chrétiens, car la protection des grandes
puissances est manifestée maintenant, sous
une forme positive... Les hamidiés, qui ne
rêvent que pillage, assassinats et des actes
de courage, mé c o n t e n t s de cette défense,
disent: « N o u s apprenons que le padichah
est devenu aussi un l'eda'ï, peu importe, ;
nous autres, nous ferons ce que nous avons
à faire, nous verrons bien comment le padi–
chah nous en empêchera. » Peuple misérable
et barbare ! qui fait même du sultan sangui–
naire un fédaï...
îl y a dans ces nouvelles une part certaine
de vérité, car Moussa bey, du village de
Ghészan de Khizan, qui était parti à Hatch,
est de retour ces jours-ci et organise de
nouveaux r é g i me n t s d'hâmidiés avec grand
zèle...
Le 13 octobre, les cavaliers kurdes ont
emp o r t é les moutons du village d'Ani ; le
28
septembre, le soldats se trouvant à
Manazgherd ont violé l'enfant du Mollah
Youssouf. Le Mollah, furieux, de concert
avec les habitants, Turcs, Kurdes et A r mé –
niens de l'endroit, adresse une protestation
au Ka ïma k am, demandant de faire éloigner
les soldats de la ville. Le Ka ï ma k am , voyant
qu'il se trouve lui aussi dans une position
grave, a recours à la ruse et cherche à s é p a –
rer les plaignants musulmans des Armé–
niens. Le soir, i l est o r d o n n é aux soldats de
circuler dans les quartiers, et aux gardiens
de tirer des coups de fusil ; les soldats r é –
pondent aux coups de fusil des gardiens. La
population est troublée ; quelques-uns ar–
mé s et d'autres sans armes sortent dans la
rue ; aux questions faites : « Qu'y a-t-il ? Que
se passe-t-il ? » i l est r é p o n d u que les révolu–
tionnaires ont a t t a q u é la (orteresse. Des
cris, des g émi s s eme n t s , des dépêches, et le
lendemain matin les machinations des
agents du gouvernement sont dévoilées...
Le 20 septembre, 31 cavaliers n ommé s
Djanbézar, sous le commandement de Hadji
Allahvei di, de Moush, entrent dans le village
de Tchira Ku g h , ils rouent de coups les pay–
sans rencontrés, ils attachent les chevaux,
ils s'emparent des sacs d'avoine des paysans,
puis ils enlèvent'46 poules, ils é g o r g e n t des
béliers et des moutons et organisent une
fête. Tels sont les actes de courage des
Turcs, exécutés pendant 2 ou 3 jours; que
ne supporte-t-elle pas, la malheureuse! popu–
lation a rmé n i e n n e , pendant le cours des
mois et de longues a n n é e s . Je vous écrirai
une autre fois au sujet de la perception des
i mp ô t s et de ses différents modes.
L a révolution a g a g n é aujourd'hui un
grand terrain; Turcs et Kurdes songent que
'
autorité turque actuelle n'est que tempo–
raire, et que le pays nous appartiendra un
jour. Kurdes et Turcs, qui, dans le temps,
agissaient d'après leur bon plaisir — en
commettant des vols, des assassinats et des
viols — aujourd'hui ils agissent avec grande
p r é c a u t i o n ; la balle du fédaï ainsi que
son épée les suivent, comme un cauchemar.
L a plupart des Turcs, qui jadis, se c o n s i d é –
raient comme les héritiers réels de leur
pays, laissent aujourd'hui leurs immeubles
déserts et en ruine, en disant : « Pourquoi
construire, puisque ce sont les ghiaours qui
en h é r i t e r o n t ? » Dans quelques endroits
seulement où l'élément é t r a n g e r p r é d om i n e ,
la détresse est grande à cause de la mauvaise
situation é c o n omi q u e , ainsi, Ardjèche,. qui
est un district de quelques milliers d'habi-
tr nts, est peuplé en grandi! partie par des
Tires.et des Kurdes.
u
endant les massacres de 1896, il fut sou-
mi?, plus que les autres endroits,
h
la ruine
et t u pillage, grâce à l'élément musulman, à
la position de l'endroit. Les Turcs et les
Kurdes ayant pillé les richesses des A r mé –
niens, se sont emp a r é s du commerce du
pays, et de nombreux capitalistes turcs pra–
tiquant l'usure ont c o n t r i b u é à l'anéantisse–
ment et à l'émigration de beaucoup de per–
sonnes. Le butin qu'ils ont fait jadis leur
donne aujourd'hui une autre idée ; les A r mé –
niens de l'endroit se procurent à peine leur
pain quotidien ; les Turcs, dont chacun pos–
sède quelques dizaines de livres, pleins « de
sentiments de pitié et d'amitié », à chaque
occasion, proposent aux A rmé n i e n s de s'as–
socier à eux dans le c omme r c é et les métiers.
«
Je t'avance l'argent, à toi de travailler »,
disent-ils. Beaucoup de Turcs sont, aujour–
d'hui, associés aux A rmé n i e n s dans le com–
merce et les métiers. Mais quelle est. cette
politique ? Car eux-mêmes n'étant aptes ni
au commerce ni aux métiers, s'associent les
A rmé n i e n s pour un temps, jusqu'au jour où,
grâce à Allah, arrive un massacre, et la mai–
son de commerce déjà relevée et agrandie
reste e n t i è r eme n t dans les mains, du Turc ;
les Turcs emploient la même politique au
sujet des maisons des A rmé n i e n s . Les Turcs
paient largement le loyer des maisons des
A rmé n i e n s ; ils sont toujours disposés à
avoir des maisons vastes, bien construites et
à deux é t a g e s ; mais les A rmé n i e n s se mé –
fient et refusent autant que possible de
louer aux Turcs, et préfèrent garder la.mai–
son vide. Beaucoup sont, obligés de s'asso–
cier aux Turcs dans le commerce, car i l faut
vivre et i l n'y a point d'argent, e.t le capital
est indispensable. L a population d'Ardjèche
est dans une é p o u v a n t e continuelle ; les
mères conseillent à leurs fils de s'éloigner
au plus t ô t et d'aller en Russie et d'y vivre.
Il y a deux jours, 17 prisonniers se sont
échappés de la prison parmi lesquels se
trouvent 3 A rmé n i e n s ; hier on en a arrêté 7,
dont l'un est Armé n i e n ; les autres ont dis–
paru ; les recherches continuent avec sévé–
rité ; i l y a deux ou trois semaines des soldats
fuient envoyés aux quartiers d'Aïkesdan.
Dans le quartier d ' Ha ï n g o u s s n e r i l y a tant
de soldats, que les femmes craignent d'aller
à l'église-du quartier; telle est la vie à
laquelle se trouve soumise la population de
notre endroit.
LETTRE IlE
VAN
20
novembre
igo3.
La fausseté, la perfidie et les intrigues sont
les traits caractéristiques du Turc.
Tentative d'empoisonnement.
L'arrêt con–
damnant Vortkès à Ta détention perpétuelle
dans une enceinte fortifiée pour crime poli–
tique est déjà p r o n o n c é ; mais le gouverne–
ment pense qu'il peut arriver qu'il soit
gracié, inventa une autre accusation contre
lui ; i l accusa Vo r t k è s d'un délit de droit
commun, comme assassin du- traître Kh a -
tchik, alors qu'il sait bien que Vortkès était
en prison et sous une surveillance sévère
lors de l'assassinat du traître ; il s'efforce
donc aujourd'hui de le condamner comme
criminel pour que, si les p r é v e n u s politi–
ques arrivent à être graciés, i l puisse le gar–
der toujours en prison.
Non contents de cela, maintenant le d i –
recteur de la prison, le commissaire Hussin
et Atham bey, veulent attenter à la vie de
Vo r t k è s par l'empoisonnement. La jalousie
turque ne peut même pas supporter qu'un
homme comme Vo r t k è s puisse vivre même
en prison.
Les consuls.
Tous les consuls é t r a n g e r s
de notre endroit sont amis dè s Turcs, même
dans les circonstances les plus critiques
nous n'osons nous adresser à eux. Il y a
quelques mois un différend a eu lieu en
prison ; les Turcs avaient a t t a q u é les pri–
sonniers a rmé n i e n s et les avaient roués
de coups. Mais le gouvernement passa aux
menottes les pieds et les mains des A r –
mé n i e n s et soumit les prisonniers à la tor–
ture. Nous avons mis au courant les consuls
par un écrit exposant le l'ait; ceux-ci se sont
dépêchés de porter notre écrit au vali et de
lui promettre qu'une autre fois ils arrête–
raient le porteur d'un écrit pareil. Ne vou–
lant pas croire aux bruits qui avaient couru,
nous avons essayé d'envoyer au « locum-
tenens » français, qui est un ecclésiastique,
le rapport d'un de nos camarades. Le por–
teur du rapport a failli être a r r ê t é .
Il y a deux jours est arrivé le consul fran–
çais, mais nous ne savons pas encore quel
homme i l est.
La perfidie kurde.
Les Kurdes aussi se
mettant en relations avec les Tures ont
a d o p t é la politique^de fausse accusation et
de perfidie. A une distance de 2 à 3 heures
de Va n se trouve le village appelé Tonia
habité par une population mixte d'Arméniens
et de Syriens. Il y a quelques a n n é e s , un
Kurde'pillard n omm é Mamath s'y est établi
et augmente de jour en jour ses vexations.
De r n i è r eme n t , les Syriens unis aux Armé –
niens protestent contre les méfaits du Kurde
et veulent, par l'entremise du gouvernement,
le chasser de leur village. Ils étaient déjà
assurés du succès, quand Mamath songe à
déjouer leur succès par ruse.
U n jour, i l envoie des Kurdes sur les mon–
tagnes, et l u i -même avec quelques cama–
rades sort du village pour les poursuivre
comme des fédaïs. On commence à tirer des
coups de feu ; un agent de police qui se
trouvait aû village court au lieu du combat
et est grièvement blessé par les faux Çédaïs.
Mamath s'adresse au gouvernement et dé–
clare que les habitants de Tonia veulent le
chasser du village, pour pouvoir librement
accueillir les fédaïs, que d e r n i è r eme n t i l
avait vu une bande de 140 hommes et qu'il
avait eu à lutter contre eux.
Mais après un interrogatoire sommaire,
Mamath abaisse le nombre des fédaïs à 25; ,
le gouvernement doute de la véracité des
paroles du Kurde et soumet à l'examen le
soldat blessé, qui déclare, que l u i i l avait vu
Fonds A.R.A.M