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ER
FÉVRIER 1904.
Pro Armenia
R é d a c t e u r en
C h e f :
PierreQU I LLARD
Adresser tout
ce qui concerne la Direction
à M. Pierre QUILLARD
IO, Kue USTollet, Paris
ABONN EME N T S :
France
S
É t i a n g e r
I O
Paraissant le i
er
et le i5 de chaque mois
Secrétaire de la R é d a c t i o n :
Jean L O N G U E T
COMITÉ DE RÉDACT I ON :
G. Clemenceau, Anatole France, Jean Jaurès
Francis de Pressensé
A D M I N I S T R A T I O N :
Avenue de l'Observatoire, 3
P A K I S
ABONNEMENTS \
France
S »
É t r a n g e r
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SOMMAIRE :
La Quinzaine: Los vrais ennemis de l'Empire Turc
(
P I E R R E
Q C I L L A H D L
Le s combats de Passen :
Lettres d'Erzeroum et de Van. — E n Amérique (JEAN
LONGUET).
Lettres d'Erzeroum, de V a n . e t de
Kharpout. — Macédoine : Lettre d'un réfugié macé–
donien : Le clergé grec et les victimes des troupes
turques; Lettres de Serrés; Lettre d'Andrinople;
Les prisons d'Andrinople.
M o n cher Qu i l l a r d ,
C'est au paisible ouvrier de la pensée
abstraite, ce n'est a s s u r é m e n t pas à l ' homme
politique —que je n'ai jamais été : h ç l a s !
on n'est n i parfait n i universel — que vous
fîtes, i l y a^trois ans, l'honneur i mmé r i t é
d'inscrire son n om en tête de votre journal,
à côté de noms illustres à divers titres.
Or, si sur les rives de la Seine, onn'a
jamais travesti le vrai caractère de mes
rapports avec l a direction effective de
Pro
Armenia,
i l semble q u ' i l n'en ait pas été de
m ê m e sur les bords fleuris d u T é r e k ou
sur ceux — actuellement glacés — de l a
Néva.
Il me revient, en effet, de différentes
parts que depuis votre récente campagne
contre certaines mesures et certaines per–
s o n n a l i t é s dirigeantes au Caucase, bien des
gens, là-bas, sont absolument c h o q u é s de
voir le n om d'un Russe qui n'est point un
«
réfugié politique » paraître à la p r em i è r e
page de votre j ou r na l .
Ces personnes s'imagineraient-elles peut-
être que j'inspire telles de vos p o l ém i q u e s
qui manquent de m a n s u é t u d e à leur é g a r d ?
Dé t r omp e z - l e s , je vous prie, mo n cher
ami, en publiant cette lettre q u i rectifie une
erreur certaine. E t faites mieux encore :
supprimez la cause é v i d e n t e du p r é t e n d u
«
scandale ». Il ne vous en coûtera que de
donner au prote l'ordre d'oublier mo n
nom sur la manchette de
Pro Armenia.
A ce prix, je m'estime heureux de pou–
voir ramener la sérénité et le calme dans
1
à m e t r o u b l é e d u prochain !
Croyez-moi, mo n cher et a dm i r é poète,
votre bien d é v o u é
EUGÈNE DE ROBERTY.
Saint-Raphaël, 16 janvier 1904.
LA QUINZAINE
LES VRAIS ENNEMIS DE L'EMPIRE TURC
L ' Yéme n est en r évo l t e ouverte.
A Beyrouth, les soldats dont on n'a
pas pu payer la solde a s s i è g e n t le konak
du gouverneur et s i la Banque Otto–
mane n'avait consenti une avance de
quelques milliers de livres, la s éd i t i on
militaire eut é l é b i e n t ô t ma î t r e s s e de
la ville.
À Va n , peu de jours a p r è s , sembla–
ble aventure. Le s soldats, non p a y é s ,
parcourent les rues et parlent d ' a s s i é –
ger é g a l eme n t le konak : mais, pour
s'assurer l ' impun i t é , i l s commencent
par piller les boutiques a rmé n i e n n e s
et par frapper g r i è v eme n t les A r mé –
niens qu ' i l s ' r encon t r en t ; un mé d e c i n
militaire qui essaie de les faire renon–
cer à leurs projets de meurtre est à son
tour frappé et b l e s s é par eux.
Ma i s comme le prouve l'affaire de
Passen, les Armé n i e n s p o u s s é s à bout
sont dé c i dé s à se dé f end r e ; et à l'autre
e x t r émi t é de l'empire, en Ma c é d o i n e ,
ma l g r é l'hiver, les justes r e p r é s a i l l e s
insurrectionnelles r é p o n d e n t aux atro–
cités hamidiennes qui se p e r p é t u e n t .
Dans la population turque, victime
elle aussi du r é g ime i n s t i t u é par le
Sultan, i l semble y avoir deux cou–
rants : les uns se r é s i g n e n t à un chan–
gement qu i leur p a r a î t inévitable et
seraient assez d i s p o s é s à s'entendre
avec les rebelles a rmé n i e n s ou ma c é –
doniens; les autres, ouvertement ou
moyennant quelques r é t i c enc e s , p r é –
tendent conserver l ' h é g émo n i e des
vainqueurs sur les nations autrefois
asservies par eux ; i l s ne veulent pas
accepter d'égalité réelle entre mu s u l –
mans et c h r é t i e n s et se trouvent ame–
nés à soutenir, avec ses pires c o n s é –
quences, l ' au t o r i t é e x é c r a b l e d ' Ab d - u l -
Hami d .
U n j ou r na l p u b l i é au Caire et dont
il a déjà é t é p a r l é i c i , le
Turc
exprime
assez bien cette seconde op i n i on . 11
e s p è r e , selon ses d é c l a r a t i o n s du 7 J a n –
vier, se concilier b i en t ô t l a confiance
et l'estime publics ; i l se di t « l'ami
du gouvernement et l'organe de 16 m i l –
lions de Turcs, fondé pour r é p a n d r e
en Turquie l'esprit d'union g é n é r a l e
contre l'Europe Occidentale ».
Chaque semaine l u i apporte d'Europe
des nouvelles attristantes :
Cela prouve combien les Eu r o p é e n s sont
a n imé s contre nous de l'esprit d'iniquité.
Ces nouvelles doivent nous servit d'exemple.
Nous ne devons compter que sur nos propres
forces et travaillera notre propre protection
et notre p r o g r è s . I l ne faut jamais croire
que les E u r o p é e n s ont une certaine amitié
pour nous et voudraient nous p r o t é g e r au
besoin; non, si les F r a n ç a i s nous ont mo n t r é
une certaine amitié, c'était n i plus n i moins
pour vous exciter contre leurs ennemis,
l'empire d'Autriche ; et d'ailleurs qu'avons-
nous g a g n é à l'amitié des F r a n ç a i s ; rien !
ils ont obtenu de nous concessions sur con–
cessions et ont travaillé aux intérêts de leur
propre nation. Nous pouvons en dire autant
des Anglais qui nous ont emp l o y é contre les
Russes. S i en Crimée, les intérêts de notre
gouvernement seul avaient é t é e n g a g é s , n i
la France ni l'Angleterre n'auraient pris part
à l'affaire; l'Angleterre nous a enlevé Chypre,
et elle nous enlève maintenant notre Egypte.
En un mot quelle est l a Puissance euro–
p é e n n e dont nous avons tiré un profit? i l
est vrai qu'avec les capitaux e u r o p é e n s on a
construit des chemins de fer et des quais en
Turquie, mais quelle utilité avons-nous tiré
de tout cela; elles n'ont cherché dans tout
cela que leurs propres intérêts ; comme ré–
sultat, c'est nous qui avons subi tout le p r é –
judice et tout le mal.
Il est exact en effet que le plus sou -
Fonds A.R.A.M