l'aveu du
Mechveret,
à qu i sont emp r un –
tées les lignes entre guillemets, ce sont là
des demandes légitimes et équitables, mais
elles doivent être formulées
é g a l eme n t
«
pour tous les sujets du sultan ». C'est
alors que les Jeunes-Turcs, si jaloux de
l ' i n d é p e n d a n c e de leur pays, auraient le
droit de se plaindre de l'ingérence abusive
de l'Europe. Il n'y a aucun article de
traité qu i autorise les Puissances à inter–
venir en faveur des sujets mu s u lma n s
d ' Ab d u l - H am i d . Ce l u i - c i qu i sait déjà si
i n g é n i e u s eme n t é l u d e r les engagements
formels qu i le lient envers l'Europe, ne
tiendrait n u l compte des conseils de justice
et d ' h u m a n i t é qu i l u i pourraient être don –
nés sans qu'aucun engagement l'oblige à
les suivre.
Les A r m é n i e n s ont un titre j u r i d i q u e ;
ils le font valoir; si le souverain égorgeur
peut interpréter leur acte c omme un ma n –
que de confiance envers l u i , i l n'y a rien
là qu i puisse être tenu par le peuple turc
c omme dirigé contre l u i . E n fait, l'institu–
tion d'un c o n t r ô l e qu i serait nuisible à tout
ce qu i vit de v o l et de massacre par la grâce
d ' Y l d i z , assurerait la sécurité non seule–
ment des A r m é n i e n s mais aussi des mu s u l –
mans pacifiques, soumis aux caprices arbi–
traires et tyranniques de l'administration
i mp é r i a l e .
4
°
Il n'est pas vrai que ceux qui s'oppo–
sent à l'exécution des traités soient les véri–
tables amis du peuple turc.
Par contre, les jeunes Tu r c s nationa–
listes pour qu i i l n'est point de salût hors la
constitution de Mi d h a t et qu i s'opposent à
l'exécution des clauses favorables à certai–
nes populations de l'empire ne sont pas les
véritables amis d u peuple turc. Il sont han–
tés par l'exemple de pays dè s longtemps
unifiés et centralisés, c omme la France. Ils
ne se rendent pas compte que dans u n
pays de races, de langues, de religions dif–
férentes, c omme l'est aujourd'hui la T u r –
quie, i l est trop tard pour établir une u n i t é
et une centralisation artificielles et qu'au
contraire la seule chance de survie pour la
T u r q u i e serait l ' é t a b l i s s eme n t d u fédéra–
lisme administratif qu i permettrait à cha–
cune des races, des langues et des religions,
d ' é v o l u e r librement. A vouloir maintenir
l ' h é g émo n i e de la race c o n q u é r a n t e , les
Jeunes Tu r c s risquent de mener l'empire à
sa ruine définitive : la constitution des indé–
pendances et des autonomies grecque, b u l –
gare, Cretoise, serbe, semble ne leur avoir
rien appris.
Ils s'opposent à toute r é f o rme locale et
particulière, m ê m e exigée par les traités et
ne s'aperçoivent pas qu'ils p r é p a r e n t ainsi
de nouveaux motifs à l'intervention euro–
p é e n n e et au d é m e m b r e m e n t graduel de
leur pays, alors que sous le r é g ime établi
au L i b a n et à Samos, les territoires où ont
été appliquées les réformes nécessaires
demeurent partie intégrale de l'empire turc.
5
° / /
n'est pas vrai que les Arméniens
et leurs amis servent une intrigue russe.
Ici nous devons citer textuellement
M . Ahme d R i z a , afin de donner une idée
du ton o ù s'élève sa p o l ém i q u e :
O n n'ignore plus en haut lieu que tous ces C o m i –
tés r é v o l u t i o n n a i r e s et leurs souteneurs sont secrè–
tement a t t e l é s à une besogne m o s c o v i t e .
Il faut é v i d e mm e n t que M . Ahme d R i z a
ait ma l l u la collection de
Pro Armenia
depuis son apparition.
Il aurait l u toute une série de documents
établissant que dès
1890,
l'autorité russe
arrêtait Co n c om i r a u et sa bande, et après
les procès de Karset et de Tiflis envoyait
dans la Sibérie orientale et à l'île de Sakka -
line,
27
c o n d a m n é s .
Il y aurait l u qu'en plein massacre, le
prince Lobanoff se faisait le plus s û r allié
d ' Ab d u l - H am i d , et qu'au Caucase, le gou–
verneur général mettait la ma i n sur les
fonds destinés aux réfugiés.
Il y aurait l u les listes de proscription et
d'emprisonnement des r é v o l u t i o n n a i r e s ar–
m é n i e n s de Russie.
Il y aurait l u les circulaires secrètes an–
ciennes et récentes qui prouvent l'entente
absolue entre l'autocratie russe et le despo–
tisme h ami d i e n pour la destruction des
bandes à la frontiète turco-russe.
Il y aurait appris que le gouvernement
russe, e x é c u t a n t le programme, tracé en
1896
par le prince Galitzine, s'est e mp a r é
des biens de la nation a r m é n i e n n e et traque
l ' é l éme n t a r m é n i e n à tel point que là aussi
les représailles et l a lutte ont c o mm e n c é ,
non seulement les représailles exercées par
des i n d i v i d u s (attentats contre Galitzine,
Andréef, etc.), mais par des collectivités
(
défense des paysans a r m é n i e n s contre les
r e p r é s e n t a n t s de l'autorité à Elizabetpol,
Karseti et contre les spoliateurs c omme le
prince Baratoff à Haghat).
Qu a n t aux hommes qu i sont en Europe
les « souteneurs » de la cause a r m é n i e n n e ,
ils ont, à maintes reprises, déclaré que le
danger russe était aussi grand que le dan–
ger turc pouf les A r m é n i e n s ; que si le T u r c
a c o u p é les branches, le Moscovite coupe
les racines; que m ê m e au point de vue de
l'intérêt matériel des puissances occidenta–
les, i l n'est pas à désirer que la Russie
s'installe dans les hautes vallées du T i g r e et
de l ' Euph r a t e ; q u ' i l est donc hautement
désirable que l'exécution des réformes pa–
cifie les provinces a r m é n i e n n e s pour cou–
per court p r é c i s éme n t à toute tentative
d'occupation russe.
A mo i n s que tous les hommes ne se soient
concertés pour dire exactement le contraire
de ce qu'ils pensent, c'est leur faire, gra–
tuitement, une très grave injure que de les
transformer en agents panslavistes ; et tous
leurs actes publics, en dehors m ê m e de ce
j ou r n a l , t émo i g n e n t qu'ils o n l une ami t i é
mé d i o c r e pour l'autocratie moscovite : cer–
tains de leurs compatriotes seraient pres–
que tentés de leur reprocher, à cause de
cela, d'être de « mauvais F r a n ç a i s . »
Cela dit, nous continuerons, c omme par
le passé, à demander l'application des
clauses des traités et actes publics concer–
nant les A r m é n i e n s ; à estimer que les ré–
volutionnaires a r m é n i e n s accomplissent
u n acte de l é g i t ime défense, v u l'inertie de
l'Europe, en luttant avec des forces inégales
contre le despotisme h ami d i e n et les mas–
sacreurs subalternes ; à p r é t e n d r e que les
r é f o rme s particulières, exigibles d'après les
traités, seraient avantageuses à l'ensemble
des populations ottomanes et qu'en agissant
ainsi nous ne sommes n i les ennemis du
peuple turc, n i les amis d ' Ab d - u l - H am i d ,
ni les servants de l'autocratie moscovite.
Et nous nous passerons en toute tranquil–
lité de conscience de l'approbation du
Mechveret,
aussi bien que de celle d u
Sabah,
de
l'Orient,
de Mu n i r - P a c h a , ou m ê m e du
Novoïe Vremya.
R .
•
Nouvelles d'Orient
MACÉDOINE.
—
Tand i s que les j ou r n a ux
de V i e n n e et Buda-Pest, voire de Pa r i s ,
c é l è b r e n t sur le mode l y r i que les merveil–
leux effets du programme de Muertsteg et
la pacification de la Ma c é d o i n e par l'acti–
vité des agents civils autrichien et russe,
la bonne v o l o n t é d ' H i l m i P a c h a , l'influence
des officiers e u r o p é e n s r é d u i t s au rôle
d'instructeurs de la gendarmerie i mp é r i a l e
et d'assistants aux tueries hamidiennes, les
populations sont d'un tout autre avis.
Contre le d é s i r de l'organisation i n t é r i e u r e
q u i aurait p l u t ô t laissé la faillite diploma–
tique de l ' Eu r op e se parfaire d ' e l l e - même ,
l'action des bandes a repris : tencontres
sanglantes à G u m e n d j é o ù les troupes b r û –
lent Je village pour e m p ê c h e r la fuite des
i n s u r g é s ; à Tepebaschi o ù les Tu r c s ont
deux morts et les comitadjis c i n q ; forma–
tions de bandes nouvelles ou r e n o u v e l é e s
à B i c owo , à Go s l i n c a et ailleurs.
N o n seulement l'amnistie est un leurre
mais de nouvelles victimes sont chaque
j o u r e n v o y é e s en p r i s on ou en exil comme
les professeurs Ko c u s t , Arsoff e l Ka r a d -
zoff et à K e u p r u l i , le D
r
Kuseffa et M M .
Bosniakoff et Rizoff. Quant aux amn i s t i é s ,
le gouvernement leur interdit de repren–
dre leur profession a n t é r i e u r ; ; d ' o ù les
vaines protestations de l'exarque bulgare.
Salonique p r é s e n t e de rechefTaspect d'une
ville en état de s i è g e et à chaque coin de
rue des soldats en armes interrompent la
Fonds A.R.A.M