gendarmes de la poste étaient les complices
des voleurs kurdes. Quand l'attaque eut lieu,
quelques-uns des gendarmes se blessent
exprès et tombent par terre par dessus leurs
chevaux; l'un d'eux s'enfuit et porte la nou–
velle en ville comme quoi des brigands
avaient attaqué le courrier ; ils avaient volé
l'argent et avaient blessé ses camarades.
L'incident fait ainsi éloigner tout soupçon
des gendarmes ; on cherche les voleurs pen–
dant longtemps sans rien trouver.
Un jour, un Kurde se loge dans une auberge
et remet son argent, environ i5o médjidiés, au
patron pour les garder; quand i l les réclame,
ce dernier les lui refuse, en disant qu'il n'avait
rien touché et qu'il ne pouvait pas croire
que le Kurde possédât une telle somme.
L'affaire est soumise au gouvernement, et, à
la fin d'un interrogatoire sévère, le Kurde
avoue tout, et gendarmes et Kurdes sont
arrêtés. L'un des gendarmes parvient à
s'échapper, la nuit môme, de la prison, ha–
billé en Kurde, et le lendemain on trouve
seulement ses habits de gendarme.
Enis pacha est une bête à esprit sombre ;
la plupart des fonctionnaires turcs du lieu
l'avouent, car i l a une conduite vilaine en–
vers beaucoup, même envers A l i pacha,
commandant militaire de Halep, qui est cet
A l i pacha bien connu, celui qui joua un si
triste rôle pendant la révolte de Zeitoun et
célèbre surtout par ses penchants turcs
lâches. A l i pacha est très mécontent d'Enis
et i l semble travailler à sa révocation.
L E T T R E D E B I T L I S
Bitlis,
2-
juillet
1900.
Le gouvernement a répandu des soldats
partout pour trouver des traces de révolu–
tionnaires. Liva pacha, avec des soldats en
assez grand nombre et avec quelques tribus,
est parti pour les environs de Sassoun. Des
soldats habitent en permanence dans les
campagnes de Khilat ; i l y en a
40
à Dada-
vank, i5 à Metzke,
10
à Poghousse,
10
à
Gitzvatz,
4
à Abratzar,
7
à Tadouan,
20
à
ïéghoud L'intention du gouvernement c'est
de chasser dans la plaine les montagnards
arméniens de Sassoun cl de les remplacer
par des Kurdes. Nous ne connaissons pas
au juste les événements qui y ont lieu; les
soldats turcs disent seulement : « Si Dieu ne
nous châtie pas pour tant d'injustices, cela
veut dire qu'il n'y a pas un Dieu pour l'Armé–
nien. Les paysans de la campagne de Tu-
pigh, à une distance de cinq heures de Bitlis,
à leur retour de Bitlis dans leur campagne
furent pillés par les Kurdes ; deux femmes et
deux hommes sont tués. On attaque la mai–
son de Kotché, un paysan de la campagne
d'Ourdab; Kotché est blessé, et sa famille,
épouvantée, est tombée malade et alitée. La
campagne de ïzaghgué à Khilat fut totale–
ment pillée par la tribu de Hassnan, et un
paysan, Boghoss Agha, et son fils furent
tués. Des percepteurs d'impôts, dans la cam–
pagne de ïéghoud, de la même province,
tuent à coups de bottes le tils de ï é l o Haro,
Garabed, en lui faisant sortir les entrailles.
Le fonctionnaire Mahmed Saïte entra avec
des soldats dans la campagne de ïzighgam,
de la petite province de ï a d i r , dans la mai–
son d'une femme, sous prétexte de trouver
les révolutionnaires qu'elle cachait; après
l'avoir violée, i l lui fait subir de nombreux
tourments. Enfin, que dire et que raconter?
(
A suivre).
NOUVELLES D'ORIENT
E N
M A C É D O I N E .
—
Le s perquisitions, les
arrestations, les tortures dans les prisons
continuent. A Salonique, Surumenitza et
Kukusch, plus de trente personnes ont été
emprisonnées. A Monastir et dans la
région avoisinante, plus de quarante
arrestations ; perquisitions chez tous les
directeurs d'école et notables.
A la suite de l'affaire de Guergeli vingt-
trois Macédoniens prisonniers ont été
fusillés sans aucun délai. Une « bande »
de révolutionnaires aurait été anéantie
près de Zamponitza par les troupes
turques.
AB a n j a , en présence des habitants, les
soldats torturent et font mourir un garçon
de quinze ans nommé Fremidoff.
Enfin à Salonique, le
11
mars a com–
mencé le grand procès de haute trahison
devant le tribunal extraordinaire présidé
par Turkan-Pacha : Les dix-neuf inculpés
sont accusés d'avoir tenté de soulever la
population bulgare des vilayets de Salo–
nique, Kossovo et Monastir contre les
autorités existantes, dans l'intention de
rendre la Macédoine i ndépendan t e . Selon
l'article 56 du code pénal turc, le ministère
public requiert la peine de mort contre le
docteur Tatarchevv, le p r ê t r e Stamatovv, les
professeurs Matow et Palaschcw, le direc–
teur Toschew et l'écolier Rifiu et le banis-
sement contre les autres accusés.
Dès le début du procès, le professeur
Matow a rétracté tous les réponses faites
par l u i lors de ses interrogatoires et qui
ont été extorquées par d'abominables tor–
tures.
Les heureuses conséquences de la ty–
rannie hamidienne sont telles que les
soldats libérables des deux corps d'armée
des Balkans ont reçu l'ordre de demeurer
indéfiniment sous les drapeaux. Le Sultan
ne doute donc point d'avoir conquis l'affec–
tion inatérable de ses sujets macédoniens.
L E
S U L T A N
E T L E K H É D I V E .
—
Hami d
effendi aurait désiré reprendre avec son
vassal nominal Abbas Pacha, Khédive
d'Egypte, des relations unpeu amicales. I l
avait chargé celui-ci de négocier la rentrée
à Constantinople de Damad Mahmoud
Pacha et de ses deux fils et Abbas avait
réussi à ramener de Londres jusqu'à
Athènes l'exilé volontaire, sous promesse
que tout était p a r d o n n é . D u Pirée i l télé–
graphia au Palais pour demander des ins–
tructions complémentaires et on l u i ré–
pondit qu'on ne voulait rien savoir de
Mahmoud Pacha. Le beau-frère d'Hamid
demanda alors asile à Abbas qui l u i ac–
corda l'hospitalité désirée, avec une pen–
sion de trois cent livres pour l u i et des pen–
sions de cent vingt-cinq livres par mois
pour chacun de ses deux fils. A i n s i la
cour du Khédive devenait un lieu de
refuge pour les mécontents.
Tout récemment, le secrétaire d'Abbas
Pacha, Chéfik bey, s'est rendu à Constan–
tinople pour mettre fin à ce dissentiment.
Les choses n
J
ont point tourné à la satis–
faction du Sultan ; et Mahmoud Pacha qui
reste en Egypte vient d'être invité par les
l i bé r aux ottomans à provoquer un congrès
de Jeunes-Turcs, d ' Armén i en s etdc Macé–
doniens.
A
Y L D I Z .
—
L'altercation violente entre
Sélim Melhamé, ministre des eaux et forêts
et Tahir-Bey directeur du
Servet,
fit
naguè r e grand scandale à Y l d i z , le journa–
liste ayant sorti de sa poche un revolver
en plein palais, ce qui constitue un crime
de lèse-couardise hamidienne. I l ne pou–
vait d'ailleurs en advenir grand mal et
nu l n'aurait regretté la disparition de l'un
quelconque des deux méprisables per–
sonnages ou de tous deux.
Une autre créature de laBète, Seïfoullah-
bey, aide de camp, vient de s'illustrer par
un de ces coups qui firent la r enommé e de
Ghani, sacrifié ensuite aux terreurs du
maître : i l a tué un Albanais qu'il gardait
depuis quelque temps dans son konak
comme ami très intime. Le meurtrier a été
arrêté pour la forme et sera relâché sous
peu.
L'ambassadeur ottoman à Madrid, Izzet
Pacha traite de nouveau son souverain
avec une certaine irrévérence. 11 le menace
à nouveau de quitter son poste et de deve–
n i r « jeune turc » si ses appointements en
retard ne sont pas payés dans le plus bref
délai. L a perte d'un si précieux serviteur
qui autrefois à Paris se battit en duel pour
défendre l'honneur d'Ab-ul-Hamid se–
rait cruelle au padischah. Celui-ci doit
maintenant se repentir de n'avoir point
laissé interné, dans le coin d'Asie où i l
l'avait expédié, son ancien grand écuyer
décidément trop tumultueux et arrogant
depuis qu'il n'a plus rien à craindre et
peut tout espérer en menaçant de révéler
quelques-unes des turpitudes qu'il connaît.
C L É M E N C E I M P É R I A L E .
—
Hami d fait pu–
blier par les journaux de langue armé–
nienne tolérés dans son empire qu'il est
un souverain très magnanime ; i l a gracié,
paraît-il, quatre des Armé n i e n s empri–
sonnés à Tripoli d'Afrique et les feuilles
ajoutent qu' « ils ont déjà été mis en
Fonds A.R.A.M