raison semblable de faire le silence;
ap r è s avoir inséré gratis la r épon s e de
l'accusé, nous nous permettrons de
montrer qu ' i l n'y faut point accorder
plus de c r é anc e qu'aux allégations an–
térieures de Mun i r - Pa c h a , en
1896
et
1897.
L'argumentation d ' Ham i d et de M u –
n i r porte sur cinq points p r i nc i paux :
i° Mouvemen t r é vo l u t i onn a i r e orga–
nisé de longue ma i n par les A r mé –
niens;
2
0
P r é t e n d u e s tentatives d'aver–
tissement bienveillant et de concilia–
tion par l ' i n t e rmé d i a i r e du patriarcat
a r mé n i e n , de l'évêque et des'notables
de Mo u s h ;
3
°
Ap r è s échec de ces ten–
tatives, nécessité de rappeler les insur–
gés au respect des lois par les moyens
coercitifs ;
4
0
Octroi d'une amnistie gé–
nérale ; 5° En q u ê t e judiciaire à laquelle
sera d o n n é e la plus grande publicité.
Bien qu ' i l soit fastidieux de réfuter
continuellement les m ê m e s erreurs, i l
faut sur chaque point rétablir ia vérité.
i° Il n'est pas vrai que les événe–
ments du Sassoun aient été p r ovoqu é s
de longue ma i n par les r évo l u t i on –
naires. Ce qu i est vrai c'est que dès
l ' anné e
1901,
le Sultan et ses serviteurs
c o n ç u r e n t le projet d'obliger les A r mé –
niens à évacuer le Sassoun. Dès
1901 ,
des ma î t r e s ma ç o n s assistés de troupes
furent c h a r g é s de construire des caser–
nes au Sassoun : les habitants protestè–
rent alors avec violence, disant qu'ins–
taller chez eux des garnisaires h ami –
diens c'était les obliger à quitter les
montagnes « qu'ils aimaient à l'égal de
leurs pères et de leurs mè r e s ; » c'était
mettre leurs femmes et leurs filles à la
merci de la soldatesque, lorsqu'elles
s'éloigneraient des maisons pour tra–
vailler aux champs. Et cette a n n é e - l à ,
les ma î t r e s ma ç o n s venus de Mou s h et
les d é t a c h eme n t s de troupes durent
renoncer à leur entreprise, chassés par
les femmes. Depuis lors, chaque a n n é e
des mouvements de troupes ont eu lieu
au printemps contre le Sassoun et s i –
mu l t a n é m e n t les achirets kurdes se dé–
p l a ç a i en t et se p r é p a r a i e n t à la lutte, au
pillage et à la c u r é e . Jusqu'ici l'occasion
d'en finir ne s'était pas présentée : le
Sultan a c r u l'avoir t r ouvé e cette a n n é e
et toutes les mesures prises dès la fin
de janvier prouvent que regorgement
du Sassoun était p r é p a r é de longue
ma i n .
Le massacre de Houn a n date en
effet du 5 février, et dès ce moment les
villages de la plaine de Mou s h étaient
o c c up é s militairement, les troupes du
4
e
corps se concentraient; l'Alaï-bey,
avec des bandes de Kurdes et de Tche r -
kesses terrorisait la plaine et la ville de
Mou s h et interrompait les commun i c a –
tions entre la plaine et la ville. Le
22
février, les Kurdes de Dapik arrivaient
à Mo u s h , sous prétexte qu'ils crai–
gnaient les violences des A r mé n i e n s ,
et faisaient fermer le bazar et les bou–
tiques a r mé n i e n n e s . Le
28
du m ê m e
mois, le Ku r de Hadji-Fero, avec deux
cents hommes, envahissait ia ville à
son tour, et successivement, dans les
nuits du
28
et du
29 ,
les quartiers de
Mou s h rive droite et Mo u s h rive gau–
che étaient parcourus par ses Kurdes
et la populace en armes. Pou r exciter
encore ces hordes, les a u t o r i t é s locales
r é p a n d a i e n t le bruit qu ' un
nouvel iradé
ordonnait
d'en finir avec tes
Armé–
niens, et que la Russie verrait volon–
tiers une telle action parce qu'elle aussi,
comme la Turquie,
était dégoûtée
de
cet
élément.
L'inqualifiable inertie des Puissances
e u r o p é e n n e s ap r è s le massacre de Ho u –
nan e n c o u r a g è r e n t Ham i d dans ses
projets d'extermination, et la concen–
tration des troupes et des bandes kurdes
se poursuivit dès lors mé t h o d i q u eme n t .
2
0
L a nomi na t i on de Ferid-bey, an–
cien secrétaire de la mu n i c i p a l i t é de
Pé r a , organisateur à ce titre des mas–
sacres de Constantinople en
1896,
pré–
cipita les é v é n eme n t s . L a p r é t e n d u e
intervention pacificatrice du Patriarche.,
de l'évêque de Mou s h et des notables
a r mé n i e n s ne servit q u ' à masquer les
mouvements de troupes. Ap r è s avoir
vou l u faire signer à l'évêque de Mo u s h
et aux notables un rapport mensonger
d é c l a r a n t que les i n s u r g é s ont refusé
de se soumettre, Ferid-bey e mm è n e de
force, plus comme otages que comme
n é go c i a t e u r s , l'évêque et les notables
a rmén i en s . , et les t r a î n e à sa suite, le
23
a v r i l , contre les Sassouniotes.
Le
25 ,
i l essaie de se servir d'eux
pour attirer dans un guet-apens les
chefs des Sassouniotes.. invités soit-
disant à un colloque de négociation et
q u ' i l espérait cerner et prendre tous à
Ké g a c h e n . Puis c'est la lutte ouverte et
sauvage, l'incendie de Ch e n i k et de
Semai et, avec l'aide du che i kh de Zeï-
lan, les massacres de Guellieh-Guzan
et de T a l o r i et le
24
ma i , pour parache–
ver l ' œuv r e et en donner le véritable
sens, l'iradé d ' éva cua t i on totale du
Sassoun.
3
°
L ' i r adé du
24
mai d émo n t r e en
effet que la répression de l'insurrection
ne fut qu ' un p r é t ex t e . Longtemps au–
paravant le che i kh de Zeïlan, dont le
père s'était illustré déjà en
1894, 95
et
96,
tant au Sassoun qu'autour de Diar–
bék i r (bf. L I V R E J A U N E de
1897,
passim)
avait reçu d'YIdiz des instructions de
carnage et de l'argent et i l était désigné
pour s'emparer des terres appartenant
aux Sassouniotes, a p r è s avoir expu l s é
ou e x t e rm i n é les habitants. C'est ainsi
que la population de quarante-cinq à
cinquante villages,
population
sans
armes,
femmes, enfants et vieillards
fut e x t e rmi n é e (de
3,5
oo
à
8,000
morts)
ou conduite à Mou s h pour v mou r i r de
faim
(10
morts par jour). C'est dans ce
sens qu ' i l faut entendre la phrase du
c o mm u n i q u é harnidien sur le « rappel
au respect des lois, » en stvle d'YIdiz
cela veut dire pillage, v i o l , incendie,
famine et massacre.
4
0
L'octroi d'une amnistie générale
est un autre mensonge : les scribes
hamidiens ne s'entendent m ê m e pas, et
tandis que Mu n i r parle d'amnistie., des
dépê che s officieuses turques annoncent
qu ' un Conseil de guerre présidé par
Salih-Pacha jugera « les A r mé n i e n s
coupables ». Le cho i x seul du juge ga–
rantit l ' impa r t i a l i t é du t r i bun a l : Salih-
Pacha était p r é c i s éme n t , avec Férid,
l'un des bourreaux qu i commandaient
aux troupes et aux Kurdes ; i l va con –
tinuer avec la parodie de justice des
Conseils de guerre, la boucherie c om–
me n c é e i l y a t a n t ô t deux mois.
5
°
Quant à la vaste e nqu ê t e judiciaire
promise, i l n'est pas besoin d'être pro-
pnè t e pour en p r évo i r les résultats : en
1894,
les e n q u ê t e u r s e u r o p é e n s adjoints
à la Commi s s i on turque, ne purent q u ' à
grand'peine interroger les
t émo i n s
utiles. Cette fois, les juges hamidiens
e n q u ê t e n t seuls ; les faux t émo i g n a g e s ,
les faux documents vont pulluler et il
sera établi que les A r mé n i e n s déguisés
en Kurdes, ont b r û l é leurs propres
villages et que les survivants sont trop
heureux de « p r o s p é r e r à l'ombre du
t r ô n e de Sa Majesté Imp é r i a l e ».
Le c o mm u n i q u é harnidien n'est donc
qu'une série de con t r e - vé r i t é s : i l a
l'avantage de révéler i n g é n u eme n t par
quels procédés la diplomatie d ' Ab d u l -
Ham i d a l'intention de tromper non
seulement l'opinion publique, mais les
Fonds A.R.A.M