ront impayés. Et comme i l est impossible
de garder toute une famille, à moitié afia-
niée pendant des années, le paysan est
obligé d'emprunter de l'argent aux usu–
riers turcs, et d'augmenter sa dette d'an–
née en année, jusqu'à ce qu'il arrive un
jour où i l devienne le propre esclave de
l'usurier.
Dans le vilayet de Bitlis, je connais des
centaines de familles, qui, i l y a 15 ans,
avaient une situation aisée, mais qui au–
jourd'hui, sont arrivées ainsi à l'extrême
misère.
La création de ce dernier impôt vient
hâler la ruine des autres familles qui vi–
votent aujourd'hui.
POLICIERS TURCS
On lit dans
Die Information,
de
Vienne, en date du
10
février, que trois
officiers s up é r i e u r s , Ri za -Pacha , aide
de camp du sultan ; Husni-bey, officier
d'état-major, et Tevfik-pacha, a t t a ché
militaire à Bruxelles, ont été envoyé s
Paris, en compagnie de M . C r i s p a
fonctionnaire du mi n i s t è r e de la guerre
italien, pour traiter avec la Compagnie
du Creusot d'un achat d'armes et de
munitions destinées à l ' a rmé e turque.
Nous croyons pouvoir affirmer que
la nouvelle d o n n é e par notre confrère
viennois n'est pas e n t i è r eme n t exacte :
M . E . Crespy, et non C r i s p i , n'est pas
fonctionnaire italien mais sujet autri–
chien ; i l a, en effet, qu i t t é Constanti–
nople, le mercredi
27
janvier, à desti–
nation de Bruxelles, sous prétexte de
traiter en France une affaire d'allu–
mettes. C'est là le but apparent de son
voyage. E n réalité, M . E . Crespy serait
surtout c h a r g é de rechercher quels
accords ont pu intervenir entre les co–
mités a r mé n i e n s et ma c é d o n i e n s , lors
de la venue à Paris de Boris Sarafof,
de Ghirdjikoff et du général Zontcheff :
Mun i r - Pa c h a a été incapable de donner
sur ce point le moindre renseignement
à son auguste ma î t r e . Tou t e mission de
ce genre est d'ailleurs vouée à un é che c
certain : les personnes qu i ont pu être
mêlées à des négoc i a t i on s quelconques,
si des négoc i a t i on s ont eu lieu, ont été
averties de la p r é s enc e prochaine de
fcfe E . Crespv et du but probable de
son voyage, avant qu ' i l ne fût m ê m e
arrivé à Paris. Nous avons aussi notre
police.
M . Catulle Me nd è s était allé à Cons–
tantinople, à la fin de janvier, pour y
faire quelques conférences sur la litté–
rature française. Il avait c omp t é sans
les méfiances de la police turque qu i
le d é n o n ç a comme « disciple de Victor
Hugo , auteur d ' un livre i n t i t u l é
Les
Orientales,
injurieux pour la Russie. »
Tou t e conférence fut donc indéfini–
ment a j ou r n é e , ce qu i est la forme lo–
cale de l'interdiction hypocrite. Pa r
mesure de p r é c a u t i o n , la correspon–
dance de M . Me nd è s ne l u i "fut remise
que par intermittence et celle de
A l
m c
Catulle Mendè s , qu i sans doute
devait être encore plus dangereuse pour
la sécurité de l'empire, e n t i è r eme n t
s u p p r i m é e ; m ê m e les dépê che s avec
r é pon s e payée par lesquelles M
m e
Me n –
dès, affreusement i nqu i è t e demandait
à Paris des nouvelles de son jeune fils
furent interceptées par la censure v i g i –
lante.
Le g é n é r a l . Ahme d -D j e l a l e d d i n - P a -
cha, vient de quitter Constantinople,
sans y avoir été a u t o r i s é . Lo r s du
séjour de M . Catulle Mendè s , i l avait
conv i é le poète français à dé j eune r ,
mais i l n'avait pu recevoir son h ô t e , Sa
Majesté l u i ayant d o n n é l'ordre de ne
point sortir de ses appartements. Ahme d
Djelaleddin serait parti pour l'Egypte,
afind'y voir sa femme,la princesse Ismet,
gravement malade. Ar r i vé au P i r é e , i l
apprit que Fehmi - Pa cha , l ' un des chefs
des espions du Palais avait pe r qu i s i –
t i o n n é dans sa maison de Ni chan t ach
et ad r e s s é un rapport accusateur à
Y l d i z , bien q u ' i l eut t r ouv é seulement
des lettres intimes, sans importance.
Ahme d Djelaleddin aurait t é l ég r aph i é
au Sultan : « Je suis le très fidèle ser–
viteur de Votre Ma j e s t é ; j ' a i été obligé
de quitter Constantinople pour rendre
visite, en Egypte, à ma femme grave–
ment malade. Je viens d'apprendre
l'infamie de Fehmi - Pa cha . Je suis parti
sans pe rmi s s i on ; mais je reviendrai ne
fut-ce que pour soufleter ce lâche et
mé p r i s a b l e d r ô l e . » Ahme d Djelaleddin
bien q u ' i l ait joué le rôle d ' i n t e rmé –
diaire entre le Sultan et ceux des Jeunes
Tu r c s qu i était disposés à se vendre
(
le « bazar » se faisait à Saint-Germain
ou à Contrexéville) valait relativement
mieux que la plupart de ses c ong é n è r e s :
au temps des massacres de Constanti–
nople, i l sauva plusieurs A r mé n i e n s ,
au risque de sa vie ou d'une d i s g r â c e .
On apprend en de r n i è r e heure q u ' Ah –
med Djelaleddin a e nvoy é d'Egypte au
Sultan sa d émi s s i on d'aide de camp.
*
Ta h i r - Pa c h a , directeur du
Servet
et
duMalumat,
mo u c h a r d , e s c r o c , ma î t r e -
chanteur, a été mis en prison pour
avoir, en trafiquant des d é c o r a t i on s ,
fait à son auguste ma î t r e et à toute la
valetaille du Palais une concurrence
déloyale. Il saura se tirer d'affaire,
comme lors de sa de r n i è r e arrestation,
au temps où i l avait fondé le casino de
Ha l k i : i l a certainement dans toute
l'Europe et à Constantinople des amis
puissants qu i interviendront en sa fa–
veur par reconnaissance ou par crainte.
*
Gr and émo i dans les bureaux de
l'état-major ottoman : des documents
de la plus haute importance, concer–
nant la défense des Dardanelles et du
Bosphore et les fortifications des côtes
de l'empire auraient disparu. F é hm i - b e y
officier d ' é t a t -ma j o r , accusé d'avoir
livré ces plans « à une grande puis–
sance du nord », a été arrêté dans la
nuit du
23
janvier, me n é en barque à
Ha ï d a r - P a c h a et expédié de là pour une
résidence inconnue. L a nouvelle semble
peu vraisemblable : H am i d ne s'en
remet à personne q u ' à s o i -même du
soin de ruiner et de trahir son propre
pays et i l livrera aux Russes non point
les plans mais les forteresses elles-
même s , si on l u i garantit la pleine
sécurité pour sa précieuse personne.
R .
L e t t r e s d e V a n , d ' A k h l a t h e t d e M . . .
LETTRE DEVAN
Van,
2
j
Novembre
igo3.
La Turquie est un pays qui n'est administré
que par un Pouvoir arbitraire; on n'y connaît
point de loi ; aussi n'est-il pas possible de tra–
cer une ligne de conduite, montrer une poli–
tique adoptée par elle.
Klle suit à l'égard des kurdes la politique
qu'exigent les circonstances ; cette année, au
printemps, Husséïne bey de Thagor, eut à
combattre Soultan Agha, son oncle ; il tue
quinze hommes et il est arrêté pour cela ; mais
l'argent tout-puissant arrive à son secours et
Husséïne bey est remis en liberté. Un fonction–
naire se fait graisser la patte par Husséïne bey
pour une somme de 5oo livres turques, et il té–
légraphie ensuite à Constantinople que sur les
frontières persanes, des fédaïs, en grand
Fonds A.R.A.M