d'autres méfaits et pendant ce temps
l'évêque de Segherd engagea des pour–
parlers pour revendiquer la liberté de
Selmo. Ma i s en sa qua l i t é de malfai–
teur de xenom, g r â c e aussi à la faveur
du k a ï ma k am de Deh et à l'interven–
tion de son p è r e , Hafiz, Ch u k r i ne tarda
pas à ê t r e mis en l i be r t é . Son premier
soin fut de se rendre dans la maison de
Benefché, de la tuer à coups de sabre
et de.faire subir le même sort à Kh a t -
cho, son frère, et à Ghazen-Alo, son
p è r e ; a p r è s quoi, pour se distraire, i l
alla, le lendemain matin, mettre le feu
au moulin de Ghougas Av o y a n . I l n'a
pas été poursuivi et les a u t o r i t é s de
Deh ne le recherchent m ê m e pas.
Mais l'entente cordiale entre les au–
torités russes et les a u t o r i t é s hami–
diennes va peu t - ê t r e aboutir à des évé–
nements plus tragiques et à des tueries
plus importantes.
Une d é p ê c h e de Mo u s h (1
e r
janvier)
expédiée à
Pro Armenia
d e l à frontière
russo-persane est ainsi c o n ç u e :
Le bruit court que des troupes régu–
lières, commandées
par des officiers,
ont commencé le ^massacre des
Armé–
niens dans la plaine de Moush.
Il faut rapprocher cette d é p è c h e ,
malheureusement trop vraisemblable,
de l'information suivante, e n v o y é e de
Constantinople au
Times,
à la date du
8
janvier et reproduite sous une forme
a b r é g é e dans les journaux français
du 13 :
Selon une lettre privée
d'Erzeroum
(26
décembre) la situation est grave au
Sassoun; un millier d'Arméniens
sont
dans ce district d'où le kaïmakam
et
les autres fonctionnaires se sont enfuis.
Les Arméniens
sont commandés,
dit-
on, par le célèbre chef Autranik.
Tew-
fik Pacha, avec plusieurs bataillons et
six canons, est arrivé à Moush où règne
une grande anxiété, les habitants crai–
gnant une répétition
des événements
du
Sassoun en 1894.
Ces deux informations, de source
différente, se confirment et se c omp l è –
tent l'une l'autre et concordent parfai–
tement avec les mesures prises depuis
le printemps dernier par les tout-puis–
sants oppresseurs des A rmé n i e n s , au
sud et au nord du Caucase.
Si les grandes tueries de 1894 à 1896
se renouvellent en effet d'abord dans
la plaine de Mou s h , puis au Sassoun,
ma l g r é les difficultés d'une campagne
d'hiver, la preuve sera faite que l'en–
tente^ aujourd'hui certaine entre les
a u t o r i t é s de Transcaucasie et celles de
l ' Armé n i e turque, est une entente pour
le massacre; et de ces attentats longue–
ment p r é p a r é s contre ce qu i subsiste
du peuple a rmé n i e n , ne seront pas seuls
responsables les e x é c u t e u r s i mmé d i a t s
et les deux puissances semi-barbares
qui les auront o r g a n i s é s ; les puissances
e u r o p é e n n e s qui auraient pu , comme
l'Angleterre, parler haut à la Turquie
au nom d'engagements particuliers,
tels que la convention de Chypre, et
comme la France agir sur la Russie,
son alliée, en seront é g a l eme n t respon–
sables à titre de complices et avec elles
les autres puissances signataires du
traité de Be r l i n .
A l'infâme entente, active ou tacite,
pour le massacre de ce que l'on appelle
l'Europe civillisée, tous les o p p r i mé s
d'Orient, ceux de Ma c é d o i n e et ceux
d ' Armé n i e , auront le droit de r é p o n –
dre par une entente d'action d é s e s p é –
rée,
dussent en souffrir les i n t é r ê t s
ma t é r i e l s des nations occidentales qu i
les laissent depuis vingt-cinq ans op–
primer et é g o r g e r par le plus hideux
des despotismes.
Pierre
Q U I L L A R D .
LES COMBATS DE PASSEN
Kars, 23 septembre 1903;
Le 17 septembre, la bande passa la fron–
tière sans encombre, composée d'environ
30
hommes. A peine avait-elle fait quelques
verstes à l'intérieur, que l l e est aperçue par
des p â t r e s qui vont jusqu'à faire feu sur
elle ; mais les fédaïs ne r é p o n d e n t point et
disparaissent. Ils rencontrent une deuxième
fois d'autres pâtres mais ils leur é c h a p p e n t
de nouveau. Enfin, à 3 heures, dans la nuit,
ils traversent l'Arax.
Le chef de la bande se sépare avec 19 des
siens et s'en va à Uzvéran pour y p r é p a r e r
un refuge; les autres, sous la conduite de
Nevrouz, s'avancent lentement.
Chemin faisant, 13 hommes furent exté–
n u é s de fatigue ; ils r e s t è r e n t sur les bords
de l'Arax avec Silghoutha S é r o p , un père
qui allait combattre avec ses deux fils.
A peine le jour avait-il paru qu'une ren–
contre eut lieu. L a bande mè n e une lutte
h é r o ï q u e j u s q u ' à 10 heures du matin. L a
bande partie sous la conduite de Nevrouz,
rencontre é g a l eme n t un Turc qui passait
près d'elle ; les fédaïs l'appellent et l u i de–
mandent des renseignements. Le Turc leur
r é p o n d qu'ayant, appris que la lutte est en-=
g a g é e parmi les tribus, i l était venu pour
recueillir des nouvelles. Les fédaïs l u i atta–
chent aussitôt les mains. Le Turc les supplie
de le laisser partir et de ne point le tuer; les
fédaïs lui l'ont comprendre qu'il n'a pas
affaire à des gens mé c h a n t s , et qu'ils n'en
veulent pas à la population paisible; ils
exigent seulement de l u i de leur montrer le
chemin qui mè n e à Khnouss.
Le Turc accompagne les fédaïs et leur mon–
tre le chemin en leur faisant éviter la ren–
contre des soldats et des Kurdes. Environ vers
11
heures (jusque-là les fédaïs ne sont point
a p e r ç u s et n'ont pas eu à combattre), sou–
dain, six cavaliers Kurdes a rmé s surviennent.
Les fédaïs qui étaient sous la conduite de
Nevrouz font feu, trois des Kurdes tombent
i n a n imé s et les trois autres se sauvent en
criant au secours. L a lutte commence à
s'échauffer; 27 hommes de la bande s'en
éloignent pour aller occuper des positions
plus hautes, mais n'y trouvant pas d'eau, ils
sont obligés de redescendre et ne peuvent
plus réoccuper de bonnes positions. Dans
l'intervalle sont tués 7 fédaïs, parmi lesquels
se trouvent Tchihan, venu de Bakou. Les
autres parviennent à occuper des positions
dans la plaine et continuent à lutter jus–
qu'à la nuit a v a n c é e ; entre autres, est tué
le porte-drapeau, et quand un autre s'élance
pour défendre le drapeau, i l est frappé à
son tour; les deux camarades sont entrela–
cés sous le drapeau et restent dans cette
p o s i t i o n . . . .
Nous n'avons aucune nouvelle au sujet de
Nevrouz ainsi que de ses camarades.
Sérop, un vieillard de 60 ans, après avoir
perdu ses deux fils, se décide, coûte que
coûte, à continuer le chemin avec les fé–
daïs
«
Nous autres A rmé n i e n s turcs, dit-il,
nous nous avancerons à tout prix ; les Busses
ne nous reverront plus; nous sommes déjà
restés trop longtemps chez eux ».
Je vous ai dit plus haut, que le chef des
fantassins était parti avec 19 hommes à
Uzvéran pour y p r é p a r e r un refuge. En effet,
ils arrivent au village, mais les paysans crai–
gnant la vengeance du gouvernement, ne
veulent pas les recevoir. L a bande se, voit
obligée de traverser les montagnss de Pot–
zigh.
Quant aux cavaliers, ceux-ci continuant
leur route, arrivent sains et saufs à K o u -
ratzor et se dirigent vers les montagnes de
Potzigh pour y occuper des positions. Etant
arrivés à la montagne « Pok r i gh - Po t z i gh »
(
Petit Potzigh), ils y rencontrent leurs cama–
rades, ils s'unissent à eux et se dirigent
ensemble vers la montagne Metz Potzigh
(
Grand Potzigh). Pendant qu'ils gravissaient
cette montagne, ils sont malheureusement
aperçus par les paysans turcs et kurdes des
environs. Les Turcs crient l'alarme et b i e n t ô t
une lutte atroce s'engage. Les fédaïs com–
battent toute la nuit et le jour suivant sans
interruption et sans avoir aucune victime.
Après trois j o u r n é e s de lutte, e x t é n u é s de
fatigue, ils se décident, à tout prix, à entrer
dans un village a rmé n i e n , pour y reposer un
peu et ensuite, ou bien continuer la route ou
bien recommencer la lutte... Ils arrivent sains
!
et saufs à Kousatzor. Là, malheureusement
Fonds A.R.A.M