nombre, se préparent à franchir les frontières
et qu'il est indispensable que Husséïne bey,
prisonnier à Van. soit remis en, liberté pour al–
ler défendre les frontières.
Sur cette nouvelle mensongère, on réussit à
faire gracier le criminel Husséïne bey.
Cette année, en automne, le gouvernement
créa un nouvel impôt — l'impôt sur le bétail —
qui devait être perçu indistinctement, soit des
musulmans, soit des chrétiens. Dans plusieurs
endroits, les Kurdes se révoltèrent et ne payèrent
point; Mehmed bey Ghop, chef de tribu Kurde,
qui résidait sur les frontières turco-persanes,
quitta le sol Turc et passa en Perse; une partie
de sa tribu l'a suivi et les autres se prépaient à
le suivre. C'est là un fait caractéristique qui
montre que le joug turc est devenu intolérable
même pour les Kurdes.
A l'égard des Arméniens, la barbarie turque
est arrivée à son plus haut degré; les Kurdes
sont laissés libres pour opprimer et maltraiter
les Arméniens de la façon la plus cruelle.
A Chadakh, sur la route, les Kurdes arrêtent;
un Arménien et lui transpercent la tête d'une
oreille à l'autre avec leur baïonnette ; l'Arménien
meurt aussitôt.
Deux émigrés Arméniens, accompagnés de
deux Yézidis, retournaient de Russie à leur vil–
lage ; à une distance de quatre heures de Ar d -
jèche, sur le pont du fleuve Haïdarbeg, ils sont
arrêtés par les Kurdes de la tribu de Louve,
pillés et brûlés après avoir été
1
arrosés de pé–
trole.
'.
Le Gouvernement, de son côté, .s'efforce, de
jour en jour, de remplir les prisons d'Armé–
niens, sous telle ou telle accusation politique.
Voici la liste des prisonniers politiques à Van :
1.
Agop Bilinkoyan, condamné à
101
années.
2.
Melkon
—
IOI —
3.
Kassbar
—
j itoiloroirs
4 .
Vartkès
—
101
—
5.
Ohannès Khiranian
—
19
—
6.
Vahan Khiranian
—
i5. —
7.
Ghabod
j —
i 5
—
• 8.
Mouchègh de Bitlis —
i3
—
L E T T R E I j ' A K H L A T H
I5 Août igo3.
Les Hamidiés et le Gouvernement turc. •—
La nouvelle du jour est l'attitude, du gouverne–
ment envers les Hamidiés de Hassnan à Bou-
lanick.
11
n'y a personne, qui s'occupe plus ou moins
des affaires de la Turquie, qui ne sache que les
Kurdes vivaient déjà de brigandages de temps
immémorial. Dans le vilayet de Bitlis, ils avaient
l'ait du brigandage leur carrière unique. Depuis
la création des Hamidiés, le brigandage des
Kurdes a atteint son plus haut degré. Les Ha–
midiés de Hassnan ont vu que les fonction–
naires du gouvernement n'ont aucune autorité
sur eux, que les fonctionnaires militaires n'ont
également aucune influence, qu'ils formaient à
eux seuls une bande à part; aussi se sont-ils
unis à leurs chefs, comme Irzakh, Husséïne,
Suleyman, Gholé, etc., qui sont en même temps
des chefs de tribus et de hauts fonctionnaires
hamidiés, et ont-ils formé une société officielle
de brigands.
Leur principe élait de se considérer comme
les auxiliaires de l'un de leurs chefs, d'aller un
peu partout, faire un butin, et le partager parmi
eux en faisant aussi une part à leur chef.
Les affaires de ces sociétés de brigands mar–
chaient à souhait. Le gouvernement répondait
aux pauvres Arméniens, dont on avait pillé les
bœufs, les vaches, les chevaux et les mulets :
«
Nous ne pouvons pas juger les Hamidiés,
leur chef réside à Erzinghian, adressez-vous à
l u i » . Que pouvait faire le pauvre Arménien?
aller jusqu'à Erzingham, faire des dépenses
énormes pour ne rien obtenir; c'était impos–
sible. Il fallait se résigner et rester chez soi pour
attendre le pillage suivant.
Les sociétés de brigands devenaient plus puis–
santes de jour en jour et menaçaient d'anéantir
à jamais les biens des paysans arméniens. Mais
voilà que soudain on apprend que les ambas–
sadeurs se sont réunis à Constantinople pour
la question macédonienne, et que, très proba–
blement, la question arménienne serait discutée,
puisque les deux questions sont inséparables,
lïn même temps l'ordre suivant arrive de la
Sublime Porte : « Obligez les Hamidiés de
Hassnan de rendre une partie du butin qu'ils
ont fait, et remettez-le à leurs propriétaires »;
mais le gouvernement a agi encore de ruse cette
fois-ci comme toujours; il informa tous les
Kurdes qui avaient été également pillés par les
Hamidiés de Hassnan de venir chercher leurs
bestiaux et leurs marchandises; les. Kurdes y
ont gagné, et les Arméniens ? On ne s'est nulle–
ment occupé d'eux. Voilà depuis un an que les
habitants du village d'Irizagh, de la plaine de
Moush, et les habitants du village d'Arhor
d'Akhlath ont protesté au gouvernement contre
les brigandages des Hamidiés de Hassnan ;
d'outrés villages se trouvant dans le même cas
ont porté plainte depuis un ou deux ans, mais
ils n'ont point été écoutés.
Alors que les Hamidiés de I lassnan, sous la
pression du gouvernement, sont ainsi obligés
de rendre le butin qu'ils avaient fait, ailleurs,
dans le district d'Aldjavaz se passe un fait d'un
autre genre.
Lior Husséïne de Haïdaran, qui a été élevé
au grade de pacha depuis la création des Hami–
diés, j'ignore pour lequel de ses services, a
commencé maintenant à opprimer ies Armé–
niens de l'endroit.
Dernièrement il est venu au village de Ghod-
jer pour y construire un kiosque et s'y établir.
Les habitants de Ghodjer se réunissent, vont
le trouver et le prient de renoncer à ce qu'il se
proposait de faire ; ils lui font comprendre que
comme il est un pacha des milliers de gens
viendraient le trouver dans le village et qu'ainsi
le village serait soumis à des dépenses extraor–
dinaires et ruiné matériellement sous peu. Hus–
séïne pacha ne les écouta point et commença à
faire construire le bâtiment.
Maintenant les Arméniens de toute la pro–
vince se proposent de protester au gouverne–
ment, mais eux-mêmes savent bien que toute
plainte de leur part restera vaine, mais ils veu–
lent faire un dernier, effort désespéré.
C'est ainsi que le Turc, alors qu'il fait régner
un semblant de bon ordre quelque part, aug–
mente ailleurs l'oppression, pour garder toujours
l'Arménien sous un joug pesant. Mais comment
expliquer l'attitude du gouvernement envers les
Hamidiés ? Pour moi, il n'y a qu'une seule
explication. On sait que plusieurs villages de
Manazgherd et de Boulanikh ont été détruits
par le tremblement de terre; aussi les représen–
tants des puissances européennes, consuls,
inspecteurs, etc., se rendent fréquemment sur
les lieux du sinistre. Le gouvernement craignait
ainsi deux choses : d'abord, il pensait que les
Arméniens, profitant de l'occasion, pourraient
présenter des pétitions aux représentants étran–
gers leur décrivant leur situation, ce qui réveil–
lerait la question arménienne, aussi a-t-il eu
recours à la ruse pour bercer les Arméniens
jusqu'à ce que les Européens quittent les lieux;
la deuxième raison est que le gouvernement
craignait que les Hamidiés effrénés, s'ils n'é–
taient pas retenus, du moins momentanément,
pourraient continuer leur brigandage même en
présence des consuls, et pourraient même
aller jusqu'à piller les consuls et donner ainsi
la preuve de leurs méfaits. Aussi le gouverne–
ment les retiendra-t-il pour un ou deux mois,
jusqu'à ce que la crainte de l'intervention dis–
paraisse, et que les consuls rentrent chez.eux.
Tel est le jeu que joue le gouvernement turc,
mais il a toujours réussi dans son jeu et est
arrivé à tromper les Européens. Nous verrons
bien cette fois quelle sera la conséquence du
jeu des diplomates turcs.
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L E T T R E D U V I L L A G E DE M . . .
3,
16
Novembre igo3.
Un événement très douloureux a eu lieu der–
nièrement. Boghoss Tchoulfayan de Mezré,
jeune homme noble et zélé, apprenant les
souffrances atroces des prisonniers, s'en va les
voir en prison pour les consoler de ses paroles
douces et persuasives. Les gardiens de la prison
l'insultent et refusent de le recevoir en lui
disant : « Si tu désires les voir, sous peu, nous
te ferons venir aussi auprès d'eux. » Le jeune
homme brave et dévoué retourne le cœur
affligé, et plein d'une juste colère. Chemin fai–
sant il rencontre un Turc qui insultait un
Arménien en le souffletant; le jeune homme
ne pouvant tolérer cela, intervient à son tour et
tombe sur le Turc qui tombe mort ; mais un
autre Turc arrive en ce moment, tire son épée
et en porte un coup à la poitrine du jeune
homme qui roule par terre et expire aussitôt.
MACÉDOINE
Lettres d'Uskub.
3
i janvier
1904.
Dans les milieux ottomans on a prétendu, à
diverses reprises, que les Bulgares de la Macé–
doine ne consentiraient pas, en dépit du plan
des réformes, à se faire enrôler dans le service
de la gendarmerie ni dans celui des gardes-
champêtres. On a même soutenu que cette abs–
tention de leur part aurait pour but de rendre
illusoire, sous ce rapport, l'application des ré–
formes pour qu'ils puissent, dans la suite,
avoir des nouveaux prétextes de plainte et de
mécontentement contre l'administration locale.
Or, d'après renseignements authentiques, ces
assertions ne sont pas conformes à la vérité.
Fonds A.R.A.M