de Moush ou dans le district du Sassoun, soit
dans les relations diplomatiques de la Porte
avec les représentants de l'Eut ope, reproduit
servilement ce qui s'est passé en
1894
et
1895.
On a essayé — comme je l'avais prévu — de
réduire la portée des douloureux événements qui
onteu lieu depuis quelques semaines à Moush et
au Sassoun ; on aessayé —et je le savais d'avance
de démontrer que la faute en retombait sur
les Arméniens eux-mêmes et les fédaïs. A ce
propos, je remercie
le ministre d'avoir bien
voulu proclamer à la tribune que pour les Ar–
méniens comme pour les autres peuples oppri–
més, il y a des cas dans lesquels l'insurrection
est le plus sacré et le premier des devoirs.
(
Applaudissements
à l'extrême
gauche. —
^pplauditsements
ironiques à droite.
M. MASSABUAU.
C'est dans la Déclaration
des droits de l'homme.
M . LASIES
et plusieurs membres à droite. —
Très bien !
M . JAURÈS.
Bah ! TOUS ne bougerez pas L •
M . HENRI SAVARY DE BEAUREGARD.
Vous
n'osez guère, vous non plus !
M . JAURÈS,
ironiquement.
Nous sommes
les maîtres !
(
Bruit à droite et au centre.)
M . JULES DANSETTE.
Dans tous les cas, ce
n'est pas vous, monsieur Jaurès, qu'on voit à
la tête des émeutiers. Vous laissez les malheu–
reux en avant !
M . FRANCIS DE PRESSENSÉ.
Vous me per–
mettrez, messieurs, d'écarter une fois de plus la
très mauvaise plaisanterie qui consiste à assi–
miler à un "tegré quelconque aux souffrances
d'une population en butte, comme la popula–
tion arménienne, aux crimes, aux attentats d'un
gouvernement, les griefs plus ou moins insi–
gnifiants et ridicules des classes possédantes et
des partis nantis en France.
(
Applaudissements
à l'extrême gauche. — Bruit à droite.)
M . LASIES.
La liberté n'est-elle donc pas
pour vous aussi sacrée que la vie ?
M . FRANCIS DE PRESSENSÉ.
Tou t en accueil–
lant avec satisfaction les déclarations qui nous
ont été faites et, en particulier, la promesse de
maintenir sur les lieux les consuls de France,
en même temps que les consuls des autres
puissances qui ont créé des postes dans ces
districts depuis quelques années, je ne peux pas
perdre de vue — comme je l'ai dit — que si ces
consuls doivent êt
r
e désarmés, impuissants,
inactifs, inertes, s'ils ne doivent qu'enregistrer
purement et simplement les faits qui se passe–
ront sous leurs yeux, il n'y aura rien de gagné
pour les populations arméniennes, ou plutôt, il
y aura une sorte de consécration tacite de ces
crimes. Ce qu'il faut, c'est d'obtenir la révoca–
tion immédiate — quelle ironie dans cè mot !
la révocation que l'on demandait déjà en
1894,
et qui n'a pas été obtenue depuis, de
Zekki-pacha et de Ferid-bey.
Tant que nous ne l'aurons pas obtenue, tant
que nous n'aurons pas fait prononcer la desti–
tution des hommes de sang à la tête de l'armée
et de l'administration dans cette région infortu–
née, les mêmes crimes se répéteront sous une
forme chronique ou sous une forme aiguë, quoi
que l'on fasse et quoi que l'on dise.
H ne suffit pas non plus de venir d'années en
années, de mois en mois, de semaines en se–
maines, faire des représentations souveraine–
ment inutiles au sultan, qui n'en tient pas
compte, qui sait ce qu'en vaut l'aune; il est
nécessaire de nous placer sur le solide, sur
l'inexpugnable terrain juridique de l'article
61
du traité de Berlin et d'en exiger l'application
après vingt-six ans! Vous en avez les moyens
entre les mains; vous avez pu, jadis, triompher
des résistances du gouvernement ottoman et
obtenir de lui qu'il se conformât à vos désirs
dans une affaire infiniment moins importante.
Je ne puis pas croire, je ne veux pas croire que
la France ne mobilise ses flottes et ne déploie
l'énergie qui aboutit que quand il s'agit de
Tubini et de Lorando!
(
Applaudissements
à
l'extrême gauche el à droite.)
LA QUINZAINE
Après le Massacre
L e j ou r m ê m e où le contre-amiral
Gourdon et ses officiels entraient en
rade de Constantinople et devenaient
les h ô t e s du Sultan, installés « dans le
meilleur hô t e l de la ville », pour parler
la langue n a ï v eme n t enthousiaste des
d é p ê c h e s officielles, la Chambre fran–
ç a i s e entendait la question de M . F r an –
cis de P r e s s e n s é sur les derniers mas–
sacres d ' A r méme et la r é p o n s e du
ministre.
M . Fr anc i s de P r e s s e n s é avait e xpo s é
les faits, d ' a p r è s les tragiques d é p ê –
ches que nous avons pub l i é e s ; i l avait
mo n t r é que les é v é n eme n t s de 1894 se
reproduisaient avec une c o ï n c i d e n c e
parfaite, dans les même s lieux, par les
ordres des même s hommes dont, i l y a
dix ans, les ambassadeurs e u r o p é e n s
estimaient n é c e s s a i r e la r évoc a t i on
i mmé d i a t e ; i l avait mo n t r é la Porte
employant le même s y s t ème de d é n é –
gations, de mensonges, de demi-aveux ;
prenant acte de la nomination de
nou–
veaux consuls en A rmé n i e i l avait i n –
d i q u é que les
avoir
d é s i g n é s pour en
faire des t émo i n s impuissants et inac–
tifs « c'est pire que
si
la
Fiance
n'avait
pas de r e p r é s e n t a n t s » ; puis, il avait
conclu en d é c l a r a n t que les remon–
trances les plus é n e r g i q u e s faites à la
Porte par l'Angleterre, la Russie et la
France demeureraient vaines, si elles
n ' é t a i e n t pas suivies d'actes n é c e s s a i r e s ,
dans l'espèce d
'
une
d émo n s t r a t i o n
comme celle par où satisfaction fut
obtenue en 1894, lors de l'affaire Tu -
b i n i -Lo r ando .
Sur ce dernier point, le minisire n'a
pas r é p o n d u , sauf par des formules
vagues
sur
«
la r e s pon s a b i l i t é du gou–
vernement ottoman » qui pourrait ne
pas « rester toujours un mot » partout
ailleurs qu'en Ma c é d o i n e et sur le
ferme propos du gouvernement fran–
çais de « faire son devoir, lout son
devoir ». Ce silence, cher aux diplo–
mates, se peut i n t e r p r é t e r dans le sens
que le ministre ne r é p u g n e pas abso–
lument en principe à la solution pro–
po s é e par 1VI. do P r e s s e n s é ; il peut
malheureusemeiil aussi
s ' i n t e r p r é t e r
dans le sens conlraire, bien qu'il y à
trois ans, sur l'initiative de M . De l –
c a s s é , une, escadre française se soit
rendue sur les c ô t e s de C i l i c i e au
moment où on craignait un massacre
à Aï n t a b et que ce soit là un p r é c é d e n t .
Ma i s i l y a dans les d é c l a r a t i o n s du
ministre, d'autres passages qui mé r i –
tent quelque attention. E t d'abord,
selon la même mé t h o d e de distinctions
dé l i c a t e s qui lui permettait, au temps
de l'interpellation Rouanet de discer–
ner -les assassinats isolés des massa–
cres proprement dits, le ministre des
affaires é t r a n g è r e s a cru pouvoir dire
que le r é c i t des é v é n eme n t s r e çu et
a p p o r t é à la tribune par M . de P r e s –
s e n s é était « d i c t é plus par la passion,
passion bien excusable, que par le
souci de l'exactitude » ; el sans se sou–
venir du cruel d éme n t i que d o n n è r e n t
les e n q u ê t e s et les faits aux versions
officielles des é v é n eme n t s de 1894, i l a
a p p o r t é , l u i , le rapport reçu le lundi 6,
de notre amhassadcur à Constanti–
nople.
Ce n'est un secret
jiour
personne que
M . Conslans, non plus que le comte
Pe r cy , s ou s - s e c r é t a i r e d ' É t a t anglais,
n'est un adversaire bien ardent du r é –
gime harnidien : lorsque le ministre des
affaires é t r a n g è r e s nomma de nouveaux
consuls à Kha r pou t et à Va n , l'am–
bassadeur dé c l a r a à qui voulait l'en–
tendre, avec son bon
nie
de Tou l ous a i n
matois que « les consuls ne verraient
rien, » et s'ils voyaient quelque chose,
M . Conslans se chargerait de leur d é –
montrer qu'ils avaient la berlue et qu ' i l s
se sont t r omp é s . Son rapport t émo i g n e
de cet é t a t d'esprit et cependant ce
rapport, lu attentivement, confirme
point par point les informations que
nous avons r e ç u e s du pays même .
Ay a n t pour garants le consul de
France à Va n . le g é r a n t du vice-consu–
lat d ' Er ze r oum et
le
(
un é t r a n g e r
que le ministre ne veut pas nommer
pour ne pas le d é s i g n e r aux c o l è r e s ) ,
Fonds A.R.A.M