vent les Puissances e u r o p é e n n e s sont
intervenues en Turquie surtout pour-
la sauvegarde ou le d é v e l o p p eme n t de
leurs i n t é r ê t s particuliers ? mais il est
vrai aussi que depuis t a n t ô t un demi-
siècle, elles ont, chacune à leur tour,
et même la Russie, — ennemie h é r é –
ditaire, mais de
r é g ime
fraternellement
autocratique — s a u v é l'empire ottoman
d'un d é m e mb r e m e n t immé d i a t . E t dans
tous les t r a i t é s qui ont suivi leurs d i –
verses interventions, elles ne man–
quaient pas de stipuler que des r é f o rme s
étaient n é c e s s a i r e s et d'indiquer au
besoin quelles r é f o rme s étaient les plus
urgentes. L e traité de Pa r i s , le traité
de San-Slefano, le traité de Berlin, la
Convention de Chyp r e , dans leurs arti–
cles et dans les protocoles qui en p r é –
c é d è r e n t la signature, comme contre–
partie du salut a p p o r t é par telle ou
telle puissance à la Turquie, conte–
naient des garanties, instituaient des
droits nouveaux pour les diverses na–
tions de l'empire de l'empire oUoman.
S i la situation de la Turquie s'esta
d ' a nn é e en a n n é e , a g g r a v é e , ce n'est
pas du fait de ces t r a i t é s ; c'est au
contraire parce que ces traités n'ont
pas été exé cu t é s et parce que, tour à
tour, chacune des Puissances signa–
taires en a é l udé ou différé l ' exé cu t i on ,
en é c h a n g e d'avantages financiers ou
autres a c c o r d é s à ses propres natio–
naux.
Une Turquie redevenue forte par
l ' é t a b l i s s eme n t d'un r é g ime de justice
et d'égalité entre les différents peuples
qui, vivant sur le même sol, ont des
i n t é r ê t s communs, aurait pu s'opposer
aux immixtions é t r a n g è r e s ; mais i l
fallait d'abord tenir les engagements
pris envers les Puissances pour ne
point les obliger à se souvenir des de–
voirs qu'elles avaient solennellement
a s s umé s à l ' éga r d des peuples sujets.
L e L i b a n où les conventions inter–
nationales entre l ' Eu r ope et l ' Emp i r e
ottoman ont été e x é c u t é e s demeure
territoire t ur c en fait et en dro i t ; la
Roumé l i e Orientale et la Cr è t e ne sont
plus que de nom vassales du Fad i s -
chach et i l en sera de m ê m e demain
de la Ma c é do i n e et de l ' Armé n i e .
Le s vrais ennemis de l ' Emp i r e turc
n'ont été et ne sont ni les i n s u r g é s
r o umé l i o t e s , ni les r é vo l t é s c r é t o i s , n i
les fédaïs a rmé n i e n s , ni les chefs des
cetas ma c é d o n i e n n e s , ni les puissances
e u r o p é e n n e s e l l e s -même s .
Il les faut chercher ailleurs, en par–
ticulier dans les Conseils de l'empire
et surtout dans la personne du souve–
rain. Mais ni Hami d ni ses conseillers
ne seraient assez forts s'ils ne pou–
vaient compter sur la comp l i c i t é d'une
partie de la population musulmane ou
c h r é t i e n n e . Ils se servent, en Armé n i e ,
des Turcs et des Ku r de s contre les
paysans du Sassoun, de Mou s h et de
De r s im; ils se servent en Ma c é do i n e
et en Tbroce des musulmans et d'une
parlie des He l l è n e s contre les paysans
de Salonique, de Monas t i r , de Kossovo
et d'Andrinople, e l de m ê m e au mo–
ment de la guerre lurco-grecque ils
surent habilement profiter contre les
He l l è n e s de la n e u t r a l i t é impo s é e par
les Puissances aux deux Etats slaves
des Balkans et trop facilement a c c e p t é e
par la Bulgarie et la Serbie.
Ma i s en fait cetle prolongation du
r é g ime hamidien n'est utile qu ' à ceux
qui en profitent directement et à un
certain nombre de pirates e u r o p é e n s et
elle hâ t e l ; i dislocation de la Turquie
qui*n-'est à d é s i r e r ni pour les peuples
de l ' Emp i r e ottoman, n i pour les peu–
ples de l ' Eu r ope occidentale.
Le salut, s'il n'est déjà trop tard, ne
peut venir que d'une entente de tous
les o p p r i mé s qui souffrent d'une com–
mune tyrannie, contre leur seul ennemi,
leur ma î t r e .
Tous ceux au contraire qui se seront
laits les complices du r é g ime hami –
dien seront e n t r a î n é s d-ans son effon–
drement certain, prochain p e u t - ê t r e et
auront co l l abo r é pour leur part à la
ruine de la Turquie.
Pierre
Q U I L L A R D .
LES COMBATS DE PASSEN
L E T T R E
O ' E R Z E R O U M
25
novembre 1903.
D u c œ u r du peuple é p r o u v é et malade,
le cri de la r é vo l t e s'est fait de nouveau
entendre ; je veux parler d u feu r é v o l u –
tionnaire a r m é n i e n , ce feu inextinguible
et violent, qu i s'alluma à Pa s s e n , » depuis
les montagnes j u s q u ' à la plaine ; ceux q u i
l'ont vu furent é p o u v a n t é s , et les v i p è r e s
qui habitaient dans leurs nids se n o u è r e n t
et s ' a g i t è r e n t , en apprenant les d é t a i l s de
l'incident sanglant.
Fédaï!
c'est là u n feu qu i tombe d u
ciel, q u i ne laisse point en repos le T u r c ,
«
P o u r l'amour de D i e u — dit en suppliant
le fonctionnaire l u r c au bey kurde hami–
dié — quand vous entendez les coups de
fusil, arrivez vite à notre secours, déli–
vrez-nous de ces ghiaours... »
J u s q u ' à l'incident de Passen, l'ennemi
pensait : « Oue peuvent nous faire ces
ghiaours, ,nos esclaves ? Oseront-ils s'éle–
ver contre les soldats de Sa Majesté' le
P a d i c h a h ? » Mais quand la lutte é c l a t a ,
les musulmans é p o u v a n t é s ne faisaient
que crier l'alarme.
Ap r è s l'incident de Passen les H am i d i é s
furent a p p e l é s aux armes, les soldats r é g u –
liers se d i s p e r s è r e n t dans les points du
centre, les H a m i d i é s furent e n v o y é s plus
loin, vers la f r o n t i è r e . P a r bande de 20 à
30
cavaliers ils circulent toute la j o u r n é e ,
a r r ê t e n t les voyageurs, el les soumettent à
l'interrogatoire. Ils s é j o u r n e n t dans les v i l –
lages a r m é n i e n s ; dans le village de Djoud-
jan, p r è s d ' U t c h - K i l i s s é , se trouvent main–
tenant 25 soldats qu i vivent aux d é p e n s
des paysans; ils sont l o g é s chez ces der–
niers, chauffés c l nourris, etc. L e nombre
des soldats au couvent de U t c h -K i l i s s é fut
d o u b l é ; i l y en avait seulement 30, aujour–
d'hui il y en a 60. Les soldats exercent une
surveillance très*sévère ; ils font rentrer les
paysans avant le coucher du soleil; ils les
soumettent, à un interrogatoire s é v è r e s'ils
ont à passer à un village vojsin. Les sol–
dats vivent dans une telle mé f i a n c e , que le
moindre bruit leur fait croire à l'arrivée
des fédaïs. Ces j ou r s derniers, un incident
arriva au couvent m ê m e d ' U t c h -K i l i s s é ;
pendant là nuit les soldais, ayant entendu
soi-disant le bruit des pas des fédaïs,
avaient c e mm e n c é à l i r e r des coups de fu–
sil, en criant : « L e voilà q u i s'enfuit, le
voilà », mais q u i donc s'enfuyait, je ne sais ;
ils ont peur de leur ombre, les malheu–
r e ux .
U n autre incident ridicule du m ê m e
genre est a r r i v é dans la circonscription
d ' E r z e r o um , aux environs du couvent de
G a r n i r - V a n k . A p r è s l'incident de Passen,
u n soldat fît partir par m é g a r d e un coup
de fusil, ce q u i donne lieu à un grand dé–
s a r r o i ; les soldats de la caserne voisine ac–
courent et tirent des coups de fusil les uns
sur les autres en criant « F é d a ï s ! » et s'en-
tretuent ; quand i l fait j ou r , un spectacle
ridicule et tragique s'offre à leurs y e u x . . .
L e nombre des victimes est de plus de
trente. . .
LETTRE OE VAN
Ku r d e s et Tu r c s sont tous o c c u p é s au–
j o u r d ' h u i des r é v o l u t i o n n a i r e s a r mé n i e n s
que fonl-ils ceux-ci et que feront-ils...?
L ' é p o u v a n t e va en augmentant partout;
tous les jours on entend parler de nou–
veaux combats des r é v o l u t i o n n a i r e s ; le
Ku r d e n'a pas de s omme i l ; le gouverne–
ment turc le console par des d é p ê c h e s
Fonds A.R.A.M