famine et la maladie é p a r gn e r a i e n t . A
la frontière turco-russe les tueries se
propagent. A Mou s h ou à Bitlis, l ' i n –
cendie dé t r u i t le bazar a rmé n i e n et les
Kurdes pillent et probablement ne se
font pas faute de tuer. S ' i l fallait une
preuve de plus de la sinistre c omé d i e
jouée par Ab d u l - Ham i d , le prêtre a r mé –
nien chez qui s'était arrêté le consul
de France se rendant à Mou s h a été
a s s a s s i né .
Le guet-apens harnidien ne peut être
n i é ; chaque jour apporte des révéla–
tions nouvelles, co^.me si Sa Majesté
Impé r i a l e semblait avoir pris à c œ u r
de justifier l'appel de Mgrditch K h r i -
mian aux gouvernements et aux peu-
ples civilisés d'Europe.
A u x gouvernements de faire leur
devoir, s'ils ne veulent pas y être con –
traints par la voix impé r i eu s e des peu–
ples.
Pierre Q U I L L A R D .
:
Quelques Thèses du "Mechve r e t "
Dans la déclaration préliminaire parue
en tête du numéro i de
Pro Armenia
(25
novembre
1900),
on lisait:
Nous ne voulons ni réveiller l'esprit de
croisade ni exciter à la haine de l'une des
races ou des religions qui vivent ou sont
professées sur le territoire de l'empire
ottoman.
Cette déclaration fut reproduite et com–
mentée dans les numéros
2
et
3 (10
décem–
bre
1900, 25
décembre
1900):
dès ce mo–
ment en effet, mais sur un ton infiniment
moins discourtois, le
Mechveret,
«
organe
de la Jeune-Turquie, publié sous la direc–
tion de AHMED RIZA », s'était étonné que
l'on prît en main plus spécialement la cause
arménienne et n'était pas loin de penser
que le Comité de rédaction de notre jour–
nal, malgré les noms et les opinions bien
connues des hommes qui le composent,
était mu à la fois par la passion religieuse
et par des arrière-pensées politiques: haine
de l'islamisme, désir secret de favoriser en
Asie-Mineure une intrigue russe. Dès ce
moment aussi, nous disions « nous être
fait une règle absolue de n'engager ici au–
cune polémique personnelle, en particulier .
avec ceux qui souffrent d'une façon ou
d'une autre de la tyrannie hamidienne. »
Nous ne nous départirons pas de ce
principe ; nous ne chercherons même pas
par où, raisonnant comme Tahir au temps
de sa splendeur, M . Nicolaïdès dans
{'
Orient
j
ou Munir Pacha, ambassadeur de S. M . L , !
dans ses communiqués à la presse, M . Ah –
med Riza se distingue en fait des plus
fidèles serviteurs d'un souverain et d'un
régime dont il se proclame l'adversaire.
Mais il nous est permis de regretter que
par une étrange aberration « l'organe de la
Jeune-Turquie » prenne à son compte les
thèses mêmes du gouvernement harnidien
et jusqu'à son vocabulaire quand il parle,
par exemple, des « bandits arméniens »
dans le style des journaux de Constanti–
nople et, par une audacieuse transposition
de la vérité, les rend responsables des
crimes commis par le sultan.
i° Il n'est pas vrai que l'action des Comi–
tés révolutionnaires
soit la cause des mas–
sacres : elle en est la conséquence.
Dès
1876,
le patriarche Nerses, à une
époque où aucun Comité n'existait en Eu–
rope ni en Turquie, énumérait, dans un
takrir adressé à la Sublime-Porte,
258
vil–
lages,
32
couvents et
3
villes dont les terres
avaient été spoliées en tout ou en partie par
les beys voisins. Il citait entre autres le cas
d'Abdi-bey qui, avec quelques autres bri–
gands, s'était approprié les champs des
Arméniens, dans le district de Saherb,
avait pris le bétail, détruit l'église de Housb
et avec les matériaux s'était élevé une mai–
son. Ailleurs, à Chadakh,
200
Arméniens
avaient été dépouillés de leurs terres ; une
décision de justice les leur ayant restituées
pour la forme, les beys kurdes firent une
expédition contre dix villages, pillant et
brûlant tout.
(
Enquête de
1876.)
Et au lendemain du traité de Berlin, un
délégué anglais, le capitaine Clayton, écri–
vait de Moush
(2
août
1879) :
Il y a trois semaines, u n notable chef kurde,
Mirza-bey, battit presque j u s q u ' à le tuer le chef
d ' u n village a r m é n i e n q u i avait é l u sans sa p e r m i s –
sion. Il cavalcade en l i b e r t é et est en h o n n e u r au
s é r a i l . L e s z a p t i é h s et les officiers des troupes agis–
sent de m ê m « à l'égard des paysans.
Une caravane a r m é n i e n n e allant de V a n à C o n s –
tantinople a é t é a t t a q u é e l'an dernier, p r è s de
B o u l a n i k ,
par les K u r d e s q u i
l u i ont
volé
6.600
L . T . Les A r m é n i e n s ont p o r t é plainte : les
voleurs, bien connus, ont é t é a r r ê t é s , mais ayant
beaucoup d'argent à leur d i s p o s i t i o n , m i s en
l i b e r t é presque a u s s i t ô t .
P e u a p r è s , u n A r m é n i e n allait d ' E r z e r o u m à
M o u s h , porteur d'une lettre p o u r l ' é v ê q u e o ù
é t a i e n t r a p p o r t é s de n o m b r e u x griefs. O n a t r o u v é
son cadavre p r è s d'Ischahur : q u a n d son fils v i n t
chercher le corps, le corps et les lettres avaient
d i s p a r u .
O n parle de c r i m e s plus affreux encore c o mm e
n ' é t a n t p o i n t rares
(
Blue Book,
T u r k e y n °
4 .
1880,
P .
28).
En
1876
et en
1879,
i l n'y avait ni Hnt-
chak, ni Droschak, ni défenseurs des Armé–
niens en Europe et cependant ces enquêtes
et rapports semblent datés d'hier, et c'est à
peine s'il faudrait changer tous les noms
pour qu'ils puissent être publiés à nouveau.
Quand une population est soumise à une
telle oppression, quand par le faitd'Abdul
Hamid, l'oppression, ancienne etrudimen-
taire', devient un système et une méthode de
gouvernement, il n'y a pour les victimes
de la tyrannie d'autre alternative que
l'extermination lente ou la défense déses–
pérée contre les oppresseurs, petits et
grands. La constitution des Comités révo–
lutionnaires et leur action n'a été qu'un
acte de légitime défense ayant pour but
d'obtenir du Sultan et de l'Europe, l'exé–
cution des traités.
L'action des Comités, postérieure aux
atrocités commises
en temps normal,
ne
peut, à aucun degré, justifier les massacres;
et aujourd'hui, comme en
1894,
les enquê–
teurs européens, tenus à toutes sortes de
réserves diplomatiques, trompés par les
auteurs immédiats des derniers crimes,
seront obligés de reprendre les conclusions
de M M . Shippley, Vilbert et Prejwalski,
après les premiers massacres du Sassoun :
L a ruine absolue d'une r é g i o n ne peut j a m a i s
ê t r e c o n s i d é r é e c o mm e une r é p r e s s i o n p r o p o r t i o n –
n é e au c h â t i m e n t m ê m e d'une r é v o l t e ; à plus forte
r a i s o n dans le cas actuel, le seul c r i m e p o u r les
A r m é n i e n s d ' a v o i r a b r i t é , v o i r e c a c h é , M o u r a d ' et
sa bande, q u e l q u e s actes de brigandage isolés sur
la personne des K u r d e s o u d ' i n s o u m i s s i o n à l'égard
des a u t o r i t é s , une légère r é s i s t a n c e possible contre
les troupes i m p é r i a l e s et dans des c o n d i t i o n s res–
t é e s n o n é c l a i r c i e s ne sauraient-elles a u c u n e m e n t
justifier l'état de m i s è r e a u q u e l gens et pays se
trouvent r é d u i t s .
2
0
II n'est pas vrai que «
des phraseurs
étrangers sans conviction veuillent suggé–
rer aux puissances la bouffonne idée d'une
nouvelle croisade contre la Turquie pour
l'amener .à accorder aux Arméniens
une
autonomie. »
Ni les Arméniens, ni leurs amis d'Eu–
rope n'ont jamais demandé d'autonomie.
Ils ont réclamé l'exécution du traité de
Berlin et l'application du mémorandum de
1895,
comportant la nomination des valis
soumise à l'approbation des Puissances ;
l'institution d'un haut commissaire agréé
par les Puissances avec pleins pouvoirs sur
les valis pendant la durée de sa mission;
l'institution d'une Commission perma–
nente de contrôle siégeant à la Sublime
Porte où les ambassadeurs feraient parve–
nir directement, par l'intermédiaire de
leurs drogmans, tous les renseignements et
communications qu'elles jugeront néces–
saires; cette Commission est prévue par
l'article
61
du traité de Berlin.
3
° / /
n'est pas vrai qu'en exigeant l'exé–
cution des traités les Arméniens et leurs
amis agissent en ennemis du peuple turc.
Toutes ces demandes ne tendent qu'à
assurer aux Arméniens « ce qu'ils peuvent
et doivent réclamer, la garantie de leurs
biens, de leur honneur et de leur existence,
la liberté de cultiver leurs champs et de
jouir de leurs produits, la répartition égale
de la justice, la paix, la tranquillité », de
Fonds A.R.A.M