enquêtes ottomanes n'ont jamais produit
        
        
          de résultat ; le plus souvent elles n'ont fait
        
        
          qu'aggraver la situation. Les chrétiens ont
        
        
          été trop souvent déçus dans leur espoir
        
        
          pour y placer la moindre confiance » — ;
        
        
          augmentation de l'indépendance des valis
        
        
          à l'égard du gouvernement central, avec
        
        
          contrôle européen sous des formes diverses ;
        
        
          introduction dans la gendarmerie d'élé–
        
        
          ments empruntés à des nationalités étran–
        
        
          gères, ce qui ne saurait porter ombrage
        
        
          à la Porte : « Cet emprunt d'instructeurs
        
        
          fait par tous les autres peuples les. uns aux
        
        
          autres ne leur a jamais paru humiliant. La
        
        
          France a longtemps emprunté à l'Italie des
        
        
          diplomates et des hommes d'État, et à la
        
        
          Suisse d'excellents soldats ; la Russie a fait
        
        
          de même. » (Le comte de Chaudordy à la
        
        
          Conférence de Constantinople, 3o décem–
        
        
          bre
        
        
          1876.)
        
        
          La tactique de la Sublime Porte dont
        
        
          Yldiz a hérité ne change guère non plus.
        
        
          On cite avec ostentation les birmans impé–
        
        
          riaux, les lois de l'empire, pendant quelque
        
        
          temps la fameuse Constitution supprimée
        
        
          presqu'aussitôt qu'accordée, le respect dû à
        
        
          l'indépendance du gouvernement ottoman.
        
        
          D'ailleurs n'est-il pas évident que la Su–
        
        
          blime Porte a déjà donné, sur le papier,
        
        
          plus qu'on ne lui demande; i l y a mieux :
        
        
          elle va donner plus ; les améliorations ré–
        
        
          clamées pour telles provinces, elle les éten–
        
        
          dra à tout l'empire ; mais une œuvre aussi
        
        
          grandiose ne peut s'exécuter en un jour ;
        
        
          qu'un peu de répit lui soit laissé.
        
        
          Les jours se perdent ainsi en palabres et
        
        
          correspondances vaines. Tandis que les
        
        
          diplomates délibèrent, le sang coule; les
        
        
          opprimés s'exaspèrent et prennent les armes.
        
        
          Chaque fois, i l s'est trouvé de bons pro–
        
        
          phètes pour annoncer la crise; mais ils
        
        
          n'ont été écoutés ni par l'Europe ni par la
        
        
          Turquie et chaque fois, après un mons–
        
        
          trueux sacrifice de vies humaines qui
        
        
          auraient pu être épargnées, une nationa–
        
        
          lité s'émancipe et par la force l'empire turc
        
        
          est diminué d'une province, sauf dans le
        
        
          cas du Liban et de Samos où, par une heu–
        
        
          reuse fortune, une politique moins extrava–
        
        
          gante et moins féroce a prévalu. Mais la
        
        
          Bulgarie, la Bosnie, la Crète sont séparées
        
        
          de l'État suzerain par la double faute, le
        
        
          double crime de l'Europe et de la Turquie ;
        
        
          et le même sort est réservé à d'autres par–
        
        
          ties de l'empire dans un bref délai, si on
        
        
          n'y établit pas au plus tôt un régime
        
        
          analogue à celui de Samos et du Liban. Le
        
        
          dernier en date des bons prophètes est
        
        
          M . Delcassé, dans sa dépêche du 3 jan–
        
        
          vier igo3 sur les affaires de Macédoine :
        
        
          «
        
        
          Il n'est que temps pour la Turquie de
        
        
          réaliser des réformes aussi importantes et
        
        
          aussi complètes que possible, si elle persiste
        
        
          dans son inertie, les populations excitées se
        
        
          soulèveront, la question d'Orient risque de
        
        
          se rouvrir et la solution en sera comme
        
        
          toujours un démembrement de l'Empire
        
        
          ottoman. » Malheureusement la dépêche
        
        
          de M . Delcassé porte dans le recueil de
        
        
          M . Schopoff le n»
        
        
          84
        
        
          et les n
        
        
          o s
        
        
          85
        
        
          et 86
        
        
          contiennent, en leur version moscovite et
        
        
          leur version autrichienne, les termes du
        
        
          programme austro-russe, qui ne préconise
        
        
          aucune réforme importante et complète et
        
        
          par où les deux empires mènent la Tu r –
        
        
          quie à un nouveau démembrement provo–
        
        
          qué par de nouvelles et légitimes révoltes.
        
        
          Tel est l'enseignement du beau livre pu–
        
        
          blié par M . Schopoff qui sera souvent mis
        
        
          à contribution. S i l'auteur devait remanier,
        
        
          il voudra bien nous permettre de lui signa–
        
        
          ler quelques lacunes. Les citations des pro–
        
        
          tocoles des séances du Congrès de Berlin ne
        
        
          sont pas aussi copieuses qu'on le pourrait
        
        
          désirer ; il y faudrait ajouter notamment les
        
        
          passages où M . de Bismarck lui-même fait
        
        
          figure d'humanitaire et dit d'excellentes
        
        
          choses touchant la nécessité de cantonner
        
        
          les troupes turques dans les villes. Il serait
        
        
          bon d'ajouter également le texte de la cons–
        
        
          titution arméniennede
        
        
          1
        
        
          863
        
        
          (1)
        
        
          qui pourrait
        
        
          servir de modèle aux organisations autono–
        
        
          mes d'une Turquie fédérée. Il serait fort
        
        
          instructif de donner outre les programmes
        
        
          du Comité pour l'autonomie de la Macé–
        
        
          doine et de l'Albanie et du Congrès Macé–
        
        
          donien, les programmes des insurgés Cre–
        
        
          tois et des révolutionnaires arméniens : on
        
        
          y verrait que les revendications des natio–
        
        
          nalités opprimées, avec quelques différen–
        
        
          ces locales, sont partout les mêmes et qu'en
        
        
          présence d'un mal général et permanent,
        
        
          les victimes d'une effroyable tyrannie ont
        
        
          toujours demandé précisément ce que l'Eu–
        
        
          rope considérait comme le minimum des
        
        
          réformes nécessaires, c'est-à-dire
        
        
          
            des condi–
          
        
        
          
            tions d'existence tolérables essentielles à la
          
        
        
          
            sécurité de la Turquie
          
        
        
          
            elle-même.
          
        
        
          R.
        
        
          
            Nouvelles d'Orient
          
        
        
          M
        
        
          
            A C É D O I N E .
          
        
        
          —
        
        
          Voilà tantôt un an, Lord
        
        
          Lansdowne, dans une dépêche adressée
        
        
          aux représentants de la Grande Bretagne
        
        
          en Russie et en Autriche-Hongrie donnait
        
        
          son approbation sous réserves au pro–
        
        
          gramme de Muerzteg : i l ajoutait que
        
        
          c'était là seulement un pas vers le mieux et
        
        
          que l'établissement de la gendarmerie
        
        
          internationale ne saurait à lui seul remé–
        
        
          dier à tout; i l faudrait certainement, plus
        
        
          tard, prendre des mesures plus effectives et
        
        
          (1)
        
        
          Cf. à ce sujet u n travail r é c e n t et excellent
        
        
          dont i l sera r e n d u c omp t e i c i p r o c h a i n e m e n t :
        
        
          
            Du pacte politique entre l'État ottoman et les
          
        
        
          
            nations non-musulmanes de la Turquie
          
        
        
          p a r
        
        
          M . T . TUTUNDJIAN, d o c t e u r en d r o i t ; u ô p. in-8°
        
        
          (
        
        
          Lausanne, G . V a n e y B u r n i e r j .
        
        
          le gouvernement anglais les indiquerait au
        
        
          besoin.
        
        
          Depuis lors, les puissances se sont réparti
        
        
          les secteurs macédoniens : Autro-Hongrois
        
        
          à Uskub, Russes à Salonique, Italiens à
        
        
          Monastir, Français à Serrés, Anglais à
        
        
          Drama et le général de Giorgis est censé
        
        
          présider à la réorganisation de la gendar–
        
        
          merie. En réalité, malgré le calme apparent,
        
        
          la faillite de l'entente austro-russe et de la
        
        
          soit disant collaboration internationale est
        
        
          dès maintenant accomplie. Les agents civils
        
        
          autrichien et russe se préoccupent beaucoup
        
        
          moins du sort des Macédoniens que des
        
        
          intérêts particuliers des deux empires, au
        
        
          point que l'on peut se demander si dès
        
        
          maintenant la Russie et l'Autriche ne se
        
        
          sont pas marqué leur part dans un démem–
        
        
          brement futur de la Turquie, comme avant
        
        
          la dernière guerre russo-turque : leurs
        
        
          agents civils et leurs officiers de gendar–
        
        
          merie travaillent surtout à constituer ou à
        
        
          augmenter leur clientèle locale.
        
        
          Le général de Giorgis se trouve en hosti–
        
        
          lité presque constante avec eux et inspire
        
        
          une confiance limitée aux Macédoniens :
        
        
          son fez turc et son uniforme turc font de
        
        
          lui, au moins extérieurement, un fonction–
        
        
          naire hamidien et i l ne dément pas assez
        
        
          par ses actes de fâcheuses préventions. Les
        
        
          carabiniers italiens de Monastir font cons-
        
        
          cieusement leurs patrouilles et rondes, mais
        
        
          ne gênent en rien l'action malfaisante des
        
        
          zaptiehs de Sa Majesté.
        
        
          Les Anglais qui ménagent moins les au–
        
        
          torités locales, obtiennent de meilleurs ré–
        
        
          sultats ; les Français qui ont l'avantage
        
        
          d'avoir parmi leurs officiers le capitaine
        
        
          Lamouche, très instruit des langues et des
        
        
          coutumes locales font également de bonne
        
        
          besogne à Serrés : mais Anglais et Fran–
        
        
          çais sont réduits à la portion congrue et
        
        
          c'est ailleurs que leur énergie eût été utile
        
        
          et efficace.
        
        
          Entre les rivalités des uns et la bonne
        
        
          volonté annihilée des autres, Husseïn-Hilmi
        
        
          peut jouer au mieux le jeu de son maître,
        
        
          c'est-à-dire perpétuer la détestable admi–
        
        
          nistration hamidienne; et après comme
        
        
          avant, les fonctionnaires, les beys et les
        
        
          gardes-champêtres extorquent à leurs ad–
        
        
          ministrés leurs derniers paras et jettent en
        
        
          prison les suspects.
        
        
          L'accord turco-bulgare n'a pas été plus
        
        
          exécuté que le programme de Muerzteg.
        
        
          C'est ainsi, par exemple, qu'Ali Ferouh bey
        
        
          refuse obstinément des passeports aux ins–
        
        
          tituteurs macédoniens réfugiés en Bul–
        
        
          garie qui devaient être autorisés à regagner
        
        
          leur poste. Cependant une tranquillité
        
        
          superficielle rassure ceux qui veulent être
        
        
          rassurés quand même ; parce que la dyna–
        
        
          mite se tait, on oublie que les motifs de dé–
        
        
          sespoir et de colère subsistent toujours au
        
        
          cœur des Macédoniens opprimés et qu'après
        
        
          avoir fait preuve d'une longue sagesse et
        
        
          Fonds A.R.A.M