rédaction du
Pro Armenia
et ceux de tous
les amis de l'Arménie ne sont point sans
effet; le mois dernier, quelques navires
français empêchaient, malgré la distance,
des massacres à Aï n t a b . L a France, j ' en
ai la confiance, saura enfin remplir son
devoir.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur,
l'assurance de ma considération la plus
distinguée.
P A U L
V I O L L E T ,
Membre de l'Institut, président
du Comité de protection et de
défense des Indigènes.
LA SITUATION
DANS LA PROVINCE DE MOUCH
R A P P O R T D U V A U T A B E D
P A P G H E N
L a province de Mouch du vilayet de
Bitlis, dans lequel se trouve aussi le pe–
tit district de Sassoun, est devenu le
théâtre d'abus, d'atrocités et de crimes
horribles. Ces sévices sont exercés sous
des formes diverses et instituent un sys–
tème pour ané an t i r l'élément a rmén i en .
E n voici le résumé :
A.
Les cultivateurs a rmé n i e n s qui ont
procuré le capital de la Banque agricole,
ne peuvent faire d'emprunt qu'avec une
grande difficulté; pour une somme insi–
gnifiante, ils donnent comme gage des
champs et des immeubles d'une grande
valeur ; et à l'échéance, on les tracasse
tellement qu'ils sont obligés d'abandonner
les champs ou à l a Banque, ou de les ven–
dre aux Turcs pour une somme minime :
par exemple un immeuble valant
10,000
piastres est vendu pour i,5oo ou
2,000
piastres.
B.
I l y a une l o i d'après laquelle tout
individu mâle doit ou payer douze pias–
tres par an ou travailler quatre jours pour
la construction des routes ; mais contrai–
rement à cette l o i on perçoit en même
temps la somme et on fait travailler les
paysans : par exemple une campagne qui
est obligée de fournir cent ouvriers paye
à la fois
1,200
piastres et est soumise au
travail par force et cela pour une période
qui dépasse celle fixée par la l o i . E n outre,
on augmente arbitrairement le nombre
réel des ouvriers et on réclame l'impôt
d'après cette évaluation exagérée qui n'est
diminuée que sur le versement d'une
s omme s upp l éme n t a i r e . De même contrai–
rement à la l o i , on réquisitionne les cha–
riots des paysans pour travailler pendant
des j o u r n é e s ; on réclame quarante cha–
riots d'une campagne qui n'en a que vingt
et par ce prétexte i l faut encore graisser
la patte ; les bêtes attelées aux chariots
ne pouvant résister à la faim et au travail
trop rude, c r è v e n t ; les paysans sont bat–
tus, on les laisse affamés, et comme l a
corvée a lieu dans la saison des semences
c'est-à-dire au printemps, la culture est
interrompue.
C. Cette année, le vali de Mouch a fait
construire aux Armé n i e n s , par ce système
atroce, trois grands bâtiments pour le
compte du gouvernement ; tout le matériel
nécessaire à la construction, le salaire des
ouvriers et les autres dépenses sont four–
nis par les paysans a rmén i en s ; non seu–
lement les hommes, les chariots et les
bêtes sont assujettis à la corvée mais en
outre on coupe les arbres des paysans
pour avoir des poutres.
D.
C'est par ce même système que la
construction du minaret de la mosquée de
Hadji Sheriffest entreprise et tous les tra–
vaux du b â t ime n t sont exécutés par les
paysans a rmé n i e n s comme une corvée,
alors que le sultan auguste
(
sic)
avait
donné l'argent nécessaire pour la cons–
truction.
E.
L'administration municipale exerce
des vexations particulières : ainsi cette
année le bâ t imen t du cercle municipal a
été r épa r é par Réïsse Kh a l i l Effendi qui a
pris des Armé n i e n s le matériel nécessaire,
i l a fait travailler également les ouvriers
a rmén i en s , i l a coupé les arbres des pay–
sans en marchandant le prix, qu'il n'a
nullement payé et en outre i l ramassa de
l'argent par force des artisans et des pa–
trons a rmén i en s . L a municipalité, sous
prétexte d'arranger les routes de la ville,
a fait travailler durement, et a fait payer
dix piastres à chaque individu. Elle a en–
trepris de construire le bureau de télé–
graphe ; elle a coupé les arbres des cam–
pagnes a rmén i enne s et elle les a fait trans–
porter gratuitement aux paysans ; les
ouvriers a rmén i en s en ont commencé la
construction; non seulement elle n'a pas
payé de salaire, mais en outre elle ramassa
une somme de 4 à 5oo piastres de chaque
campagne. Cette construction achevée, on
entreprit l a construction d'une caserne
pour laquelle une nouvelle souscription
nécessaire fut faite par les soldats et les
autres employés dans des campagnes ar–
mén i enne s .
F.
Des aghas turcs et kurdes, ces der–
nières années, ont entrepris de se rendre
maîtres des campagnes a rmé n i e nn e s et de
s'en emparer ; les Turcs se sont établis
dans les campagnes de Kurde-Meydan,
Kizil-Aghatch, Avazaghpure , Ardkonk,
Antznond, Poghergov, Kartzor, Tzironk,
Khoper, Tchirik, Dom, Komse, Hounan,
Arintchvank , Soghkom , A l i g h i r n a n ,
Araz, Missghonk, Soulak, etc. Les Kurdes
imitant leur exemple, se sont emparés des
campagnes a rmé n i e nn e s comme Hass-
keny, Kirsakom, Erighdir, Avazaghpure,
Tzighak et beaucoup d'autres campagnes
comme Sassoun, Boulanik etManazgcrte
ap r è s avoir enlevé aux Armén i en s leurs
immeubles, ils s'y établirent. Ces aghas,
kurdes et turcs qui se sont empa r é s des
campagnes a rmén i enne s perçoivent un
impôt nommé « séleffe » ; ils p r ê t en t de
l'argent ou du blé, et ils en prennent le
double ; ils les font travailler durement
;
des champs qui sont saisis dans la suite
sont engagés en nantissement de sommes
minimes; ils dépouillent ainsi les paysans
et les soumettent à leurs services.
G.
D'après les arrangements récents
qui subdivisent les campagnes en nahiés
(
cantons), les campagnes de la plaine de
Mouch furent transformées en trois cercles
avec trois centres, les campagnes de Zi a -
ret, Akhdjan, Avazaghpure. Quoique les
habitants de toutes les campagnes fussent
des Armé n i e n s , on nomma n é a nmo i n s
des inudirs turcs, chacun avec huit, dix,
douze employés. Tous ces employés pren–
nent gratis aux Armén i en s tout leur néces–
saire avec des atrocités soit dans le centre
des cantons soit dans les campagnes ; ce
sont eux qui touchent du peuple toutes les
redevances ainsi que leurs salaires sans
donner aucun reçu.
II.
Les juges des cantons, sous prétexte
d'inscrire l'héritage des chrétiens, s'en
vont dans les campagnes et touchent les
sommes injustement sous le nom d'héri–
tage.
/ .
L'impôt d"aghnam (impôt sur les
animaux) est perçu par les agents et les
soldats au nombre de vingt à vingt-cinq,
qui se p r omè n e n t dans les campagnes, à
cheval ; ils enlèvent aux paysans tout
pour leur propre entretien ainsi que celui
de leurs chevaux ; et sans tenir compte de
la diminution des moutons par suite du
pillage et de la confiscation pour les impôts
et les dettes, ils perçoivent l'impôt sur le
calcul de l'année précédente.
/ .
Le nombre de ceux à qui l'on fait
embrasser l'islamisme par force augmente
de plus en plus. De jolies femmes et de
jeunes filles sont enlevées, violées, ame–
nées par force au tribunal, où on les force
de donner une déclaration qu'elles chan–
gent de religion; Kurde Saïde, de la tribu
de Djibran, tue une femme a rmén i enne et
enlève la fille de Nazar, nommée Mariam,
et i l la viole. On a pu sauver la fille, mais
le criminel, Saïde, tue Nazar, le père de l a
jeune fille, ainsi que le chef du village.
Gindjo ; i l fait des menaces à la mère
pour qu'elle l u i r amè n e la jeune fille,
sous peine d'anéantir toute la famille ; i l
réussit en effet d'avoir sa victime.
K.
Le peuple a rmén i en paye volontiers
ses impôts, mais la perception est faite
sous de telles formes, que non seulement
i l subit des souffrances mais i l paye le
double, le triple, etc. Par exemple, des
Fonds A.R.A.M