Le Mouvement Pro Arménien
EN ANGLETERRE
L'Office de
Pro Armenia
à Londres (Westmins–
ter Palace gardens Victoria Street S. W.), sous la
direction de l'éminent publiciste H . W . Massin-
gham, publie le compte rendu de la conférence
internationale du 29 juin avec une courte préface
de M M .
BRYCE
et
STEVENSON
,
des notices de
M.
H . MASSINGHAM
sur
le mouvement
en
Angle–
terre,
et de M .
H . BRAILSFORD
sur
l'histoire
de ta
question
arménienne
et un
bref
aperçu
des der–
niers massacres,
par M . G. R.
MALLOCH.
Voici la notice de M . Massingham :
La conférence internationale de j u i n der–
nier sur la situation dans le proche Orient,
marque, espérons-le, la reprise d'un devoir
qui en Angleterre du moins avait été aban–
d o n n é avant le c omme n c eme n t d u nouveau
siècle. Av o u o n s franchement q u ' i l n'y a
pas actuellement dans notre opinion pu–
blique les é l éme n t s de force et d'ardeur qui
ont caractérisé le grand mouvement fran–
çais pour venir en aide aux nationalités du
proche Orient. L ' i n s u c c è s de l'agitation
pro a r m é n i e n n e a été p r o f o n d éme n t décou–
rageant; le mouvement pro h e l l é n i q u e qui
lui a succédé en
1896-1897 (1),
a eu un peu
plus de succès, et nous devrions regretter de
dire que l'etfort pour assurer à la Macé–
doine u n gouvernement tolérable est entiè–
rement sans effet. Ma i s l'Angleterre ne
peut rien montrer d'analogue à la puissante
pression faite sur leur gouvernement dans
la cause de la r é f o rme dans le proche
Orient qu'a exercée le groupe français des
Am i s de l ' A rmé n i e . Cependant nos respon–
sabilités particulières ne sont pas moindres
que celles de la France ; outre notre a d h é –
sion c ommu n e au traité de Be r l i n , nous
avons les devoirs s p é c i a u x — devoirs non
aecomplis — que nous impose la conven–
tion anglo-turque. Nous sommes ensemble
les garants de l'empire turc; mais nous
laissons à notre'pupille une liberté de ma l
faire que n'oserait exercer aucun pouvoir
i n d é p e n d a n t d'Europe.
Un effort se fait pour ranimer les senti–
ments éveillés par les massacres de
1894
a
1896
et pour u n i r . l'opinion anglaise avec
les puissants courants qui se sont manifes–
tés,
ces derniers temps, en France et en
Italie. M . Bryce, dans son discours à la con–
férence, a bien défini les lignes d u mouve–
ment que nous d é s i r o n s r é n o v e r . Il n'est
pas r é v o l u t i o n n a i r e . Beaucoup d'amis des
nationalités qui sont encore sous la d om i –
nation d u Sultan d é s i r e n t leur éma n c i p a –
tion c omp l è t e . L a demande que nous tai–
sons à nos hommes d'Etat est de nature
plus limitée. Nous ne demandons pas la
dislocation de l'empire turc, mais l'autono–
mie ou une forme quelconque de protecto-
ji) Lors de la guerre turquo-grecque, N . D. T.).
rat ou de surveillance e u r o p é e n s pour les
populations auxquelles sont refusées la vie,
la liberté, la sécurité des biens, tous les
é l éme n t s d'une vie normale. C'est une de
mande mo d é r é e . Elle n'est pas faite au nom
de la religion, mais au nom de l ' h uma n i t é .
Ce u x qui la font rejettent pour leur pays
toute idée d'avantages particuliers; ils d é –
clarent avec leurs amis français et italiens
qu'ils désirent voir leurs hommes d'État
agir avec un complet d é s i n t é r e s s eme n t .
Est-il impossible de r é o r g a n i s e r dans ce
pays des forces q u i tenteraient de délivrer
l ' A r mé n i e , r é c e mm e n t encore victime de
son impitoyable ma î t r e ? Nous ne le pen–
sons pas. L a cause de l'autonomie pour les
peuples sujets de la T u r q u i e n'est pas une
question de parti : là-dessus M . Gladstone
et lord Salisbury pensaient de m ê m e et les
plus récents mouvements politiques sont
en entière sympathie avec celui-ci.
Nou s avons seulement à rallumer l'inté–
rêt pour une cause historique qui a g a g n é
la pensée et le c œ u r de quelques-uns des
plus grands An g l a i s , à donner des infor–
mations au public, à user de l'influence que
nous avons sur les chefs des
deux
partis et
sur* les r e p r é s e n t a n t s d u pays dans les
affaires é t r a n g è r e s . Un e tentative sera faite
pour r é p o n d r e à ces besoins et pour ma i n –
tenir avec nos amis de France et d'Italie
une coopération plus constante, mi e ux or–
ganisée que celle q u i existait dans les sept
d e r n i è r e s a n n é e s . Nous n'avons pas de vues
étroites dans la question d'Orient. Nous
sommes p r o -Ma c é d o n i e n s , pro-Grecs, pro-
A r m é n i e n s . Notre désir est de tenter, par
des mé t h o d e s régulières, de sauver pour la
cause de la civilisation quelques-uns des
peuples les mieux d o u é s d'Europe et d'Asie,
qui ont vécu dans le courant des grands
é v é n eme n t s et q u i , si leur cause n'est pas
oubliée y vivrait encore.
H .
W .
M
A S S I N G H A M .
.
a Presse Hamidienne en France
M. Em i l e Massard, ancien r é d a c t e u r au
Cri du Peuple,
aujourd'hui directeur de la
Patrie,
vient de d é c o u v r i r le Bosphore, les
Iles des Princes et Constantinople. Il a
m ê m e assisté au S e l aml i k comme tous les
touristes r e c o mm a n d é s par leur ambassade
et en quelques minutes i l a été t o u c h é par
la grâce hamidienne. O n lit dans la
Patrie
d u
2
septembre.
Le Sultan apparaît.
D'un
mouvement rapide, toutes les troupes pré–
sentent les armes, — à la française. Le Comman–
deur des Croyants est dans un landau découvert ;
le visage, bronzé, est souriant.
Le souverain porte une simple redingote noire,
sans aucune décoration.
Q u a n d
il passe devant
nous,
nous
nous
inclinons; il
nous
rend aussitôt
notre salut, à la turque : c'est-à
-
dire
en portant
d'abord la main aux lèvres, puis au front, d'un
geste fort gracieux.
Le cortège fait une conversion à gauche et s'en–
gouffre dans la mosquée; à l'issue de la cérémonie
religieuse, les troupes défilent à nouveau, et Abdul
Hamid rentre en suivant le même itinéraire, mais
cette fois sans apparail, dans une voiture qu
'
il
con–
duit
1
ui-même.
En
somme, le Sultan ne nous a pas donné l'im–
pression de l'homme terrible qu'on se plaît à dé–
peindre dans les gazettes de Paris, qui réservent
leurs sympathies au roi d'Angleterre. Sa physiono–
mie nous a apparu au contraire fort douce, déga–
geant un charme personnel tout particulier. C'est
un
souverain évidemment très intelligent, et —
chose plus rare — sincèrement vénéré par ses su–
jets.
Cela contrariera bien des gens. Je n'y puis
rien.
Je sais bien qu'en écrivant ces-lignes je heurte
les idées préconçues de ceux qui aiment
à
employer
des clichés faits sur commande. Mais, d'abord, je
me borne à donner l'impression. Ensuite, après
tout, le Sultan a bien le droit de défendre son em–
pire : contre les Autrichiens et les Italiens, qui se
disputent l'Albanie ; contre les Serbes, les Bulgares
et les Grecs, qui se disputent la Macédoine. Je ne
parle pas des Arméniens, ces parasites de l'Orient,
qui
rongent, comme un ulcère, toute l'Asie-Mi-
neure, et qui sont vingt fois plus détestables, plus
haïssables que tous les Juifs du Levant.
Le
Genevois,
qui a toujours d é f e n d u la
cause a r m é n i e n n e , selon la tradition du
regretté F a v o n , avait signalé c omme i l con–
vient cette scandaleuse correspondance.
O n lit donc dans la
Patrie
du
8
sep–
tembre :
Le
Genevois,
un journal odieux, qui s'est hon–
teusement distingué au service du syndicat de
trahison, se permet d'attaquer violemment ia
Pa–
trie
au sujet de ses dernières lettres d'Orient. L'or–
gane du protestantisme suisse, il est vrai, insulte
en même temps et le tsar et le sultan et tous ceux
qui
ne sont pas subventionnés
par l'or armé–
nien.
Les polissonneries de la feuille helvétique n'ont
guère d'importance : elles ne dépassent pas la por–
tée des canards du lac de Genève. Xous tenons
cependant à exprimer au directeur de ce journal à
scandales tout le mépris que ses insinuations nous
inspirent. La feuille publique qui s'est déshonorée
et prostituée en défendant le traître internatio–
nal,
qui est maintenant le réceptacle de toutes les
ordures des Arméniens — il faut trois juifs pour
valoir un Arménien, — cette feuille, dis-je, peut
nous viser, mais elle ne tire pas — pas même à
conséquence.
Dans la séance du
10
mars
1903,
M . L u –
cien Mi l l e v o y e , rédacteur en chef de la
Patrie,
faisait un tableau p a t h é t i q u e des
massacres a r m é n i e n s et flétrissait l'attitude
passive de la diplomatie.
M.
Em i l e Massard pense-t-il que le ré–
dacteur en chef du journal q u ' i l dirige, soit
s u b v e n t i o n n é par l'or a r m é n i e n ?
Fonds A.R.A.M