et c'est là qu'il faut agir — des
ambassadeurs qui doivent faire en–
tendre au sultan les menaces néces–
saires.
"
Si les mesures de salut ne sont pas
prises à temps, si Zekhi-Pacha n'est
pas r é voqu é avant d'avoir pu perpétrer
de nouveaux massacres, si les troupes
impériales ne sont pas rappelées et les
achirets Kurdes dispersés, les gouver–
nements e u r o p é e n s seront, autant
q u ' Ab d u l - Ham i d , responsables du sang
r é p a n d u .
Et i l ne faudra alors s ' é t onne r d'au–
cunes représailles, d'aucune tentative
désespérée de résistance s u p r ême , a i l –
leurs qu'au fond des vilayets lointains,
dans les villes où les vies et la richesse
des e u r o p é e n s peuvent être mises en
péril.
Ceux môme s qu i ont d o n n é aux A r –
mé n i e n s , depuis quelques a n n é e s , des
conseils de prudence et qui leur ont
d ema n d é de faire encore crédit à l ' E u –
rope, ne se croiraient plus permis de
les d é t o u r n e r des routes violentes ; ils
craindraient de devenir les complices
des chancelleries en endormant les
énergies d'hommes qui ne mourront
pas sans s'être vengés de leurs bour–
reaux.
Au x hommes d'Etat, qu i peuvent
d'un mot et d'un signe, sauver tout un
peuple de mé d i t e r les fortes paroles
qui terminaient le manifeste de la fédé–
ration r é vo l u t i onn a i r e A r mé n i e n n e en
1896.
«
Nous nous reconnaissons désor-
«
mais exempts de toute r e s pon s ab i l i t é .
«
Nous pleurons, d'avance la perte de
«
ceux q u i , é t r a ng e r s ou i nd i gène s ,
«
seront les victimes fatales de l'alarme
«
générale. Nous les regrettons, mais,
«
devant le malheur géné r a l , le deuil
«
partiel n'a pas de sens.
«
Nous mourrons, nous le. savons,
«
mais la révolution qu i a péné t r é
«
jusque dans les os de la nation A r -
«
mé n i e n n e , continuera à menacer le
«
t r ôn e des Sultans, tant que nous
«
n'aurons pas' conquis nos droits
«
d'hommes, tant qu ' i l restera un seul
«
Armé n i e n ».
Pierre Q U I L L A R D .
i.iiîE :
DIE INFORMAT ION
%
Editeur et Rédacteur
:
Josef
G RAF
Vienne, Piaristengasse, 26
LA RUSSIFICATION AU CAUCASE
20
février
1004.
J'écris cette fois un peu sommairement, car
j'attends des nouvelles authentiques d ' E t c h –
miadzin et des provinces. A Tiflis, les violences
ont cessé en apparence o u sont commises en
secret, tandis que des nouvelles sinistres d'ar–
restations en masse et de barbaries inouïes
arrivent des provinces; je vous écrirai à ce
sujet dans ma prochaine correspondance. Voici
ce que j'ai de plus important à vous c o mm u –
niquer cette fois : Galitzine est encore malade,
et c omme on dit, à moitié f o u ; il a fait cesser
officiellement toute réception. O n raconte de
lui ceci : quand il se sent un peu mieux, il fait
aussitôt une folle proposition par dépêche au
ministre de l'intérieur, à savoir, exiler immé–
diatement le catholicos et l'éloigner du C a u –
case après l'avoir destitué. L e ' m i n i s t r e de l'in–
térieur trouvant cette proposition conforme à
son idée, présente au tzar l'écrit contenant cette
proposition pour le faire signer, mais le tzar
refuse catégoriquement de signer tout ordre q u i
contiendrait une sévérité pour le catholicos ou
l'église arménienne. On attribue le motif de ce
refus à ceci, à savoir que le tzar étant très
fanatique et superstitieux, serait épouvanté par
les ma u x q u i ont atteint sa famille après' la
séquestration des biens de l'Eglise arménienne.
C'est que la tsarine est devenue complètement
sourde; la main d'une de ses filles blessée par
un petit morceau de verre a été gangrenée, et
sa fille aînée s'étant sérieusement blessée à la
tète n'est point encore guérie.
T o u s ces ma u x existent et sont vrais; mais je
ne puis dire à quel point il est vrai que le tzar
fanatique les ait considérés c omme la consé–
quence de l'anathème du catholicos, bien q u ' o n
sache que l'empereur Nicolas est beaucoup
plus fanatique et plus superstitieuxq u'une vieille
femme américaine.
Mais les sévérités continuent sous une autre
forme ; le bruit même a c o u r u que l'on se
propose de ramener l'évêque Sétrakian c omme
gouverneur d ' E t c hm i a d z i n , neutralisant à jamais
l'autorité du catholicos. E n tout cas le fait est
q u ' o n élabore u n nouveau règlement et confor–
mément à ce règlement le synode de Saint-
Pétersbourg, E t c hm i a d z i n demeurera c omme u n
couvent ordinaire et le catholicos ne sera point
élu, mais seulement n ommé de Saint-Péters–
bourg. Le catholicos est déjà gravement mal ade ;
les médecins déclarent qu'il ne peut vivre long–
t emp s ; et s'il mourrait, qu'arriverait-il ? chose
que tout le monde se demande avec anxiété ; il
est simple qu'il ne sera point élu un nouveau
catholicos; dans l'état actuel d u pays et étant
donné l'émotion dans laquelle se trouve la" po–
pulation, il ne sera point permis l'élection des
délégués, leur réunion à E t c hm i a d z i n , etc.
Nous apprenons, par des dépêches, que
l'évêque Sourénian. aratchnort de Tiflis, a été
révoqué par ordre de l'empereur.
Voilà déjà un premier pas d'empiétement fait
sur l'autorité du catholicos; car ce dernier n'a
point été même avisé de cette révocatien q u i a
été faite c omme p o u r u n simple fonctionnaire
russe.
Que reste-t-il d o n c , au Catholicos de tous
les Arméniens.
O n l u i a tout enlevé, on ne l u i a même pas
laissé le droit de n omm e r u n p'être, u n évêque,
un aratchnort, u n chantre; i l ne lui reste
plus rien, absolument rien, sauf le titre de catho-
Iicossat, et c'est tout. L'Arménien n'a plus son
catholicos àE t c hm i a d z i n . Il est temps de trans–
férer ailleurs le Saint-Siège des Arméniens de
ce pays tyrannique et sauvage.
J'avais écrit précédemment q u ' o n a relâché
des prisonniers ; cela est vrai, mais o n a exilé
u n grand nombre de ces derniers à l'intérieur
de la Russie. On a exilé Z o r i a n , le Docteur
Navassartian, Ispantar Isp.ontarian (rédacteur
en chef de " N o r Dar " ) et o n ne permet point
la publication du journal. On a exilé le var–
tabed Pénigh (vicaire aratchnort de K.antzak)
Ohannès Ma l k h a s s i a n et beaucoup d'autres,
surtout des provinces où ont lieu des barbaries
inouïes.
Mais le peuple arménien sait se venger et ne
veut point se laisser égorger c omme un mo u t o n ;
on a tué le chef de la police de K a r s , qu i était
une canaille ; le chef de police d ' A k h a l t z k h a est
également frappé et près de mourir.
Le procès des manifestations d ' E r i v a n , A l e x a n –
dropol, G h ama r l o u , K.ars, Kantzak, Massdara,
etc., aura lieu ces jours-ci. Je vous écrirai le ré–
sultat du procès, aussitôt que j'aurai des nou–
velles.
Voici une autre nouvelle. Il y a deux jours,
la police ayant fait dès perquisitions dans une
boutique de tailleur, y a trouvé deux caisses de
cartouches, des papiers et des lettres suspectes;
trois personnes ont été arrêtées ; on s'explique
la disparition de u n d em i m i l l i o n de cartouches
de la forteresse d ' A l e x a nd r o p o l ; on suppose
que ce sont des Arméniens, mais par la c om –
plicité des officiers russes.
Voici quelques autres renseignements. L a
guerre russo-japonaise est pour ainsi dire c o m –
mencée; même les régiments d u Caucase se
préparentà partir; les conséquences de la guerre
seront trè-^ mauvaises p o u r la Russie, car Je3
troubles et les révoltes intérieurs ne tarderont
pas à éclater; les manifestations ouvrières pren–
nent u n caractère grave, les préparatifs sont
grands, des grèves ont déjà c omme n c é à Bakon
et elles menacent de se généraliser; i l s'en sui–
vra des troubles; les nouvelles parviennent des
villes universitaires et industrielles, qu'aussitôt
la guerre déclarée un trouble général éclatera
dans lout le pays, l i n'y a que les T u r c s q u i ,
par leurs
flagorneries,
prouvent leurs qualités
mesquines; le journal turc
Charki
Roitss,
de
Tiflis, a publié une adresse chaleureuse pour la
guérison de Galitzin, et les T u r c s de Kantzak
ont délégué leurs notables pour faire leurs sou–
haits à ce sujet.
MACEDOINE
La comédie des réformes.
A u mome n t même où un c ommu n i q u é offi–
cieux de Vienne célèbre l'œuvre admirable des
deux agents civils, la Porte écarte le projet de
Fonds A.R.A.M