An t r a n i k a agi à Va n m ê m e ou' dans
les environs de la ville et s'est ensuite
retiré dans la montagne. L ' i nven t i on
absurde selon laquelle le D
R
Lo r i s
Me l i k ow alors à Londres « avait pris la
ville de Va n » montre assez avec quelle
méfiance il faut accueillir ces d é p ê c h e s .
Cependant elles ont été grandement
d i vu l gué e s , par les soins sans doute de
la diplomatie hami d i enne ; et en m ê m e
temps, de tous côtés, le sultan faisait
dire et fait dire que la population kurde
et musulmane n'a pas été a r mé e et se
tient parfaitement tranquille et que
l ' a rmé e a été envoyée dans le pays
«
pour emp ê c h e r les bandes de c om–
mettre des atrocités ».
Nous connaissons dès longtemps le
p r oc édé et i l est certain, si l'on exa–
gère l'importance actuelle du mouve–
ment a r mé n i e n , si l'on célèbre la ma n –
s u é t ud e des Ku r de s et la belle conduite
des troupes, si l'on essaie de cacher la
mobilisation : qu'un mauvais coup se
p r é p a r e ou a été accompli. L a certi–
tude douloureuse sera parfaite, le jour
où les journaux et les agences publie–
ront des adresses de loyalisme et de
reconnaissance envoyé e s à Ab d u l H am i d
par ses fidèles a r mé n i e n s des pays dé–
vastés.
Quant à la mobilisation et tout au
moins à l'augmentation des troupes du
4
°
corps, les d éme n t i s officieux la con–
firment et la prouvent. Les rédifs (sol–
dats de réserve) licenciés en Ma c édo i ne
rentrent en Asie où ils pourront être
utilisés. Ceux de Di a r b é k i r vont com–
bler les vides faits dans les effectifs par
l'envoi des nizams (soldats de l ' a rmé e
active), de la région de Mo u s h et de
B i t l i s a u Sassoun ou vers Bayazid. E t
le dernier c o mm u n i q u é turc, fort em–
b a r r a s s é , établit qu'en fait
les effectifs
ont été augmentés
puisque la classe
qui devait être licenciée
est
gardée
sous les drapeaux, tandis que l'appel
de la nouvelle classé est
avancé.
Il est impossible en lisant cet aveu
officieux de ne pas se reporter à des
dépê che s de M . Bergeron, consul de
France à E r z e r oum, en
1894,
à l'épo–
que des premiers massacres de Sas–
soun :
E r z e r o u m , le
3
i
a o û t
1894.
D e p u i s q u e l q u e temps une certaine i n q u i é t u d e
r è g n e dans les esprits à la suite de mesures rccentes
prises par les a u t o r i t é s militaires. L a p o r t i o n d u
contingent de l ' a r m é e active l a i s s é e dans ses foyers
à la d i s p o s i t i o n de l ' a u t o r i t é militaire vient d ' ê t r e
a p p e l é e sous les d r a p e a u x . T r o i s bataillons ont é t é
d é t a c h é s d ' E r z e r o u m , avec une batterie d'artillerie
de montagne, trois autres b a t a i î l o n s d ' E r z i n j a n ,
en tout e n v i r o n
2.5
oo
h o mm e s
O n dit que les
bataillons e x p é d i é s à S a s s o u n cernent la c o n t r é e
et resserrent davantage de j o u r en j o u r leur cercle
d'action
L'autorité cherche a cacher comme toujours le
plus qu'elle peut ces pénibles événements
sans p o u –
v o i r toutefois amener la t r a n q u i l l i é dans les esprits.
T r o i s mois plus tard, quand le crime
fut accompli, le consul plus amplement
i n f o rmé écrivait :
E y z e r o u m , le
24
n o v e m b r e
1894.
S u r u n o r d r e a d r e s s é au iMuchir Z e k k h i Pacha,
c o mm a n d a n t au
4
°
corps d ' a r m é e à E r z i n d j a n
p l u –
sieurs escadrons h a m i d i é s (6
.000
cavaliers, dit-on)
et une dizaine de bataillons d'infanterie en tout
12.000
h o mm e s ont é t é d i r i g é s sur le S a s s o u n .
Puis ap r è s avoir r a ppo r t é les p r emi è –
res rumeurs de massacre, le consul
ajoutait :
Si ces faits sont réels, quels sont d o n c les v é r i –
tables ordres q u i ont é t é d o n n é s p o u r r é p r i m e r les
troubles de S a s s o u n ? L a troupe aurait^elle p u se
l i v r e r à de tels-actes sans y avoir été s i n o n encou–
r a g é e , d u m o i n s a u t o r i s é e tacitement ? P o u r q u o i le
g o u v e r n e m e n t a-t-il g a r d é c o n s t a mm e n t le" p l u s
g r a n d m y s t è r e sur tous ces é v é n e m e n t s ?
Pourquoi
les fonctionnaires semblent-ils avoir reçu comme
mot d'ordre de ne point parler des faits qui vien–
nent d'avoir lieu ? Et juste à cette époque pour
,
donner le change à l'opinion publique, les jour–
naux de Constantinople annonçaient
que Zekdi-
Pachd venait de faire une tournée d'inspection et
de visiter les dépôts de la cavalerie hamidiêe.
On a su depuis, hé l a s ! que les faits
étaient réels. Al o r s i l était permis en
quelque mesure aux ministres euro–
péens de douter et d'accorder une
espèce de c r é anc e aux d éme n t i s h ami -
diens. Mais aujourd'hui ! Ap r è s Orfa,
ap r è s Constantinople, a p r è s les derniers
é v é n eme n t s de Sassoun et de Mo u s h ,
niés ou a t t é nu é s d'abord et dont i l faut
bien maintenant r e c onn a î t r e toute la
sanglante horreur, i l est impossible,
sans faire preuve d ' e n t ê t eme n t aveugle
ou de mauvaise foi complice de se mé –
prendre sur les véritables intentions du
sultan ; la p r é s enc e seule de Ze kh i
pacha, inspirateur, organisateur et exé–
cuteur des grandes tueries de
1894
à
1896,
à la tête du
4
e
corps, suffît à jus–
tifier les pires craintes.
A Va n déjà, en
1896,
son s u b o r d o n n é
Saaddeddin Pacha s'illustra en bom–
bardant, de la forteresse, les quartiers
bas de la ville a r mé n i e n n e , les jardins
et les vignobles, et fit des milliers de
victimes dans une population entière–
ment dé s avoué e .
Nou s e s p é r on s que, contrairement à
l ' é t r ange information qu i les r ep r é s en t e
encourageant le sultan à de nouvelles
tueries, les r e p r é s e n t a n t s des puissances
lui feront savoir que les
7771
du Sas–
soun suffisent pour cette a n n é e et que
les temps sont passés où M . Gabriel
Hanotaux célébrait le geste de sa petite
main blanche donnant l'ordre de mort.
Mais si les é v é n eme n t s que nous a p p r é –
hendons se produisent, si une
fois
encore, ap r è s avoir promis au lende–
main de la conférences de Londres,
qu ' un projet de r é f o rme s établi sur les
principes du m é m o r a n d u m de mai
1895
allait être c o mm u n i q u é à la Sublime
Porte, la diplomatie e u r o p é e n n e fait
faillite à son devoir é l éme n t a i r e et
laisse égorger, étant d ûm e n t p r é v e n u e
et avertie, la population pacifique de
Va n et de la région avoisinante, elle
aura e l l e -même au t o r i s é d'avance les
r é vo l u t i onn a i r e s a r mé n i e n s à prendre
«
les mesures e x t r ême s dont ils se sont
abstenus jusqu'ici ».
P I E R R E
Q U I L L A R D .
Le Comité de Secours
Nous avons reçu pour le Comité de
secours aux Arméniens du Sassoun les
précieuses adhésions de
M M .
A N A T O L E
L E R O Y - B E A U L I E U ,
membre de l'Institut, et
V I C T O R B É R A R D .
Le Comité est donc ainsi constitué :
M M . B E R T H E L O T , E . L AV I S S E , S U L L Y - P R U -
DHOMME ,
membres de l'Académie Française ;
M I C H E L B R É A L , A N A T O L E
L E R O Y - B E A U L I E U ,
membres de l'Institut; A .
B R I AND , D E NY S
C O C H I N , D ' E S T OU R N E L L E S DE CON S TANT , JEAN
J AU R È S ,
Abbé
L E M I R E , FRANCIS DE P R E S –
SENSÉ,
G .
R O U A N E T ,
députés;
V I C T O R B É R A R D ,
P I E RR E Q U I L L A R D .
Par l'intermédiaire de M M . Francis de
Pressensé et Pierre Quillard un premier
envoi de
35.166
francs a été fait du minis–
tère des affaires étrangères à M . Robin,
vice-consul de France. •
Nous avons reçu depuis :
L e s A r m é n i e n s d u s a n a t o r i um de L e y s i n . . . 5o fr.
Les souscriptions peuvent être adressées
à M . P. Quillard,
10,
rue Nollet, Paris,
17
e
.
LIRE
LES RÉFORMES
ET LA
Protection des Chrétiens en Turquie
par A. SCHOPOFF
Chez PLON et NOURRIT, 8, rue Garancière.
Nous rendrons compte de cet ouvrage ma–
gistral dans le prochain
numéro.
Fonds A.R.A.M