niait ; en même temps i l appelait de
Rogora les.hommes de son clan. Le
mutessarif dut investir la ville et dé –
truire à coups de canon la maison de
Rizzo qui fut tué. Les Albanais de Ro–
gora furent ensuite mis en déroute par
les troupes.
Qu'il y ait eu là encore des hommes
sacrifiés, Hamid n'en a cure : mais sa
garde albanaise elle-même lui devient
suspecte et ne cache plus sa sympathie
pour les rebelles.
En même temps, à Constantinople,
le mouvement libéral devient presque
menaçant. L'Ecolede droit a été fermée
et de nombreux étudiants arrêtés ; et
la société révolutionnaire Dawn a
fait distribuer dans Stamboul, en grand
nombre, des feuilles manuscrites ainsi
conçues :
Nous, Osmanlis, nous vivons sous la ter–
reur et l'injustice et le tombeau de notre
prophète est souillé de sang. Nos filles et
nos femmes sont sous l'oppression du
Russe et de l'Allemand. Le repaire dulion
peut-il devenir l a caverne du serpent?
Nous demandons sang et justice.
Des placards affichés dans les mos–
quées annoncent pour les musulmans
de grandes joies prochaines et invitent
les chrétiens à n'avoir aucune crainte.
Ainsi de toutes parts, Abd-ul-Hamid
sent le pouvoir lui échapper. Ses favo–
ris habituels le poussent à de nouveaux
massacres ; ils font valoir qu'excitant
les passions religieuses, on pourrait
opposer une diversion au mécontente–
ment des populations mahomé t ane s .
Cela réussit assez bien de 1894 à
1896
et le bain de sang parut vivifier
la Bête Rouge.
Reste à savoir si l'Europe laisserait
impunémen t l'Assassin travailler une
seconde fois. Bien que la lâcheté des
gouvernements dits civilisés soit i n –
finie, i l leur serait difficile de ne pas
intervenir ; depuis quatre ans la lumière
s'est faite sur les monstrueuses atroci–
tés commises et on conçoit mal qu'Abd-
ul-Hamid pût massacrer derechef, avec
la complicité des grandes puissan–
ces procédant encore par le silence et
la prétention.
Il ne peut même pas compter sur
la protection de la Russie et i l doit se
défier déjà des conseils qui l u i furent
donnés d'employer en Macédoine la
man i è r e plus forte. Quand i l voulut, à
Monastir, faire perquisitionner chez le
directeur de l'Ecole bulgare, celui-ci
prévint le consul russe qui accourut
avec tous ses Kawass et chassa la po–
lice. Au premier sang versé presque à
son instigation, le « Moskow », ami
d'hier, ne se changerait-il pas, selon
sa coutume, en ennemi impitoyable ?
Ainsi Abd-ul-Hamid hésite. Qui
l'emportera à Yldiz? la clique qui con–
seilla les premières tueries et en p r é –
pare d'autres, quitte à trahir l'assassin,
si le crime est châtié, ou les quelques
braves gens qui mettent le fou sanglant
en garde contre sa propre férocité et
des forfaits qui hâteraient sa perte ?
Certains membres de la famille
chérifienne, descendants du prophè t e
en ligne paternelle, se signalent par
leurs protestations énergiques contre
les actes passés, présents et futurs du
Khalife qu'ils engagent à mieux com–
prendre les devoirs de la dignité dont i l
se prétend investi.
Voilà qui est plus grave que toute
menace du dehors et le jour est peut-
être proche où à la question : « Si un
Khalife use du pouvoir pour massacrer
ses sujets, est-il permis de le déposer? »
le Cheik-ul-islam r épond r a du mot
terrible : «
Olur,
c'est permis. »
Et un grand cri d'allégresse saluera
le fetva libérateur.
PIERRE QUILEARD.
L i r e :
ABD-UL-HAMID INTIME
P A R
G E O R G E S
DORYS
Préface de P. QUILLARD
Chez
S T O C K
,
rue de Richelieu, Paris.
Une lettre de M, Paul Yiollet
M. Paul Viollet, membre de l'Institut, pré–
sident du Comité de protection et de défense
des indigènes nous envoie la lettre suivante.
Il rappelle à juste titre l'œuvre du Comité
franco-arménien présidé par M. Ernest La-
visse et l'adresse signée en
1897
P
a r
des
hommes de tous les partis, pour demander
au Président du Conseil, alors M . Méline,
d'intervenir, au nom des traités, en faveur
des Arméniens. «Rien n'est changé », ajoute-
t-il. Sans doute le rapport du prêtre Papghen
et les correspondances ici publiées montrent
trop douloureusement que rien n'est changé
en Asie Mineure : mais i l paraît bien qu'en
Europe et en France quelque chose est changé
et la récente affaire d'Aïntab en est un
exemple.
Paris, le
8
mars
1901.
Monsieur le Directeur,
Depuis le jour où les délégués du Comité
de protection et de défense des indigènes
se sont rencontrés avec vous au Comité
franco-arménien, c'est-à-dire, depuis l'an–
née
1897,
notre Comité n'a point cessé de
suivre avec une ardente sympathie les
constants efforts que vous avez faits pour
appeler l'attention sur les crimes commis
en Armén i e ; et, dans sa de r n i è r e séance,
i l m'a chargé, par un vote unanime, de
vous le dire en son nom.
E n
1897,
les signatures de l'adresse au
Président du Conseil des Ministres,
adresse élaborée par le Comité franco-
a rmén i en , s'exprimaient ainsi :
«
I l appartient à l'Europe, d'après
l'article
61
du traité de Be r l i n , i l appar–
tient surtout à l a France d'exiger du gou–
vernement ottoman les garanties néces–
saires à la sécurité personnelle et à l a
liberté de conscience de ses sujets armé–
niens.
«
S i ces garanties protectrices ne leur
étaient pas données assez rapidement
pour p r éven i r les malheurs qui se prépa–
rent, la responsabilité du sang versé incom–
berait à la fois au gouvernement ottoman,
qui n'aurait pas su ou voulu prendre les
mesures nécessaires , et aux cabinets
européens, qui ne l ' y auraient pas con–
traint.
«
I l importe à l'honneur de l a France
de dégager sa responsabilité en interve–
nant énergiquement aup r è s du gouverne–
ment de la Turquie. »
Depuis
1897,
rien n'est changé. Cepen–
dant, cette lettre s i pressante, c'est l a
France entière qui l'a signée, l a France
de tous les partis : ce sont les catholiques
avec treize archevêques et évêques, les
protestants avec trois présidents de con–
sistoire et un grand nombre de pasteurs,
les juifs avec le grand-rabbin et les per–
sonnalités les plus en vue du monde
israélite, les antisémites avec le direc–
teur de l a
Libre Parole,
les libre-penseurs
avec leurs plus célèbres écrivains et publi-
cistes.
Jamais déclaration n'a recueilli pareille
unan imi t é d'adhésions.
Pour là malheureuse Armé n i e vous con–
tinuez à lutter. Courage, Monsieur le D i –
recteur. Votre pensée est l a pensée même
de la France, sans aucune distinction de
parti n i d'opinion ; et c'est l'honneur du
pays, engagé par ses représentants, que
vous défendez, en défendant, inlassable,
l'Arménie. Vos efforts, ceux de toute la
Fonds A.R.A.M