussi à toutes les
intrigues autrichiennes : les mêmes agents
de Ballplatz, qui poussent en sous-main les
Ljoumiotes, menacent de lâcher contre eux
ces Mirdites catholiques si on touche aux
églises de Prizrend ; et si le désordre deve–
nait trop grand les soldats de Sa Majesté
Impériale et Royale s'empresseraient d'y
mettre un terme.
D'un autre côté, les Albanais d'Italie,
195.000
hommes, s'agitent pour la cause de
leurs frères d'Outre-Adriatique et Ricciotti
Garibaldi organise, dit-on, un corps de vo–
lontaires dans l'intention de leur porter
secours.
Mais de tout cela, Hamid n'a cure : l ' A l –
banie peut se révolter, devenir autonome
ou passer sous le protectorat de l'Autriche,
il n'importe, pourvu que la garde albanaise
d'YIdiz veille à écarter de sa carcasse trem–
blante la balle, le couteau ou le fatal lacet
qui tôt ou tard libéreront de lui la face de
la terre.
D
A N S L '
Y
É M E N . - —
Dès les premiers numé–
ros du P r o
Armenia
nous avons fait con–
naître les événements graves qui ensan–
glantaient l'Yémen, tandis que sous le nom
d'Ibn Reschid, fidèle au sultan etdeMaba-
rouk, allié des Wahabites rebelles, une
lutte d'influences se poursuivait entre la
Turquie et la Russie d'une part et d'autre
part l'Angleterre. Après un succès à E l -
Bakariyé où Ibn-Reschid, avec l'aide de
l'armée turque, disait avoir écrasé Ibn-
Saoud, chef des Wahabites, la fortune a
tourné etMabarouk, venant à la rescousse,
a battu d'une façon décisive les vainqueurs
de la dernière bataille.
On va reparler quelque jour de délimiter
exactement les territoires voisins de Kowéif ;
ce sera un expédient pour sauver la face :
en fait la côte ouest du golfe persique est
devenue la possession du cheihk de Kowéit
et échappe ainsi au Sultan qui en était le
qui en était le maître nominal et du tsar
qui fournissait de l'argent à Ibn-Reschid.
C'est ainsi que selon les panégyristes offi–
ciels le ghazi Abd-ul-Hamid toujours vic–
torieux sait conserver et augmenter par de
précieuses alliances le territoire de son em–
pire.
Vient de paraître :
P * o u r
l '
A r m é n i e
e t
l a
M a c é d o i n e
M'NIFESTATlOiiS FiUHCO&HGLO ITALIENNE
Un volume de 350 pages en vente à la
Société Nouvelle de Librairie el d'Edilion,
17,
rue Cujas.
Le Secrétaire-Gérant
:
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S5$Mm<»\lVfè\ L'Èmqncipalrice
(
Imprimerie),
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GAUTHIER,
Ad.-délégué.
(
Syndiqués en Commandite
généralisée.)
Fonds A.R.A.M