seulement quatre cavaliers kurdes dont les
balles l'avaient blessé. Mamath, très embar–
rassé, montre une arme rouiller, soi-disant
prise aux fédaïs. Le gouvernement, voyant
l'arme ronillée, chasse Mamath en disant :
«
Le fédaï ne prend pas en main une telle
marchandise. »
Mais l'affaire n'est pas close ainsi ; le com–
missaire llussni envoie toujours des d é p ê –
ches à Constantinople et soutient qu'on avait
bien vu des fédaïs; son but est de montrer
Van comme un centre révolutionnaire et de
hâter ainsi un massacre.
L E T T R E DE KHARPOUT
10
novembre 1903.
Les arrestations et les p e r s é c u t i o n s faites
pendant ces quelques derniers mois à Khar–
pout peuvent être considérées comme le s i –
gnal d'une grande crise prochaine. Mention–
nons seulement quelques faits :
Le gouvernement apprenant que des révo–
lutionnaires s'étaient réfugiés à Dersim,
ordonna aux soldats se trouvant à Khozat
et à Tchimickohazak de faire le nécessaire
pour a r r ê t e r les révolutionnaires. Les sol–
dats ont eu à combattre et retournent avec
une petite perte (3 blessés). Le gouverne–
ment s o u p ç o n n a n t que la population four–
nissait du pain aux révolutionnaires, a
décidé que chacun n'obtiendrait pas plus de
6
mesures de blé, dans le cas contraire, les
infracteurs à la loi seraient c o n d amn é s à
6
mois de prison.
Puisque le gouvernement, avec une sévé–
rité extraordinaire, persécute et opprime la
population, la jeunesse a rmé n i e n n e sait
aussi prendre sa vengeance. J'enregistre un
incident, qu i eut lieu le 20 juillet, dans le
village d e ' I t c hmé , à Kharpout. Trois A r mé –
niens ont tué à coups de revolver un gen–
darme, n omm é Sadik, se trouvent dans ce
village et un autre Turc barbare, du même
village. On dit que les deux A rmé n i e n s qui
ont pris part à l'exécution ont été arrêtés
dans une maison du village de Sarssir.
Le gouvernement continue encore ses per–
s é c u t i o n s ; le nombre des arrestations d é –
passe 100.
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La Vita Internazionale
R E V U E BI-MENSI/ELLE ILLUSTRÉE
Directeur : E . - T . M o n e t a
Collaborateurs : L . T O L S T O Ï , G . Novicow, E . D E
A M I C I S , C. L O M B R O S O , G . S E R G I , A . L O R I A , G . F E R R E R O ,
Y-
G U Y O T , . M .
R A M S A R D I , C .
R I C H E T , G .
A S C O L I ,
M .
NlCEFORO,
E .
VlDARI,
E .
MORSF
.
LLI, I.
S N U I E L E ,
M . P11.0, etc.
R É D A C T I O N :
2/,
Portici
Sëttentrioriali,
Milan.
A B O N N E M E N T S : Italie,
10
francs; autres pays,
15
francs; un n u m é r o ,
O
fr.
50 .
MACEDOINE
Lettre d'un réfugié Macédonien
Belgrade, le 30 décembre I903.
Les malheureux Bulgares expulsés de la
Macédoine dans les recoins de l'empire otto–
man où l'influence autoritaire turque est
nulle, sont oubliés à jamais.
Sont-ils morts? sont-ils en vie? Personne
ne le sait. On suppose par les indications
des tribunaux — si on peut les appeler tri–
bunaux — qu'ils se trouvent enfermés dans
les forteresses hamidiennes. Ces créatures
délaissées seraient nominalement dans les
forteresses de Saint-Jean-d'Acre, Bo d r o um-
Kalé, Sinope, Payas-Kalé, Ile de Rhodes et
en Tripolie d'Afrique. Le chiffre en est con–
sidérable : 3.500 Macédoniens.
Les 250 Bulgares exilés dans le vilayet de
Diarbékir ne sont pas compris dans le nom–
bre. Dix de ceux-ci sont morts des suites des
tortures subies en cours de route.
Quand j'étais en Macédoine j ' a i eu devant
mes yeux ma femme, ma fille et mes trois
g a r ç o n s massacrés par les Turcs. Cette
catastrophe m'a obligé à prendre la route
des montagnes et à me mettre â la tête d'une
bande. Trois mois après je me suis réfugié
en Serbie avec mes hommes.
La vie pour les chrétiens ne peut plus
durer ainsi en Macédoine. Comment peut-on
y rester quand on massacre votre femme,
vos enfants au mépris des puissances « réfor–
matrices ». Les deux puissances, la Russie et
l'Autriche, aidées des autres sont-elles sin–
cères dans leur plan de réformes? Personne
au monde n'y croit. Pourquoi ne p'occupent-
elles pas de c o n n a î t r e le sort des Ma c é d o –
niens exilés? Elles courront après leurs pro–
pres intérêts et ne pensent point à sauver
les chrétiens de Macédoine du r é g ime du
Néron musulman. Les grandes puissances
crient : civilisation ! mais c'est un prétexte
pour assouvir leur avidité d'accaparement.
On doit classer, dans le rang de ces m a n œ u –
vres, le plan de réformes actuel. Veut-on
être sérieux? Alors le devoir s'impose de
marcher ferme, de ne pas reculer. Les mé n a –
gements, les basses flatteries, les i n d é c i –
sions, les lenteurs par délicatesse, les mena–
ces p é r i o d i q u e s et artificielles bonnes seule–
ment à tromper des bambins, n'influencent
pas les Hamidiens, versent au contraire sans
discontinuité du pétrole sur la matière prête
à s'enflammer.
Chers frères français, nous attendons de
votre nation, qu i a d o n n é le si glorieux
exemple de la délivrance des peuples oppri–
més, notre salut! Brisez le c œ u r d'airain
de vos gouvernants, car i l est temps, nous
craignons l'explosion d'une grande catas–
trophe au.printemps. Les bachibouzouks ont
c h a r g é leurs fusils, aiguisé leurs yataghans
et jurent qu'ils attendent l'occasion de con–
tinuer le massacre interrompu par suite de
la saison. Des émissaires turcs vont de
village en village menacer les femmes et en–
fants que le printemps fera venir leur lin.
Assez de cette incertitude de l'existence !
Assez des souffrances qu i durent depuis
500
ans.
U N RÉFUGIÉ MACÉBONIEN.
Le Clergé Grec et les victimes
des troupes turques
30
décembre.
Il est connu que les troupes turques, au
lieu de poursuivre les bandes des i n s u r g é s ,
entraient dans les villages chrétiens, en d é –
valisaient les habitants et incendiaient les
maisons. Des dizaines de milliers d'hommes,
de femmes et d'enfants sont res'.és nus, sans
toit et sans un morceau de pain. Les habi–
tants de plusieurs centaines de villages se
trouvent aujourd'hui dans ces conditions
lamentables. Des Sociétés de bienfaisance se
sont fondées dans plusieurs villes de l'Occi–
dent et naturellement aussi enBulgarie pour
venir en aide à ces éprouvés. Elles font des
q u ê t e s d'argent et de toute espèce d'offran–
des. Ces Sociélés n'ont pu mieux faire que
d'avoir recours an clergé des divers rites
pour l'aire distribuer leurs secours. Les So –
ciétés de l'Occidenl ont chargé de cette tâche
les missions catholiques et protestantes en
Macédoine, ainsi que les Sociétés bulgares
et les évoques bulgares de cette province.
Le Métropolitain de Monastir, Gr é g o i r e ,
malgré son Age, les difficultés des commu –
nications et la mauvaise saison s'est c h a r g é
de son propre g r é , de parcourir les villages
en question; et de se mettre à la recherché
des .pauvres et d< s malheureux, de les con–
soler et de leur distribuer les a umô n e s que '
des cœu r s charitables ont mis< s à sa dispo–
sition. Souvent il dut passer la nuit dans sa
voiture ou dans des auberges sales et déla–
b r é e s , mais cela ne le rebutait pas.
Le 20 d é c emb r e , se trouvant dans le v i l –
lage d'Olischta, i l lit venir vers lui un gen–
darme qui lui déclara avoir été envoyé par
le Pacha de Koslour pour le prier de s'y
rendre sans retard. Le dit Pacha avait à l u i
communiquer des nouvelles très importan–
tes. Tout d'abord, l'archevêque refusa d'ob–
t emp é r e r à cette injonction Mais le gen–
darme ayant insisté avec force et pour ne
pas avoir l'air de désobéir à l'autorité, i l
partit pour Kostour, et, dès son arrivée, i l
se rendit directement chez le Pacha, lui p r é –
senta ses respects et lui demanda ses ordres.
Le Pacha lui r é p o n d i t qu'il devait y avoir un
malentendu puisqu i l ne l'avait pas appelé
et qu'il n'avait rien à l u i communiquer.
L'archevêque protesta, nomme le gendarme
qui l'avait s ommé de se rendre à Kostour, et
demanda satisfaction par la punition du
coupable.
Dans cet intervalle, l'évêque grec de Ko s –
tour faisait sonner les cloches et sur un
mot d'ordre distribué d'avance engageait
les Valaques grécisés de l'endroit à fermer
leurs boutiques et à se rassembler en mee–
ting pour protester contre l'arrivée en leur
ville de l'archevêque bulgare. Ces r e n é g a t s ,
après avoir fait grande provision de courage
dans les nombreux cabarets de la ville,
firent tant de tapage que le Pacha en profita
Fonds A.R.A.M