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P R O ARMJËNÎÀ
pour demander à l'archevêque bulgare de
quitter Kostour. Cet ordre, ayant été répété
é g a l eme n t par l'inspecteur des vilayets,
H i l m i Pacha, le métropolitain Grégoire dut
quitter la ville et recommencer à parcourir
les villages incendiés et à consoler les victi–
mes du fanatisme des Turcs et des Grecs,
jaloux d'ailleurs de c o n n a î t r e qu'il y a quand
même dans le inonde des hommes charita–
bles envers les pauvres et les malheureux.
Il est évident que l'évêque grec, avec ou
sans la complicité du Pacha, avait t r amé
cette comédie dans le but d'attirer Mg r Gré–
goire dans la ville et de lui jouer ce mauvais
tour.
Lettres de Serrés.
Serrés, 31 décembre 1903.
I. —Ame d Effendi, Mulazime de gendar–
merie, fit habiller en uniformes d'insurgés
deux gendarmes bulgares du village d'Oreho-
vetz, n ommé s à ces fonctions à la suite des
réformes de lévrier dernier, ainsi que le
g a r d e - c h amp ê t r e du village Ka r l i -Ke u y , éga–
lement bulgare, et les envoya dans la nuit
du 16 d é c emb r e au village de Dicnovo pour
vérifier, soi-disant, si on y cachait des i n –
surgés. Il leur recommanda de dire qu'ils
appartenaient à une bande de 25 insurgés et
de r é c l ame r du pain et des v ê t eme n t s pour
autant de personnes ainsi que deux livres
turques. Arrivés à ce village, les deux gen–
darmes et le g a r d e - c h amp ê t r e en question
exécutèrent ponctuellement les ordres de leur
chef et r ama s s è r e n t , en allant de maison en
maison, tout ce que ce dernier a voulu.
Quelquesvillageois ayant cependant reconnu
le g a r d e - c h amp ê t r e , d e v i n è r e n t la ruse et
p o r t è r e n t plainte. Celui-ci, ainsi que les
gendarmes ont é t é a r r ê t é s et incarcérés à
Serrés. Mais, malgré leurs déclarations for–
melles qu'ils avaient agi par ordre du sus–
n omm é Mulazime, aucune mesure n'est prise
à l'égard de ce dernier, qui, en attendant,
s'est a p p r o p r i é le butin pris dans le susdit
village.
II. — A Petritch, chef-lieu du kaza du
même nom, sandjak de S e r r é s et dans les
environs s'est déclarée une maladie dysen-
tériforme avec tous les s ymp t ôme s du cho–
léra. Une Commission médicale a été en–
voyée sur les lieux pour en étudier la nature.
Les autorités soutiennent qu'il s'agit de cas
de cholérine. Quoiqu'il en soit, l a maladie
dont i l s'agit est contagieuse et cause une
grande mortalité. Elle s'est déclaré en pre–
mier lieu dans l'armée, et c'est parmi les
soldats qu'elle sévit encore davantage.
Serrés, 10 janvier 1904.
Les profanations commises dans l'église
bulgare de Gorno-Brodi ainsi que les per–
sécutions et brutalités dont ses habitants
bulgares, sans distinction de sexe n i d'âge,
ont é t é l'objet de la part du Me d i r de ce
village, ont été a n n o n c é e s à temps. Une
dizaine de ces paysans, parmi lesquels trois
prêtres, qui avaient été envoyés à Serrés par
le susdit Mudir sous la fausse dénonciation
de causer des troubles dans le village, ont
reçu ces derniers jours, l'autorisation de
r é i n t é g r e r leur foyer, mais sous la menace
expresse qu'ils auraient à r é p o n d r e de tous
les d é s o r d r e s qu i pourraient s'y produire.
D'un autre côté le kodjabachi et les A/as
bulgares du village sont actuellement l
'
objet
d'une instruction judiciaire à Serrés pour
avoir eu l'audace d'adresser une plainte au
Vali de Salonique contre les atrocités de
leur Mudir, et, toutes les fonctions adminis–
tratives et fiscales y sont exercées en ce mo –
ment par le Kodjabachi grée.
L'église bulgare, remis»' par force aux
Grecs, est devenue le théâtre des scènes les
plus révoltantes. Toutes ses inscriptions en
slave ont élé effacées. Pendant les services
divins c'est le commissaire de, police qui
est assis dans la chaire destinée aux évêques.
Les p r ê t r e s et chantres sont g a r d é s par des
soldats fusil en main. Les soldats pénètrent
librement dans l'iconostase par toutes les
portes. A u moment de la messe où le prêtre
fait le tour de l'église, le saint sacrement en
mains, i l est, tout le temps précédé par des-
soldats. Pour sal isl'aire leur curiosité, ceux-ci
vont j u s q u ' à soulever la couverture de la
Sainte-Table et à fouiller avec leurs mains
les ciboires et autres objets
'autel.
Dimanche dernier, un garçon ayant com–
mencé à lire l'épitre eh slave, le commissaire
de police, par ordre du prêtre grec, descendit
du t r ô n e des évêques, et a p r è s l'avoir souf–
fleté à deux reprises arracha des mains de
ce garçon le livre des épîlres et, le jeta au
prêtre dans l'autel. Dans cet état des choses
plusieurs enfants restent non b a p t i s é s ; des
cérémonies de mariage ne peuvent pas avoir
lieu et des personnes meurent et sont en–
terrées sans avoir reçu les sacrements de
l'église et sans c é r émo n i e funèbre.
Lettre d'Andrinople.
Andrinople, 9 janvier 190''.
M
m l
-
Louise K i n g , membre de la Société
de bienfaisance « Society of Friends de
Londres, c h a r g é e de la noble mission de
distribuer des secours en v ê t eme n t s , chaus–
sures, couvertures, etc., aux éprouvés dans
les vilayets de la Turquie d'Europe, était
arrivée d e r n i è r eme n t à Andrinople. Elle l'ut
reçue successivement par le consul de
France, chargé de l a protection des intérêts
anglais, et par le vali qui l u i promit son
concours en l'occurrence en l u i s u g g é r a n t
qu'il serait désirable de commence!* par le
village turc Hadji-Talischman, déjà recons–
truit et largement secouru par le gouverne–
ment ottoman, la distribution de ses se–
cours. M»
1
"
K i n g , ayant eu déjà son itiné–
raire arrêté, devait partir le 5 courant pour
Kirk-Klissé, et, à cet effet, elle avait e n g a g é e
un landau pour elle et une autre voiture
ordinaire pour le transport des effets. Le
V a l i , informé de ce que M""» K i n g , au lieu
de se rendre en premier lieu au susdit vil–
lage turc, devait partir pour Kirk-Klissé,
donna, par l'entremise de la police, ordre à
tous les voituriers de l a ville de ne point la
conduire à Kirk-Klissé, et l u i refusa*l'escorte
d ema n d é e . En effet, son voilurier venait quel–
que temps après lui faire part de cet ordre.
Cet ordre, ne concernant que la personne de
Mme K i n g , l'autre voiture avec les effets a
pu partir de bon matin. Quant à M
m e
K i n g ,
elle avait r é p o n d u au Va l i que puisque l'es–
corte d ema n d é e lui était refusée, elle allait
partir pour Kirk-Klissé en compagnie d'un
Gavasse du consulat, de France. Mais le Vali
lui ayant l'ait connaître et officiellement l'or–
dre
d o n n é aux voituriers de ne point l'y
conduire, M
1
" "
King, après avoir remis les
effets en mains s û r e s et
chargé
de leur dis–
tribution des personnes de sa confiance,
quitta Andrinople le, jour suivant pour se
rendre à Philippople et de là à Sofia, en d é –
clinant, les offres d'escorte et d'autres faci–
lités que le Vali d'Andrinople, en présence
de sa ferme décision de quitter celte ville
par suite des difficultés rencontrées dans sa
mission, s'était plu à l u i faire au dernier
moment.
Les prisons d'Andrinople.
Dans son r é c e n t e x p o s é devant les
D é l é g a t i o n s aulrichiennes, le comte
Goluchowski s'est d é c l a r é plus satis–
fait encore que trois semaines aupara–
vant de la situation en Ma c é d o i n e .
Sans doute les rapports consulaires et
les e n q u ê t e s successives faites àMo –
nastir, à Okhirida, à K i r k k l i s s é par les
d é l é g u é s du Balkan Committee confir–
ment les statistiques de d é v a s t a t i o n el
de massacre que nous avons p u b l i é e s
ici, et il est plus que probable que l'in–
surrection m a c é d o n i e n n e recommen–
cera aux premiers soleils de printemps.
Mais les ministres des affaires é t r a n –
g è r e s de tous les'pays ressemblent g é –
n é r a l e m e n t à Jahveh qui les lit à son
image et comme lui ils sont toujours
satisfaits de leur œ u v r e et connaissent
qu'elle est bonne. Cependant m ê m e si
les r é f o rme s a n n o n c é e s é t a i e n t appli–
q u é e s dans les vilayets proprement
m a c é d o n i e n s , le vilayet d'Andrinople
qui ne fut pas le moins é p r o u v é n'en
profitera pas. Le comte Goluchowski a
e x p l i q u é en effet qu'on a omis de le
mentionner dans le
Drogramme
des
deux empires parce que les gens de ce
pays ne s ' é t a i e n t pas encore i n s u r g é s
quand le programme des deux empires
fut
é l a b o r é .
Au s s i , en attendant
mieux, les prisons d'Andrinople regor–
gent de malheureux i n d é f i n i me n t gar–
d é s en p r é v e n t i o n ou c o n d a m n é s en
masse par un tribunal d'exception
devant lequel ils n'ont pu faire ciler
aucun
t émo i n ; et les peines sont
d'importance : douze condamnations à
mort; seize à
cent
un ans de travaux
f o r c é s , c ' e s t - à - d i r e aux travaux f o r c é s
à p e r p é t u i t é ; le chiffre de quinze ans
semble le plus a g r é a b l e aux juges ha-
midiens.
Voici
'
les* listes des prisonniers
d'Andrinople, presque tous originaires
du Vilayet :
Fonds A.R.A.M