taines; nos combattants ne pouvant résis–
ter à leur fureur se retirent vers Guellieh.
L'ennemi encouragé part des positions
qu'd occupait et envahit Guellieh et massa–
cre avec fureur et impitoyablement la po–
pulation qui y était réunie des
40
villages.
Le sang coule en abondance; nos fédaïs se
réfugient dans les montagnes ; nous n'avons
aucune nouvelle d'eux et i l n'y a pas espoir
d'en avoir, car toutes les lignes de commu–
nication sont fermées, soit sur la monta–
gne, soit dans la plaine.
Ce que j'écris là est commun i qué par de
vieilles femmes arrêtées à Guellieh-Guzan et
envoyées ici ; elles sont toutes nues, et affa–
mées depuis plusieurs jours. Le gouverne–
ment désirant que les « aratchnortes » et
les citoyens de Moush partis sur les monta–
gnes pour négocier, ne soient pas témoins
des sauvageries accomplies, leur fait signer
à son gré, par force, une pétition générale
et les fait descendre à Moush le
20
du
mois, le soir, vers
2
heures et demie.
Le
23
du mois, dans la plaine, le village
de Pertak est attaqué par les soldats ; nos
fédaïs qui s'y trouvaient ont tué quelques
soldats et leur ont enlevé des munitions de
guerre; après quoi, ils ont quitté le village;
sur quoi l'ennemi attaque de nouveau
Pertak, disperse la population, dont
12
hommes et femmes sont tués; le village est
pillé, les maisons incendiées. Le bazar de
la ville reste, par suite, fermé.
Toute la population de Daron se trouve
devant une mort imminente. Hâtez-vous
d'attirer l'attention des Européens sans
cœur, sur ces sauvageries inouïes, pour ne
pas laisser couler au moins en vain le sang
du peuple. Envoyez-nous aussi des secours
de l'étranger, sans perdre de temps. Au
secours, au secours!
Un massacre prochain est inévitable dans
la plaine et en ville, aujourd'hui ou demain.
M o u s h , le
2
m a i
1904.
On vous a déjà écrit au sujet des combats
sanglants de
20, 22, 23
avril qui ont eu lieu
près de Sassoun, dans le village Guellieh-
Guzan. Les Arméniens réfugiés dans ce
village et les révolutionnaires arméniens se
sont trouvés en face d'un ennemi nom–
breux composé de douze bataillons de sol–
dats turcs et de milliers d'achirets kurdes.
Les nôtres ont jusqu'au
20
avril opposé à
l'ennemi une résistance héroïque. Mais
voyant qu'il leur était impossible de résister
plus longtemps au nombre écrasant des
soldats et à leurs milliers de bombes, ils
décidèrent d'envoyer les femmes et les en–
fants, et ils mirent avec cette foule sans
défense plusieurs groupes de nos.soldats et
les dirigèrent vers le Nord ou vers Chadag.
Jusqu'à leur arrivée à Chadagh plusieurs
femmes et enfants périrent, les soldats turcs
et les achirets kurdes ayant occupé les
routes. A Chadagh, nos braves fédaïs sau–
ront, en cas de massacre, défendre la popu–
lation et disperser l'ennemi, cela au prix
de plusieurs vies de nos hommes, bien
entendu. Une partie des Arméniens de
Kop, Guermar, villages de Sassoun, s'est
livrée aux Kurdes de Badki afin que ceux-ci
prennent leur défense, mais ils ont été
massacrés par ces derniers.
La grande partie de la population de
Sassoun s'est réfugiée à Dalvorik avec
Antranik, Vahan, Kévork et la moitié de
nos soldats. Ils se trouvent actuellement
abrités sur une montagne imprenable, qui
s'appelle Krchik. Il est regrettable que la
population de Guéli n'ait pas pensé, dans
sa fuite précipitée, à mettre le feu au village,
l'ennemi n'aurait pas pu, de cette façon,
s'emparer de nos biens, de nos vivres et de
nos matières explosives. Le gouvernement
est également entré en possession de plu–
sieurs lettres et papiers dont i l s'occupe de
faire la traduction d'une façon très active. Ces
lettres et papiers amenèrent un grand nom–
bre d'arrestations à Moush et dans la plaine
de Moush. Plusieurs milliers de soldats
turcs et des achirets kurdes fouillent dans
les montagnes, tuent tous les Arméniens
sans défense qu'ils rencontrent sur leur
chemin, combattent nos fédaïs et les pour–
suivent.
Ce qu'il y a de pire dans la situation,
c'est que les vieillards, les jeunes filles, les
femmes et les enfants, en un mot tous les
émigrés, sont presque tous affamés, sans
vêtements, nu-pieds, marchant dans la
boue et l'a neige. Plusieurs sont morts de
faim et de froid ; un grand nombre ont été
massacrés par les Kurdes.
Depuis le
24
avril, les derniers restants
de la population de Sassoun arrivent à
Moush par groupes. Les agissements bar–
bares des policiers turcs dépassent toutes
les limites de l'imagination. Sept à huit
cents femmes et enfants sont arrivés jus–
qu'à présent. Que de misères ne subissent-
ils pas à Moush ? Le gouvernement les
emprisonne deux ou trois jours dans des
maisons humides, sans nourriture. On les
transporte ensuite dans d'autres maisons
aussi humides et dépourvues de lumière
que les premières où ils sont gardés sous la
surveillance des policiers. Ces malheureux
vivent d'aumône et de mendicité. De voir
ces malheureux malades et affamés et nus,
on ne peut pas s'empêcher de pleurer.
Les nouvelles nous manquent sur la
situation des Arméniens de Sassoun et de
nos braves combattants abrités à Talori,
pour la simple raison que Sassoun est en–
touré par plusieurs bataillons de soldats
et que, par suite, les communications sont
rompues. Nous avons cependant entendu
par des fugitifs que chaque jour, des ren–
contres sanglantes et des tueries ont lieu
entre Arméniens et Turcs. L'ennemi a
multiplié ses forces, cinq bataillons sont
arrivés récemment à Sassoun. Une grande
attaque est dirigée actuellement sur Talori
et depuis deux jours des grondements de
canon font retentir les montagnes et les
plaines. Plus de mille coups de canon ont
été tirés jusqu'à présent. Le gouverneur
sanguinaire a déclaré qu'il allait avec de la
dynamite démolir les montagnes de Sas–
soun. Nulaide ne nous est parvenue jusqu'à
présent, les consuls n'ont pas encore paru,
Les Sassouniotes, ainsi sans défense et sans
protection seront-ils voués à la mort et à
l'extermination? Le tour viendra bientôt à
la plaine de Moush que l'ennemi a com–
mencé à dévaster et à incendier. On vous
a déjà écrit que les soldats ont massacré des
hommes et des femmes et mis le feu aux
maisons. Une partie de nos braves soldats
organisés par Antranik est descendue dans
la plaine de Moush pour défendre la popu–
lation. Il y a un nombre considérable de
soldats sur les différents points de la plaine,
ils ont même pénétré dans les couvents. Le
nombre des soldats augmente chaque jour.
Le gouvernement menace de bombarder la
plaine de Moush en cas du moindre soulè–
vement de la population arménienne.
Il y a aujourd'hui
35
jours que le sang
coule à Sassoun. Le plan du gouvernement
turc était d'attaquer Sassoun le plus tôt
possible afin de ne pas donner aux Armé–
niens le temps de se réfugier dans les posi–
tions imprenables d'Antoque.
On nous informe de la frontière russo-
turque, que quelques fonctionnaires russes
ont, avec promesses de récompenses, envoyé
des Kurdes à Sassoun pour leur apporter
des nouvelles de la situation et des opéra–
tions du pays et surtout pour que ces der–
niers emploient tous les moyens pour exci–
ter les Turcs contre les Arméniens. Ces
fonctionnaires dépensent des grandes som–
mes pour obtenir ce résultat.
A
Van.
C o n s t a n t i n o p l e , 6 j u i n .
L a Porte a reçu hier une dépêche d'après
laquelle une bande arménienne de trente
hommes a été entièrement détruite.
(
Frankfurter
Zeitung).
C o n s t a n t i n o p l e ,
4
:
j u i n .
D'après des nouvelles de source turque,
des membres des bandes arméniennes ont
été mis en prison à Van . Le chef de bande,
Antranik doit se cacher dans la région de
Moush. Il est recherché par les troupes. Le
patriarche arménien s'est rendu à Yldiz et
a demandé des secours pour les réfugiés de
Moush dont la détresse est très grande ; on
a promis des secours.
(
Korrespondenz
Bureau.)
Fonds A.R.A.M