pots, l'arrangement qui mit fin à la der–
        
        
          nière insurrection de Zeïtoun contenait des
        
        
          clauses analogues, et si l'article touchant les
        
        
          gardes champêtres et les armes à tir rapide
        
        
          paraît d'abord insolite à quelqu'un de peu
        
        
          informé, il suffira de rappeler qu'un vali
        
        
          des provinces macédoniennes, qui devint
        
        
          plus tard grand vizir, avait provisoirement
        
        
          rétabli l'ordre en Macédoine par une mesure
        
        
          semblable; c'est traduire en langage pra–
        
        
          tique la reconnaissance du droit de se dé–
        
        
          fendre contre les Kurdes et les Tcherkesses.
        
        
          Quant au refus de laisser construire des ca–
        
        
          sernes turques au Sassoun, on en connaît
        
        
          trop la raison pour qu'il soit utile d'insister;
        
        
          les soldats, plus les Kurdes, font aux
        
        
          paysans deux ennemis au lieu d'un, ainsi
        
        
          que l'avouait naguère M . Delcassé et, dans
        
        
          un pays désert, les habitants se soucient peu
        
        
          de laisser leurs femmes et leurs filles à la
        
        
          merci des troupes hamidiennes quand elles
        
        
          vont à la fontaine ou conduisent les bêtes
        
        
          aux champs.
        
        
          Le comte d'Aberdeen, dans la séance du
        
        
          12
        
        
          août, à la Chambre des Lords, a juste–
        
        
          ment indiqué que ces crimes nombreux et
        
        
          impunis contre les femmes suffisaient à
        
        
          expliquer un mouvement insurrectionnel,
        
        
          sans qu'il fût besoin d'invoquer de préten–
        
        
          dues excitations du dehors. Tant que cet
        
        
          état de choses durera, les troubles seront
        
        
          permanents et i l est naturel qu'Andranik et
        
        
          ses compagnons aient notifié que si la ré–
        
        
          ponse donnée à leur requête n'était pas fa–
        
        
          vorable , le mouvement insurrectionnel
        
        
          serait repris immédiatement.
        
        
          C'est là un suprême appel à l'Europe
        
        
          et au monde civilisé tout entier. Les
        
        
          puissances signataires du traité de Berlin
        
        
          ont plus que les autres le devoir de l'en–
        
        
          tendre. Ainsi que l'a dit, le même jour, le
        
        
          comte d'Aberdeen, elles n'ont pas seule–
        
        
          ment à sauvegarder en Turquie d'Asie leur
        
        
          commerce et des intérêts particuliers ; l'acte
        
        
          de
        
        
          1878
        
        
          engage leur responsabilité envers
        
        
          les populations dont elles assumèrent alors
        
        
          la protection. Et si sur certains points les
        
        
          autorités ottomanes semblent faire preuve
        
        
          de quelque bonne volonté, i l ne faut pas se
        
        
          laisser leurrer: à la première occasion, le
        
        
          plan d'extermination, un instant aban–
        
        
          donné, sera vite repris. C'est pourquoi i l est
        
        
          fâcheux que les consuls de France et d'An–
        
        
          gleterre aient quitté si hâtivement les points
        
        
          les plus menacés, d'autant plus que les ren–
        
        
          contres à la frontière et dans la région de
        
        
          Moush auront certainement une répercus–
        
        
          sion au Sassoun même et que, un peu dans
        
        
          tout l'empire, Hamid ait repris la mons- _
        
        
          trueuse politique qui consiste à faire incen–
        
        
          dier les quartiers arméniens. On n'a pas
        
        
          oublié les grands incendies de Hadjin, de
        
        
          Zeïtoun, de Marash, de Van où, dans le
        
        
          passé encore récent, les seules victimes
        
        
          furent des Arméniens ; on croirait que sur
        
        
          un mot d'ordre venu de haut, les serviteurs
        
        
          de S. M . I. ont été incités de rechef à met–
        
        
          tre le feu aux quartiers et bazars arméniens
        
        
          et à procéder au pillage pendant l'incendie.
        
        
          Nous avons annoncé l'incendie du bazar
        
        
          de Bitlis; aujourd'hui on apprend l'incen–
        
        
          die des Dardanelles et des détails navrants
        
        
          sont donnés par les
        
        
          
            Daily News,
          
        
        
          sur l'incen–
        
        
          die de Marsovan, le
        
        
          2
        
        
          juillet; en huit
        
        
          heures, 36o maisons et
        
        
          280
        
        
          boutiques ont
        
        
          été brûlées et les autorités turques n'ont rien
        
        
          fait pour enrayer le désastre qui a atteint
        
        
          seulement les quartiers chrétiens : « C'est
        
        
          le quartier des ghiaours; laissez-le brûler!»
        
        
          répétait-on dans la foule. Les gouverne–
        
        
          ments d'Europe et ceux en particulier des
        
        
          nations occidentales auraient donc grand
        
        
          tort d'attribuer une importance quelconque
        
        
          à quelques actes de réparation partielle. Une
        
        
          volonté de destruction active et vigilante
        
        
          s'exerce continûment à Yldiz et s'il lui ad–
        
        
          vient de céder aux circonstances, elle attend
        
        
          et prépare avec une féroce ténacité les ven–
        
        
          geances futures.
        
        
          Le dernier incident turco-américain est
        
        
          singulièrement intructif. Voilà de longues
        
        
          années que le sultan s'inquiète de l'établis–
        
        
          sement de collèges américains dans les pro–
        
        
          vinces arméniennes : sa doctrine à leur
        
        
          égard était ingénument exposée par un
        
        
          grand journal de Vienne, peu de jours
        
        
          avant le conflit que le reclus d'YIdiz pré–
        
        
          voyait certainement et dont i l espérait peut-
        
        
          être profiter avec l'appui de quelques puis–
        
        
          sances européennes, de deux au moins, de
        
        
          trois peut-être. « Dans les écoles des mis–
        
        
          sions américaines, était-il dit, on donne aux
        
        
          jeunes Arméniens des idées de liberté et
        
        
          d'indépendance qui ne sont réalisées nulle
        
        
          part, pas même aux Etats-Unis, un jeune
        
        
          Arménien ainsi élevé doit se trouver très
        
        
          malheureux en Turquie. » Et c'est ainsi
        
        
          que les collèges américains étaient dénoncés
        
        
          comme responsables du mouvement révo–
        
        
          lutionnaire arménien, comme si les atro–
        
        
          cités hamidiennes n'avaient pas suffi à le
        
        
          créer.
        
        
          Aussi dès les premières démarches de
        
        
          M . Leishmann, la presse hamidienne don-
        
        
          na-t-elle de la voix contre les Etats-Unis
        
        
          qui osaient intervenir en Orient : les puis–
        
        
          sances qui ont laissé égorger les Armé–
        
        
          niens par philanthropie et pour ne pas
        
        
          «
        
        
          surexciter le fanatisme musulman » trou–
        
        
          vaient amère la leçon donnée par la Grande
        
        
          République d'outre-Atlantique. A Vienne
        
        
          et à Berlin, l'indignation était vive; en
        
        
          Russie où les journaux parlent et se taisent
        
        
          par ordre, on redoutait les plus graves con–
        
        
          séquences pour les populations chrétiennes
        
        
          et le
        
        
          
            Rouss
          
        
        
          faisait appel à la solidarité-
        
        
          européenne en faveur du sultan qui n'avait
        
        
          pas passé jusqu'ici pour un si bon « Euro–
        
        
          péen ».
        
        
          Les clameurs n'intimidèrent pas autre–
        
        
          ment M . Hay et les Etats-Unis paraissent j
        
        
          avoir obtenu une satisfaction immédiate
        
        
          1
        
        
          sur tous les points. Il ne s'en est pas suivi
        
        
          de guerre entre eux et la Turquie, non plus
        
        
          que lors d'autres interventions; c'est une
        
        
          preuve de plus que la paix ne courrait au–
        
        
          cun risque le jour où quelques unes des
        
        
          puissances signataires du traité de Berlin
        
        
          appuieraient leurs représentations à Yldiz
        
        
          par l'envoi de quelques bateaux dans les
        
        
          mers du Levant; s'il vient enfin à l'idée des
        
        
          gouvernements européens de mettre un
        
        
          terme aux souffrances arméniennes et de
        
        
          faire droit aux justes revendications que
        
        
          leur présentent en même temps Mgrditch-
        
        
          Khrimian, catholicos suprême d'Etch–
        
        
          miadzin et le chef de bande Andranik, ils
        
        
          penseront sans doute avec M . Anatole
        
        
          Leroy-Beaulieu que la démonstration na–
        
        
          vale de Smyrne a été à la fois une leçon
        
        
          pour le Sultan et un exemple pour l'Eu–
        
        
          rope.
        
        
          P
        
        
          
            I E R R E
          
        
        
          Q
        
        
          
            U I L L A R D .
          
        
        
          P . S. — Ainsi qu'on l'a pu lire plus haut,
        
        
          le Ministre des affaires étrangères de France
        
        
          s'est déclaré heureux de faciliter en ce qui
        
        
          le concerne une œuvre aussi bienfaisante
        
        
          que l'envoi de secours aux réfugiés du Sas–
        
        
          soun. Un premier envoi de trente mille
        
        
          francs va donc être fait au vice-consul de
        
        
          France à Van , et, en exprimant ici à
        
        
          M . Delcassé notre vive gratitude pour sa
        
        
          généreuse bienveillance, nous osons expri–
        
        
          mer l'espoir que les sommes recueillies ulté–
        
        
          rieurement pourront être adressées de même
        
        
          par son intermédiaire aux victimes de la
        
        
          misère et de la faim.
        
        
          L A
        
        
          QUESTION ARMÉNIENNE
        
        
          devant
        
        
          les
        
        
          deux Chambres
        
        
          du Parlement anglais
        
        
          Les affaires arméniennes ont été traitées
        
        
          le
        
        
          12
        
        
          août devant les deux Chambres du
        
        
          Parlement anglais ; à la Chambre des Lords
        
        
          par le comte d'Aberdeen et le marquis de
        
        
          Lansdowne, à la Chambre des Communes
        
        
          sous forme de réponse écrite du comte
        
        
          Percy à M . J . Bryce.
        
        
          Voici le compte rendu analytique :
        
        
          Ch amb r e des L o r d s .
        
        
          L e C o m t e CTABERDEEN d e m a n d e a u s e c r é t a i r e
        
        
          d'Etat p o u r les affaires é t r a n g è r e s s ' i l peut d o n n e r
        
        
          de n o u v e l l e s i n f o r m a t i o n s sur les derniers t r o u –
        
        
          bles s u r v e n u s dans certaines p r o v i n c e s a r m é n i e n n e s
        
        
          et si le G o u v e r n e m e n t songeait à n o m m e r d a n s ces
        
        
          r é g i o n s des c o n s u l s s u p p l é m e n t a i r e s . A u sujet de
        
        
          r é c e n t s é v é n e m e n t s d u m ê m e ordre, i l a é t é p u b l i é
        
        
          dans les j o u r n a u x que, v o i l à p e u de j o u r s , des
        
        
          A r m é n i e n s r é v o l u t i o n n a i r e s s ' é t a i e n t m o n t r é s p r è s
        
        
          de U t c h k i l i s s é , e: que les soldats turcs en avaient
        
        
          p r i s p r é t e x t e p o u r d é t r u i r e ce village et les villages
        
        
          v o i s i n s de K a r a b a z a r et de S a y t o . C o m m e i l a r r i v e
        
        
          Fonds A.R.A.M