nage de leur ma î t r e et l'uniforme de
l ' a rmé e
régulière. Deux
mé t h o d e s
étaient en faveur a u p r è s du Sultan qu i
avait résolu l'extermination mé t h o d i –
que de la race a r mé n i e n n e •: i° Les
conversions à l'Islam ne devinrent
pas seulement communes, mais géné –
rales et des villages entiers terrorisés
j u s q u ' à ce qu'ils s'y soumissent; 2 ° les
Kurdes c omme n c è r e n t à s'établir dans
les plaines en expulsant les A r mé n i e n s
ou en les r é d u i s a n t à l'esclavage. Le
r é s u l t a t fut que des milliers de familles
furent e n t i è r eme n t dépouillées. Quel–
ques-unes pa s s è r en t la frontière russe;
d'autres c h e r c h è r e n t du travail à Con s –
tantinople et quand ces lieux de refuge
leur furent fermés, dés milliers de
mendiants remplirent les villes. E n
1894,
les consuls de Va n constataient
comme résultat des violences kurdes
dans les villages voisins que deux mille
hommes valides mendiaient dans les
rues. Pillages, viols et meurtres é t a i en t
quotidiens.
En f i n , en j u i n
1894,
la pé r i ode du
massacre c omme n ç a au Sassoun. C'est
une r ég i on montagneuse où , comme
dans le nord de l'Albanie, l'autorité du
gouvernement turc a toujours été no–
minale et où jamais les imp ô t s n'ont
été p a v é s . Les A rmé n i e n s étaient consi–
dérés plus ou mo i ns comme la pro–
priété des Kurdes s em i - i n d é p e n d a n t s
et ils trouvaient déjà assez ma l a i s é de
subir les exactions ordinaires et extra–
ordinaires de leurs seigneurs féodaux.
Soudain, l'administration leur r é c l ama
le paiement de vingt a n n é e s de d î me s
et taxes a r r i é r é e s . Les A r mé n i e n s ré–
pondirent qu ' i l s ne pouvaient payer à
la fois leurs redevances féodales aux
Kurdes et leurs taxes légales au gouver–
nement. Ils demandaient l'établisse–
ment d'une police régulière qu i les dé –
livrerait des exactions kurdes auquel
cas ils s'acquitteraient volontiers de
leurs obligations envers le gouverne–
ment. Cette r é pon s e fut considérée
comme un acte de r é b e l l i o n ; les hab i –
tants du Sassoun furent déclarés hors
la l o i et des hordes de kurdes furent
lâchées sur leurs monts avec toute une
a r mé e de réguliers derrière eux. Des
villages furent b r û l é s , des femmes et
des enfants t o r t u r é s ou vendus comme
esclaves et des villages entiers massa–
crés jusqu'au dernier homme , je ZUBJI
Lentement, les nouvelles parvinrent
en Europe et tardivement une Commi s –
sion consulaire internationale fut en–
voyée pour faire une e n q u ê t e . Elle rap–
porta q u ' i l n'y avait pas eu de révolte
contre le gouvernement turc, rejeta
toute la responsabilité sur les a u t o r i t é s
civiles et militaires, n ' i ncu l pa pas
mo i ns les réguliers que les Kurdes et
estima le nombre des victimes à e nv i –
ron
5
.
ooo. Mais la vague de fanatisme
s'était r é p a n d u e sur d'autres districts
et l'hiver venu, les horreurs du Sas–
soun se r épé t è r en t ailleurs. Les puis–
sances négoc i a i en t pendant tout ce
temps, traitant les d é n é g a t i o n s turques
comme dignes d'attention et s'efforçant
d'obtenir de vaines promesses de ré–
formes sur le papier.
Pendant l'automne de
i 8 g 5 ,
les A r –
mé n i e n s qu i semblaient avoir quelque
confiance en l'Europe, perdirent pa–
tience à la fin. Risquant tout et déses–
pé r é s , deux mi l l e d'entre eux f o rmè r e n t
à Constantinople m ê m e un cortège qu i
marcha sur la Sublime-Porte pour de–
mander des r é f o rme s . Les Tu r c s atten–
dirent que cette masse d'hommes dé –
s a rmé s — quelques-uns seulement
avaient des revolvers — eut atteint les
b â t i me n t s du Gouvernement et là, sous
les fenêtres du cabinet du grand Vézir,
ils furent égorgés sans r é s i s t anc e . Ce
fut le signal de la. mise en œu v r e réelle
de l'extermination.
Des agents du Palais se rendirent en
diligence dans tous les districts d'Asie-
Mineure hab i t é s par des A r mé n i e n s et
o r g a n i s è r e n t le massacre sur un plan
p r émé d i t é et o r d o n n é . Le plan était
partout le m ê m e . Le quartier a r mé n i e n
était cerné par les troupes quelques
jours avant le commencement de la
boucherie et on perquisitionnait dans
les maisons pour y saisir les armes.
Quand tout était prêt, le signai était
d o n n é ordinairement par une sonnerie
de trompette de la citadelle tandis que
les p r ê t r e s musu lmans , sur les minarets
des mo s q u é e s , appelaient les croyants
à l ' œu v r e de massacre. Partout, ainsi
que l'attestent les rapports consulaires,
les troupes y prenaient part conduites
par leurs officiers et quelquefois par
leurs g é n é r a u x .
Seul un récit détaillé pourrait donner
une idée des raffinements de perfidie
et de c r u a u t é qui a g g r a v è r e n t ces mas–
sacres. A Yénidjé-Kalé, selon l'affirma–
tion de l'attaché militaire français, les
troupes envahirent l'école française et
t u è r e n t et g r i l l è r en t ma î t r e s et enfants
sous les veux des officiers. Le u r géné –
ral parcourait les rues en c r i a n t : « T u e z
d'abord vous pourrez piller ensuite. »
A Orfa, le Consul anglais rapporte qu ' un
prêtre
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centaine de jeunes gens et les égorgeait
un à un en r é c j t an t des prières en usage
à la Mecque pour le sacrifice du mou –
ton. Dans beaucoup de villes les A r mé –
niens avaient c h e r c h é un refuge dans
leurs é g l i s e s ; ils y furent b r û l é s vifs
tandis que les troupes fermaient toutes
les issues, à Orfa seulement
1.800
per–
sonnes p é r i r e n t ainsi.' E n d é c emb r e
1899,
les missionnaires amé r i c a i n s éva–
luaient à
75.000
le nombre des A r mé –
niens ma s s a c r é s . Jusqu'ici on n'a pas
pub l i é de statistique des femmes réduites
en esclavage par les Kurdes, n i des
enfants qui moururent de faim.
Une fois de plus l'Europe parla de
r é f o rme s et les A r mé n i e n s attendirent
avec patience. Enfin^ en a o û t
1896,
une bande de vingt r é v o l u t i o n n a i r e s
désespérés appartenant au parti ex–
t r ême ou
Droschakisle,
s ' emp a r è r e n t de
la banque à Constantinople, dans l ' i n –
tention de réveiller l'Europe de sa lé–
thargie.
Le Sultan prit sa revanche sur les
malheureux A r mé n i e n s réfugiés, porte–
faix et journaliers, qu i étaient ama s s é s
dans les taudis de la Capitale. Pendant
trois jours, sous les yeux m ê m e s des
ambassadeurs, Constantinople fut livré
au massacre. L'affaire de la banque
n ' é t a i t qu ' un prétexte. L a tuerie avait
été o r g a n i s é e plusieurs semaines au –
paravant. Les maisons a r mé n i e n n e s
avaient toutes été ma r q u é e s à la craie
et des bandes d'assassins enrôlées aux–
quelles la police avait d i s t r i bu é des b â –
tons. Les groupes de meurtriers qu i
parcouraient les rues et envahissaient
les maisons étaient conduits par des
agents de police et des Albanais de la
garde du corps du Su l t an .
Le mot d'ordre était partout : « Le
ma î t r e nous a permis de tuer les A r m é –
niens. »
L a discipline observée était si a dmi –
rable, que cette ville peup l é e de tant de
races, à peine un ch r é t i en grec ou bu l –
gare fut t ué par surprise. En v i r o n
5
.
ooo A r mé n i e n s pé r i r en t dans cette
tuerie qu i fut suivie de faits r é vo l t a n t s
dans les provinces. A Va n et dans les
villages voisins où le massacre fut exé–
cuté par les troupes, ap r è s les plus so–
lennelles assurances d o n n é e s au corps
Fonds A.R.A.M