L E
Comb a t d e l a b a n d e révolutionnaire " O r s g a n "
près de Zartanisse
(
Suite et fin.)
Les balles tombaient comme de la pluie. La
position de la première dizaine, commandée
par le prêtre fédaï se trouva en étal d'infériorité;
le prêtre ordonna alors à ses hommes de re–
joindre la position du chef, qui était plus forte.
Au moment de sortir de leur position, le prêtre,
qui tenait la croix dans la main, fut tué par les
balles de l'ennemi, avec ses quelques combat–
tants.
Après la mort du prêtre fédaï, la
lutte "devint de plus en plus enragée.
Nos fédaïs criaient en russe de toute
leur force : « Cruels, pourquoi faites-
vous feu sur nous quand vous voyez
que nous ne vous répondons pas ».
Ils se tournaient ensuite du côté des
Turcs, qu'ils fusillaient.
Les chefs avaient rigoureusement
défendu aux fédaïs d'ouvrir le 'feu
sur les Russes; cependant nos cama–
rades tombaient sous les balles de ces
derniers.
Vers cinq heures, d'une part les sol–
dats turcs augmentés de nombre, d'au–
tre part les Russes, cernèrent nos posi–
tions et nous repoussèrent petit à petit
vers la vallée. Nos positions devenaient
de plus en plus périlleuses et nos com–
battants essayaient de trouver une ca–
chette sûre.
Notre commandant, voyant qu'il n'y
avait plus moyen d'échapper à l'ennemi,
sonna du clairon pour se rendre, mais
les soldats turcs et russes ne faisaient
pas attention à notre signal et fusil–
laient avec rage. Le chef s'avança vers
les soldats russes sous l'averse des
balles, mais ceux-ci, dans une fusillade
générale, étalèrent sur le sol nos dix fédaïs et
notre précieux Torkhom qui tomba le drapeau
Droshakiste à la main. Nos combattants,
voyant Torkhom tomber, sortent de leurs posi–
tions, mais les uns sont fusillés, les autres
faits prisonniers, quelques-uns enfin arrivent
à s'enfuir dans la forêt.
Tandis que Torkhom périssait avec ses dix
hommes, l'autre chef de la bande, Orsort avec
ses dix hommes, n'était pas encore touché par
les balles des lâches russes, et il combattait les
poltrons soldats turcs, qui, encouragés par
l'assistance inattendue de leurs frères russes,
devenaient de plus en plus hardis et cernaient
Orsort avec ses hommes.
Orsort considérant qu'il serait impossible de
continuer la résistance, ordonna à ses hommes
de sortir de leurs positions et de s'enfuir s'il y
avait moyen ou de se rendre aux Russes,
croyant que ceux-ci les épargneraient. Pendant
cette tentative, plusieurs de nos fédaïs furent
tués. Quant à Orsort, malgré les deux blessures
qu'il avaii reçues, il continua à lutter, en des–
cendant peu à peu dans la vallée. En s'appro-
chant d'un soldat russe qu'il connaissait, il
voulut se rendre, mais le vaillant fédaï fut tué
sur-le-champ. Un autre fédaï se précipite sur
les Russes et se livre à eux en abandonnant ses
armes, mais ces derniers, sur la demande des
Turcs, leur livrent le fédaï. Les Turcs condui–
sirent ce fédaï quelques pas plus loin et le tuè–
rent après tortures devant les yeux des officiers
russes.
La fusillade continua encore jusqu'à 7 heures
du soir. A7 heures, les soldats russes et turcs;
mêlés ensemble, sonnent leurs clairons de
Le prêtre Ter-GhazarjÈKevork
guerre, poussant des cris et occupant nos posi–
tions. Là, le sourire vainqueur sur les lèvres,
ils se racontent leurs exploits.
Sur l'ordre du commandant turc, les soldats
turcs, comme preuve de reconnaissance, offrent
à leurs « frères russes » du cognac et ensuite ils
se séparent en échangeant des accolades atten–
dries ; les Russes regagnent leur frontière et les
Turcs leurs postes. A leur retour, les Cosaques
enragés transpercent, avec leurs baïonnettes,
les blessés mourants, écrasent leurs têtes avec
des pierres ; ils prennent leurs habits et vident
leurs poches.
A la nuit tombante, les soldats se retirent
dans leurs demeures en laissant dans la forêt
27
tués et en emmenant avec eux 6 blessés et
14
prisonniers. Neuf seulement parvinrent à
s'échapper et ont pu passer la frontière sains et
saufs. Cinq fédaïs ont été également tués par
les balles des Turcs dans la position d'Orsort.
Les cadavres de ces derniers ont été transportés
au poste turc.
Parmi les tués, nous comptons Torkhom,
Orsort, Vagho d'Alexandropol, Ter Ghamar de
Ghaïrdjough, Sissak d'Agheltzgha, Mardine
Stépaniantz d'Al-Bol, Bagrat de Bakou, etc.,
etc. Sauf cinq, tous ont été tués par les balles
des Russes. Ils ont fait venir les cadavres de
nos vaillants fédaïs et ils les ont fait enterrer
sur leur territoire.
Le gouverneur général incrimine le comman–
dant Bikoff pour avoir dépassé la frontière russe,
entré dans le territoire turc et pour avoir inuti–
lement tué tantji'Arméniens qui se trouvaient
en dehois'des frontières russes, dans le terri–
toire turc.
Quant à Bikoff, i l accusa le gouver–
neur de faiblesse en disant que des
hommes s'arment dans sa province en
grand nombre sans que celui-ci en
soit renseigné.
Le gouverneur général est parti sur
les lieux pour procéder à une enquête
qui, certainement, au lieu de révéler
la vérité, va justifier la cruauté des fonc–
tionnaires russes qui, la main dans la
main avec les représentants de la féro–
cité turque ont accompli un acte igno–
ble de basse cruauté. Ils ont fait preuve
de cordiale amitié avec les Turcs pour
briser la force arménienne.
Ce sont les soldats russes qui ont
informé les Turcs du passage de notre
bande révolutionnaire; ce sont eux qui
ont encouragé et secouru les soldats
hamidiens et à la fin, ont banqueté
avec les fonctionnaires turcs pour fêter
la saignée arménienne.
Aux sentiments chevaleresques des
Arméniens, ils ont répondu bassement.
«
Si les Arméniens avaient voulu, a
dit un soldat russe, ils nous auraient
tués tous, mais ils n'ont pas voulu
tirer sur nous. » •
La population des environs d'Olti
est terrifiée par ce qui s'est passé. La mort de
tant de vaillants fédaïs a émotionné vivement
tout le district. Quel dévouement de leur côté
et quel déplorable fin ! La mort des héros crie
vengeance.
Thoigom
L I R E
ANATOLIO LATINO
GL I A RME N I E ZE I TOUN
F l o r e n c e
R . B a m p o r a d et F i g l i o
Cessionari délia Libreria éditrice Felice Paggi
7,
via del Proconsolo, 7
1897
Fonds A.R.A.M