réformes de la gendarmerie ; elle ne peut accepter
que les officiers européens aient un droit de con–
trôle effectif sur les serviteurs d'Hamid et qu'ils
puissent révoquer les officiers et soldats inca–
pables physiquement, intellectuellement ou mo–
ralement de remplir leurs fonctions. Les ambas–
sades des puissances coopérantes avaient main–
tenu leurs exigences sur ce point : mais aux der–
nières nouvelles le général De Giorgis aurait
inventé une rédaction qui satisfait la Porte,
c'est-à-dire qu'il céderait aux volontés hami–
diennes.
-
Les gouvernements européens feront sage–
ment en se souvenant que la fin d'avril est
proche et que passé ce délai les Comités Macé–
doniens reprendront leur liberté d'action.
Prisons turques.
Uskub, 3 février.
. . .
Le chrétien ne cesse pas, même dans les
prisons, d'être sous le joug du Turc et de con–
tinuer d'être l'objet du plus grand mépris et
d'un traitement impitoyable. Les plus grands
avantages sont accordés aux détenus Musul–
mans, criminels de droit commun, alors que
les chrétiens subissent les plus grandes priva–
tions, sont soumis à la plus stricte surveillance
et se trouvent à la merci de leurs co-détenus
musulmans qui se livrent contre eux à toutes
espèces d'excès disposant; en pleine liberté, de
leur vie et de leur bourse.
1.
Les entrevues avec leurs parents ne sont
autorisées aux Chrétiens qu'au prix de mille dif–
ficultés et sans que ces entrevues puissent du–
rer plus de quelques minutes et que les détenus
aient le droit de s'approcher de leurs visiteurs;
2.
Un criminel Musulman est attaché à cha–
que salle en qualité de surveillant. 11 a le droit
d'y tenir' un débit de café, et tout détenu Chré–
tien est obligé d'être son client sous peine de
subir les plus mauvais traitements et d'être ren–
voyé dans le cachot s'il ne satisfait pas à la cu–
pidité de son surveillant. Or, dans l'état de mi–
sère où se trouvent ces malheureux détenus, ils
•
doivent se soustraire d'une partie de leur mai–
gre nourriture pour payer leur café. De plus ce
système des cafés dans les salles des prisons
présente un grand désavantage hygiénique dont
tous les détenus subissent les suites. Ces po–
tions sont préparées dans des réchauds â char–
bon qui, depuis le matin j'usqu'au soir, doivent
être allumés. Par les émanations de l'acide car–
bonique, l'atmosphère dans laquelle ces détenus
se meuvent devient des plus malsaines.
3.
Les plaintes des Chrétiens contre leurs co–
détenus surveillants musulmans n'aboutissent
jamais à un résultat satisfaisant, et il n'y a au–
cun exemple de punition.
4.
Les détenus Chrétiens sont en général en–
tassés, en guise de sardines, dans les salles les
plus malsaines, les plus humides et les moins
visitées par le soleil. Inutile de dire qu'on n'ac–
corde aucune attention aux plaintes des détenus
à ce sujet, et que ce sont les détenus Musulmans
qui jouissent largement des meilleures salles
des prisons...
Lettre de Salonique.
1"
janvier
1904.
. . .
Au moment où le développement que
la question des réformes va atteindre son point
culminant et préoccupe avec ardeur tous les
esprits, il ne serait pas sans intérêt de citer quel–
ques perles de la corruption qui n'a pas cessé
de régner dans l'administration ottomane dont
l'incorrigibillté en est prouvée de la manière la
plus éloquente.
I. Un certain Mekki Bey occupe depuis deux
ans les fonctions de Kadi à Salonique. Tout le
monde, y compris la population turque, est
mécontent de lui. Ses abus sont innombrables
et il -est notoire que sans pots-de-vin il ne
donne suite à aucune' affaire. Or, malgré les
plaintes formelles adressées contre lui à Cons–
tantinople et malgré la loi qui exige le déplace–
ment des Kadis à chaque période biennale
Mekki Bey a été érigé en fonctionnaire inamo–
vible et maintenu à Salonique pour un temps
indéterminé. Il doit, dit-on, cette faveur à
l'amitié dont l'honore le Scheik-Ul-Islam.
II. Un certain Hazim Bey occupait l'année
dernière les fonctions de chef de police à Salo–
nique. Poursuivi judiciairement pour abus de
pouvoir importants, notamment pour avoir
torturé des prisonniers. Il a été révoqué. Or
tout le monde a été étonné d'apprendre que ce
même Bey vient d'être de nouveau nommé à
Salonique à des fonctions plus élevées, à savoir
comme inspecteur de police de tout le'vilayet.
III. Le poste de chef de gendarmerie a été
occupé jusque dans ce dernier temps par l'Alba–
nais Haireddin Bey Poustinia. C'est un ancien
brigand et un homme illettré ! Il est réputé
pour ses abus, sa férocité et son ignorance.
En automne dernier il a été révoqué et rem–
placé par un certain Mouhisse Pacha. Or, par
iradé spécial, ledit Haireddin Bey vient d'être
de nouveau n ommé aux mêmes fonctions avec
les mêmes émoluments qu'auparavant et tout
en y maintenant aussi son remplaçant Mouh-
lisse Pacha.
'
IV. Les tramways de Salonique sont cons–
truits et exploités par une Société belge. La
concession étant sur le point d'êtrç périmée, la
Société proposa aux autorités de Salonique de
lui accorder un nouveau délai d'exploitation de
25
ans avec engagement de sa part d'y faire
construire d'autres lignes de tramways en
dépensant à cet effet
25
o
.
ooo francs. Cette pro–
position n'a pas été acceptée. En présence de
ce refus, le directeur de la Société s'avise de se
rendre à Constantinople, offre à qui de droit un
pot-de-vin de
200.000
francs et obtient, par
iradé, le prolongement de ,1a concession non
pas pour
25
mais pour
5
o
ans, et, en outre,
sans aucun engagement de sa part pour la
construction des nouvelles lignes.
Lettre de Monastir.
3
janvier
1904.
A u commencement du mois d'août dernier
a été amené dans la prison de Monastir un in–
surgé du nom de Vassile Drensky, arrêté vivant
lors d'une rencontre près du village Bouffe. On
ignore ce qu'est devenu actuellement cet indi–
vidu. On prétend, en outre, que plusieurs pri–
sonniers ou détenus bulgares dans les prisons
des divers arrondissements du vilayet auraient
disparu ou auraient été supprimés en che–
min avant leur incarcération. Tels seraient les
cas :
I. De cinq détenus expédiés de Krouschevo
et supprimés près de Prilep;
II. De deux autres détenus de Ressen, sup–
primés en chemin entre cette ville et celle de
Monastir;
III. Du n ommé Laptcheff, tué dans la pri–
son de Ressen ;
IV. De quatre-vingts villageois désarmés et
fusillés dans le village Novo-Kazi (kaza de Le-
rin);
V . De quinze villageois massacrés à Liou-
boino, etc.
Tous ces renseignements méritent confirma–
tion.
Lettres de Van et de Bayazid
LETTRE DE VAN
3
o novembre 1
004.
La méthode de l'anéantissement
des Armé–
niens.
—
Le gouvernement agit d'année en
année et de plus en plus avec une politique
subtile; il fait évacuer l'Arménie aux indigènes
pour la remplir de tribus Kurdes sauvages.
Les préjudices causés par le « Séleff » sont in–
descriptibles; quant au plan, à savoir, celui de
remplir les villages habités exclusivement par
des Arméniens, de Kurdes sauvages, cela est
déjà excessif et au-dessus de la patience de la
population.. .
Le « Séleff » est un autre moyen d'usure et de
pillage gouvernemental ; c'est un privilège qui
n'appartient qu'au Turc. Les percepteurs du
gouvernement, au nombre de 6 à 7 (agents et
soldats) arrivent au village; ils présentent la
note des dettes des impôts des années précé–
dentes et ils commencent à circuler. Les meules
disparaissent les unes après les autres; à peine
les dettes sont éteintes qu'on vient réclamer les
impôts de l'année courante; mais d'où pour–
ront-ils percevoir ces impôts puisque les meules
ont déjà disparu ; les agents percepteurs armés
de fusils et de fouets s'introduisent dans les
maisons et dans une minute ils pillent la mai–
son de. ses meubles: mais cela ne les satisfait
point, et voilà qu'à ce moment, parmi cette
bande de percepteurs du gouvernement, un
agent « compatissant » propose de l'argent,
que le paysan est obligé d'emprunter, à condi–
tion de payer à des taux élevés, l'année sui–
vante, voilà ce qui s'appelle le séleff.
Dans le village d'Aradentz de Haïotz Tzor,
les arriérés des impôts, dès l'année
1895,
sont
testés encore impayés. Cette année — raconte le
paysan — on est venu au village, à coups de
fouet et de bâton, on a obligé les paysans de
payer et on a perçu ainsi tous les arriérés ainsi
que les impôts de l'année. On a emporté les
poules, les moutons, les mobiliers, le foin, en
un mot tout, et encore la moitié de la dette
n'est même pas payée; les percepteurs ont eu
recours encore au séleff en payant les prix
suivants pour les produits; pour une mesure de
blé, qui vaut
25
à
28
.
piastres, ils ont payé
5
piastres; pour une mesure de graines de lin,
qui vaut
3
o
à
35
piastres, ils ont payé
14
pias–
tres; pour une mesure d'avoine, qui vaut
t5
à
20
piastres, ils ont payé
2
piastres et demi.
A peine quelques jours s'étaient-ils écoulés
qu'une bande de percepteurs est arrivée ; les
paysans étaient au désespoir, ceux-ci ont de-
Fonds A.R.A.M