U s k u b ,
3
i
mars
1904.
Une
bande c o m p o s é e de six personnes, sous le c o m –
m a n d e m e n t d'un certain Nicoloff, de passage par le
village P t c h i n i a , kaza de K o u m a n o v o , m i t à m o r t
le garde c h a m p ê t r e - m u s u l m a n de ce village, m a l –
faiteur r é p u t é . A la suite de ce fait, un d é t a c h e –
m e n t de soixante soldats a été e n v o y é de K o u m a -
n o v o au susdit village, afin de p r o c é d e r à la mise
en arrestation de la bande. N ' a y a n t p u la d é c o u v r i r ,
les
soldats en q u e s t i o n , a p r è s avoir b l o q u é le
village, se j e t è r e n t sur les villageois q u i furent
battus et t o r t u r é s . Des b a c h i b o z o u k s des villages
voisins turcs, R a m o n o v t z i et Delga, se joignirent
au
dit d é t a c h e m e n t et se l i v r è r e n t é g a l e m e n t à
toute e s p è c e d ' e x c è s et de pillage. P a r m i les gens
m a l t r a i t é s et t o r t u r é s se trouvent aussi p l u s i e u r s
femmes. O n dit m ê m e que quelques-unes d'elles
ont
été violées par les b a c h i b o z o u k s . T r e i z e v i l l a –
geois a r r ê t é s ont é t é c o n d u i t s dans l a p r i s o n de
K o u m a n o v o et battus de n o u v e a u dans l a . c o u r de
la p r i s o n par les p r i s o n n i e r s m u s u l m a n s . L e s d é t a –
c h eme n t s et les b a c h i b o z o u k s se t r o u v e n t encore à
P t c h i n i a , d o n n a n t libre c a r r i è r e à leurs e x c è s , m é –
faits et pillages. U n second d é t a c h e m e n t a é t é
e n v o y é . L'accès et la sortie d u village sont inter–
dits.
Lettre de Serrés.
25
février
1904.
Des
v i l l a g e o i s - d e Batniza, kaza de S e r r é s , ayant
i n f o r m é leur maire q u ' i l s avaient vu dans ta caserne
t u r q u e des effets, provenant de pillages, c o mm i s
par
la soldatesque l'été dernier, le maire les aurait
r é c l a m é s d u Mutéssariff, en le priant de les ren–
dre aux avants-droit. P a r ordre de ce d e r n i e r , u n
agent de police a c c o m p a g n é d u s u s d i t m a i r e " a i n s i
que des villageois à R a s t a d i n e MadjarolT, K a s t a -
d i n e - D i m i t r o t f Stefanolf, S t o y a n N i c o l o f f et D i m i –
tre Andréeff, s'était r e n d u à la dite caserne avec
m i s s i o n de p r o c é d e r à l ' e x ame n des effets d o n t i l
s'agit. Sans é g a r d à leur m i s s i o n officielle, le
M u c h i r n o n seulement ne l e u r p e r m i t pas de pro–
c é d e r à la dite vérification, ma i s i l s'est p l u en
outre, de les insulter et de les maltraiter en leur
portant des c o u p s de fouet. L ' a g e n t de police,
t é m o i n mu e t de cette s c è n e , aurait tout r a p p o r t é
au
Mu t é s s a r i f . C e p e n d a n t a u c u n e me s u r e n'a é t é
prise contre les'fautifs.
Lettre de Moustapha Pacha.
M o u s t a p h a Pacha,
1"
avril
1904.
Le
12
23
février, a n n é e courante, q u e l q u e s sol–
dats, en garnison dans le village d ' E n i a , o n t , t i r é
sur
quatre agriculteurs bulgares o c c u p é s dans les
champs et en ont t u é trois ; le q u a t r i è m e a r é u s s i
à s'enfuir, mais o n n'en a pas de nouvelles.
Il y a u n m o i s , un berger bulgare d u village
Driotchevo a é t é t u é par u n soldat turc ; un autre
paysan, dans le village A d a l a a , a eu le m ê m e sort.
11
est à noter que ces c r i m e s avaient é t é p e r p é –
t r é s sans la m o i n d r e p r o v o c a t i o n de la part des
victimes, et que leurs agresseurs avaient tiré s u r
eux
et les avaient m i s à m o r t par simple plaisir o u
par
s i m p l e fanatisme.
La Question Arménienne et Macédonienne
AU
Congrès de la L i g u e des Droits de l ' H o m m e
Les
délégués des sections parisiennes
et provinciales' de la Ligue française
des Droits de l ' Homme , r e p r é s e n t a n t
40 . 000
a d h é r e n t s effectifs, r é un i s en
cong r è s à Paris les 3
1
mars, i
e r
e t 2 a v r i l ,
ont a p p r o u v é à l ' u n a n i m i t é l'ordre du
jour qu i leur était p r opo s é , au nom dû
Comi t é central, par M . Fr anc i s de
P r e s s en s é , p r é s i den t , touchant les évé–
nements d ' A rmé n i e et de Ma c é do i n e .
Nous devons à l'obligeance de M M .
Corcos, s t é n o g r a p h e s de la L i gue , rue
Lacépède,'
20 ,
de pouvoir publier le
compte rendu
inextenso
de cette partie
de la séance du
2
avril :
M.
LE PRÉSIDENT.
Nous passons au
vœu
61
relatif aux affaires de Macédoine et
d'Arménie. Ce vœu est ainsi conçu :
Le C o n g r è s de la L i g u e des Droits de l ' H o m m e ,
C o n s i d é r a n t les engagements solennels à p l u s i e u r s
reprises souscrits par la T u r q u i e envers l ' E u r o p e
et par l ' E u r o p e envers les sujets o p p r i m é s de la
T u r q u i e ;
C o n s i d é r a n t les p é r i l s que ferait c o u r i r à la paix
l ' e x p l o s i o n d'une nouvelle i n s u r r e c t i o n en M a c é –
d o i n e . e t en A r m é n i e et l ' i m p o s s i b i l i t é d ' é v i t e r le
recours à ce m o y e n s u p r ê m e par les p o p u l a t i o n s
d é s e s p é r é e s ;
R é c l a m e l ' e x é c u t i o n des traités, n o t a mm e n t de*
c e l u i de
1878,
l ' a c c omp l i s s e m e n t des r é f o r m e s et
l'institution d u c o n t r ô l e e u r o p é e n sans lequel toute
a m é l i o r a t i o n p r é t e n d u e n'est q u ' u n e fiction et un
piège.
- .
Ici encore, messieurs, nous n'avons pas
voulu faire de la pure théorie et de l'idéal,
mais nous avons voulu nous placer sur le
terrain de fait, dans le moment présent,
toutle monde sait que la guerre de l'Ex–
trême-Orient a rendu plus périlleuse la
situation de la Péninsule des Balkans, tout
le monde sait qu'il se prépare en Arménie
des événements qui ressembleront peut-
être à ceux de
1894.
De toutes parts des
nouvelles indiquent que des soulèvements
se produisent; d'autre part, nous savons
que les négociations avec la Turquie pour
le minimum de réformes qui devaient être
opérées en Macédoine sont loin d'aboutir,
nous savons .qu'on est en train de duper
une fois de plus la diplomatie et que, en
présence de la servitude presque absolue
qui les opprime, lorsque le printemps 'sera
revenu, ces populations désespérées de
la Macédoine, qui n'entendent pas rester
en quelque sorte le jouet de la diplomatie
européenne, reprendrent leurs armes, la
lutte recommencera, elle recommencera
dans des conditions qui rendent plus que
probable l'explosion prochaine d'une guerre
entre la Bulgarie et la Turquie. Nu l ne sait
dans ces conditions où s'arrêtera l'incendie
une fois allumé,
w
Par
conséquent rien qu'en se plaçant au.
point de vue des intérêts directs, immédiats,
matériels de l'Europe i l est indispensable
que l'Europe ne se laisse pas jouer une fois
de plus, qu'elle ne se joue pas elle-même,
il est indispensable qu'elle exige l'exécution
du minimum d'obligations contractées par
la Turquie ; ces obligations sont contenues
dans des traités qui existent depuis
26
ans.
Lorsqu'à l'heure actuelle on négocie avec le
Sultan pour demander des engagements
nouveaux on oublie trop volontiers que ces
engagements ne vaudront rien, puisque
dans les engagements contractés depuis
26
ans, C'est-à-dire depuis plus d'un quart
de siècle, il a pu se moquer de l'Europe sans
que l'Europe en demande compte.
Ce qui est indispensable, ce n'est pas
d'obtenir des promesses nouvelles ni de
mettre sur un papier blanc une constitu–
tion parfaite, mais c'est d'obtenir que les
garanties élémentaires pour la vie, la pro–
priété, la liberté de ces malheureuses popu–
lations soient respectées sous les formes que
l'Europe en
1878
avait imposées à la Tu r –
quie.
Quand une association comme la nôtre,
qui représente l'idéal démocratique, l'idéal
de justice internationale aussi bien qtre na–
tionale en France, quand une association
de notre genre est appelée à se prononcer
sur ces questions j'estime qu'au lieu de se
contenter de formuler un idéal qui est assu–
rément dans nos cœurs et dans nos cons–
ciences mais qui peut-être à l'heure ac–
tuelle est inaccessible, i l est préférable de
faire quelque chose de pratique, de venir au
secours de ceux qui nous appellent. Nous
savons ce que veulent les représentants des
populations macédoniennes, arméniennes,
et nous savons que ce sera leur rendre
grand service à l'heure actuelle, entrant dans
la voie qu'elles nous ont ouverte, de voter
le vœu qui vous est présenté.
C'est sous le bénéfice de ces observations
que je vous demande de voter la motion.
M.
L U C I E N L E L O Y E R .
M .
le
Président
a exposé avec autant de précision que d'élo–
quence le point de vue auquel s'étaient
placés ceux qui avaient été les rédacteurs de
ce vœu. Je n'ai pas besoin de dire que
j'accepte parfaitement ce vœu, mais i l me
semble incomplet.
A vrai dire on se place ici au point de vue
des droits positifs, des engagement pris par
traités, comme l'a dit M. le Président, et au
point de vue, pour préciser davantage, des
droits de l'Europe. Eh bien i l me semble
que nous, Ligue des Droits de l'Homme,
nous avons une affirmation, qui n'est pas
utopique, qui est très précise, à faire et qui
est l'affirmation des droits des peuples de
disposer librement d'eux-mêmes. Si nous
réclamons un traitement meilleur pour
l'Arménie, ce n'est pas seulement parce
qu'il y a eu des conventions (traité de Ber–
lin et aufres) qui font qu'en vérité, si nous
en obtenions l'exécution intégrale le sort
de la Macédoine et de l'Arménie deviendrait
meilleur, c'est surtout parce que nous dési–
rons poser le droit imprescriptible des peu–
ples à disposer librement d'eux-mêmes
.
comme les individus.
Encore une fois je ne veux rien détruire
Fonds A.R.A.M