liberté » ; car i l arrive que ces soi-disantes
mesures gracieuses soient fictives.
Ce n'est point quatre Armén i en s qu'il
faut gracier, mais les innombrables déte–
nus politiques enfermés dans les geôles
turques depuis des années, sans avoir
môme été jugés et qui meurent lentement
à Saint-Jean d'Acre, auFezzau, dans l'Yé–
men, à Erzeroum, à Constantinople, par–
tout où i l existe une prison sous l'invo–
cation de l'Assassin.
U N
Hamid veut que son
peuple soit gai par ordre : i l a interdit la
représentation de toutes pièces tragi–
ques et permet seulement Karagheuz et
les farces qui peuvent entretenir en h i –
larité de pauvres diables mourant de
faim. N'est-ce point plutôtcjuc les tragédies
finissent dans le sang, que les rois y meu–
rent souvent par le poignard et qu'ainsi
les fidèles sujets seraient induits à croire
que l a peau d'un souverain n'est pas plus
imperméable que celle d'un portefaix?
M A N D A T S
D ' A H H È T S .
Les journaux
turcs publient le texte de trois mandats
d'arrêt lancés par le procureur général de
la cour d'appel de Constantinople, le pre–
mier, contre Hafiz Em i n elfendi, ex-em–
ployé de l a caisse de retraite militaire ;
le second contre Zéki (PaulCantar), ancien
censeur des journaux français et anglais
paraissant àConstantinople, et le troi–
sième contre le nommé Sélim Serkis.
Les deux premiers, qui sont accusés de
crime pour s'être enfuis à l'étranger dans
des intentions séditieuses,n'ayant pu être
arrêtés, l a cour criminelle leur a accordé
un nouveau délai de dix jours pour se
p r é s en t e r à l a cour.
Passé ce délai, ils seront jugés par dé –
faut, perdront leurs droits civiques, leurs
biens seront confisqués et la police judi–
ciaire est tenue de les a r r ê t e r partout où
elle les trouverait. Le troisième, Selim. Ser–
kis, est également accusé d'avoir entretenu
une correspondance séditieuse d'Anvers
à Rhaïfa. Devant être jugé par devant l a
cour criminelle, lemandat d'arrêt dont i l
est question ordonne à tous les agents de
la police judiciaire de l'arrêter et de le
consigner à la maison d'arrêt de la cour
criminelle.
P . Q.
ABD-UL-HAMID INTIME
P A U
G E O R G E S D O R Y S
Préface de P. QUILLARD
Chez
S T O C K
,
rue de Richelieu, Paris.
DOCUMENTS
L'Arménie avant les massacres
C
Suite)
L i r e
MONIQUE ET VALENTINE
G - e n s e t
' O r i e n t
Par
E D M O N D
F A Z Y
Chez
OLi
.
F.NDORFF
,
ruede
laChaussée-dAntin
Dans le villayet de Bitlis, plusieurs cen–
taines d'Arméniens, qui possédaient de l'ar–
gent ou du bétail, ou bien qui avaient fait de
belles moissons, ont été incarcérés sans mo–
tifs, puis élargis après avoir payé de fortes
sommes. Quelques-uns ne pouvaient livrer
immédiatement la rançon demandée : ils
furent maintenus dans d'étroites prisons,
jusqu'à ce qu'ils se fussent procuré l'argent
exigé ou que la mort fût venue les délivrer. ;
Dans les seules prisons de Bitlis, cent Armé–
niens environ moururent. La pétition sui–
vante, signée d'un homme bien connu, dont
je publie le nom, a été adressée, sauf erreur,
comme à moi, aux représentants des puis–
sances à Mouch. Elle donne une légère idée
de la façon dont le vali de Bitlis gouvernait
sa province :
«
Nous, qui avons servi le gouvernement
turc avec la plus grande lîdélité, nous som–
mes, depuis quelques années, maltraités et
opprimés, tantôt par ce gouvernement lui-
mcmc, tantôt par les brigands kurdes. C'est
ainsi que l'année dernière
(1894),
j ' a i été
arrêté tout à coup dans ma maison par des
soldats de police turcs et des gendarmes,
conduit en prison à Bitlis et là, fouetté et
tourmenté atrocement. Après avoir été dé–
tenu quatre mois, j'ai été mis en liberté con–
tre paiement de
45
°
livres turques (io
,3
oo
fr.).
On n'a donné de cette incarcération ni un
motif, ni même un prétexte. Quand je rentrai
chez moi, ma maison était en désordre, mon
commerce ruiné, ma fortune perdue. Ma pre–
mière pensée fut de demander au gouverne–
ment turc des dommages-intérêts ; j'y renon–
çai de peur de m'exposer à de nouvelles
peines. J'apprends que vous venez en Armé–
nie pour y faire une enquête sur la situation
du peuple ; j'ose, pour l'amour de Dieu, vous
prier de prendre note de ces faits.» — Signé:
Boghos Darmanian, du village de Sknak-
hodja, près de Manazkow.
Abdal, maire d'Orandjir, dans le district
de Boulanyk, était, en
1890,
un homme riche
pour le pays. Il possédait cinquante bullles,
quatre-vingts bœufs et cinq cents moutons,
plus des chevaux, etc. Les femmes de sa
famille portaient des parures d'or dans les
cheveux et sur la poitrine et i l payait cin–
quante livres turques d'impôt annuel à la
caisse de l'Etat. En
1894,
i l était complète
ment ruiné, dans la plus complète détresse,
réduit presque à la famine. Son village et
toute la contrée avaient été pillés et les habi–
tants dépouillés de tout. Les autorités nu–
ques regardaient faire en souriant. Dans la
seule année
1894
les Kurdes ont volé, dans
les districts de Boulanyk et deMouch, mille
têtes de gros et de petit bétail !
Cette méthode était appliquée dans tout le
pays. 11 y avait de petites différences d'après
la situation des localités, mais les moyens
et le but étaient les mêmes. Le résultat est
la disparition complète de toute richesse
un désespoir profond et irrémédiable, qui
grandit avec une effroyable rapidité et une
misère telle qu'elle pousse à la folie.
Jamais un chrétien n'obtient satisfaction
quand unmahométan attente à sa propriété,
à son corps et à sa vie, non par la paresse
ou la négligence des juges, mais parce que
ceux-ci n'osent pas. La preuve — si elle est
demandée — c'est que le plaignant lui-même
est toujours immédiatement puni quand i l
s'adresse aux tribunaux. Si, par contre, un
Kurde ou un Turc se dit victime d'un délit,
ou d'un simple hasard, l'énergie des employés
du gouvernement ne connaît pas de bornes.
Au printemps dernier, quelques pauvres
Kurdes cheminaient le long de la rivière,
dans les environs d'Houssnahar, comme jus–
tement la neige fondait et avait fortement
grossi ruisseaux et torrents. C'étaient des
mendiants, vivant à grand'peine d'aumônes.
Ils tentèrent de passer à gué, furent emportés
par le courant et se noyèrent. Aussitôt les
Arméniens du village furent jetés en prison
sous ce prétexte. Le vrai mobile ne tarda pas
à apparaître. Ils étaient détenus depuis sept
ou huit mois quand on fit savoir à leurs com-
bourgeois qn'ils pourraient être élargis con–
tre paiement de
7
.5
livres
(1,725
fr.). La
somme fut réunie et payée à l'autorité, qui
ouvrit aux prisonniers la porte de leur ca–
chot. J'ai vu moi-même deux d'entre eux,
Atam et Dono.
Les impôts que les Arméniens se voient
contraints de payer sont déjà, en eux-mêmes,
considérables. Mais le « bakchich », le pour–
boire qui s'y ajoute et que réclament les zap-
tiés, peut atteindre les hauteurs les plus fan–
taisistes et affecter les formes les plus
imprévues. Quant à la manière dont impôts
et pourboires sont perçus, elle justifierait à
elle seule l'extirpation de l'administration
turque en Arménie.
Voici un exemple de la façon dont les
mahométans et les chrétiens sont différem–
ment taxés, dans les villes : A Erzeroum, les
mahométans, qui possèdent
8,000
maisons,
paient un impôt de
3
g5
,
ooo piastres ; les chré–
tiens, qui n'ont que
2.000
maisons, paient
43
o
,
ooo piastres.
(
A suivre.)
E.-J.
D I L L O N .
Gazette hebdomadaire
P A R
G. CLEMENCEAU
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