pour nous a s s i é g e r . Tou s les Tu r c s et lés
Ku r d e s , petits et grands, ne parlent que
de venir nous massacrer celte a n n é e et
emporter tous nos biens.
P a r suite des menaces et des o p é r a t i o n s
des Tu r c s et des Ku r d e s , nous autres nous
avons d û quitter nos villages, nos champs
et tous nos biens et nous r é f u g i e r aux
pieds des montagnes, attendant 1'allaque
d'un momen t à l'autre. No u s sommes au–
j o u r d ' h u i dans une situation i n t o l é r a b l e ;
nous n'avons pas de logis, nous manquons
des objets n é c e s s a i r e s à la vie ; pleins de
crainte et d ' é p o u v a n t e , nous allons glaner
dans nos champs, broyer u n peu de b l é et
le manger. P a r suite d û manque de nour–
riture et de v ê t e m e n t s , des maladies sévis–
sent p a rmi nous el p a rmi nos troupeaux;
les Ku r d e s c i r cu l en t toujours autour de
nos villages et cherchent la moindre occa–
sion pour nous attaquer ; la vie enfin n'est
plus tenable pour nous.
D ' a p r è s les dires des Ku r d e s , le gouver–
nement s'efforce de nous faire attaquer
par eux le plus tôt possible afin de pouvoir,
ensuite, rendre seuls responsables ces der–
niers; les Ku r d e s , de leur c ô l é , exigent
que le gouvernement agisse le p r emi e r
pour venir, ensuite, eux à son aide. To u s
les jours des chefs militaires, des colonels
h am i d i é s , etc. circulent autour de nous,
parmi les Ku r d e s , excitent ces derniers en
leur promettant aide et protection, et
m ê m e nous constatons q u ' i l leur est dis–
t r i b u é des armes, de la poudre e l des
balles.
No u s sommes u n petit peuple, i l est
vrai, mais lorsque le gouvernement et les
Ku r d e s nous attaqueront, nous lutterons
avec nos propres forces, j u s q u ' à notre
dernier soupir et nous d é f e n d r o n s nos
droits. No u s savons bien que nous ne
pourrons pas r é s i s t e r jusqu'au bout, mais
il est p r é f é r a b l e pou r nous de mettre u n
terme, une fois pou r toutes, à celte vie
atroce par une mort glorieuse, que de nous
laisser é g o r g e r comme des mou l on s ou
bien de vivre en esclaves et sans honneur
dans les mains d u gouvernement et des
Kurdes barbares.
E t si l ' a r mé e et les tribus demeurent
encore longtemps chez nous, nous autres
nous mourrons tous ou de l a famine ou d u
froid, o u bien nous serons o b l i g é s de les
attaquer directement, les invitant à la
lutte, pour mettre ainsi u n terme à ce
r é g i me actuel.
Excellence, voilà sommairement d é c r i t e
notre situation p a s s é e et actuelle; s i
Telle–
ment vous ê t e s venu pou r vous informer
des souffrances de nous autres A r m é n i e n s ,
veuillez p r é s e n t e r notre r e q u ê t e à S a Ma –
j e s t é votre R o i et à votre gouvernement
h uma i n ; et s i î é e l l e m e n t on d é s i r e nous
secourir, nous autres A r m é n i e n s , qu'on se
h â t e d ' e x é c u t e r les r é f o r me s p r omi s e s ; si
l'on ne se h â t e point, ce sera trop tard en–
s u i t e ; nous demandons au moins qu'on
oblige le gouvernement turc à nous per–
mettre de porter des a rm libserement
pour p r o t é g e r notre vie, nos biens, notre
honneur, contre ces brigands farouches.
No u s autres nous adresserons aussi nos
protestations aux r e p r é s e n t a n t s des autres
puissances e u r o p é e n n e s , quand ils vien–
dront à Mo u s h . No u s voulons e s p é r e r
qu'au n om de la c h r é t i e n t é , de l ' h uma n i t é ,
vous é c o u t e r e z nos plaintes, et vous ferez
le n é c e s s a i r e . Dans celte attente, nous
exprimons notre reconnaissance à Sa M a –
j e s t é voire R o i et à votre gouvernement
h uma i n .
igo3,
1
6
août.
S i g n é :
Les habitants des villages de C h é -
nik, K h é g h a c h e n , du district de
Sassoun, des villages de Gu é l i é -
ghduzan, Ch o u c h n ame r k , A k h -
b è s s , etc., etc.
Les Hellènes et la Turquie
U N A R T I C L E D E M . V I C T O R BÉRARD
Dans la
Revue de Paris
du 15 décembre, M . Victor
Bérard. répond au reproche que lui avait adressé
M. Kasasis recteur de l'Université d'Athènes « de
comparer Canaris, Miaoulis ou-Boizaris avec ceux qui
détruisent des établissements européens et massacrent
des grecs désarmés. » M . Kasasis niait en outre que
«
des officiers grecs eussent mis leur épée au service
de la Turquie » et que « la Grèce eut jamais conclu
une alliance avec la Turquie. »
M. Victor Bérard cite de nombreux extraits des
journanx turcs, publiés ici en leur temps el a n n o n ç a n t
qu'un millier
d'officiers
et de soldats grecs ont solli–
cité de la légation
ottomane
d'Athènes
d'être
admis
dans l'armée
impériale
pour la répression
des bandes
bulgares.
Puisqu'il l u i fut refusé de prendre la parole
à la réuniou franco-hellénique, i l s'adresse
aux
Hellènes
par l'intermédiaire de la
Revue
et leur montre, comme
il le fait depuis sept ans, « le dommage toujours gran–
dissant que causent à l'Idée, l'ignorance et l'égoïsme
des politiciens d'Athènes ». Depuis o ans, l'entente
austro-russe n'a eu qu'un but : <c étouffer les récla–
mation des macédoniens, et maintenir en Macédoine, le
bon plaisir du Sultan ». Il rappelle les mesures mili–
taires prises par la Sublime Porte : •
Vo u s savez, mieux que nous, ce que pa–
reils mots signifient : en C r è t e , chacune
de Ces « mesures militaires » élait le p r é –
lude des massacres ; qu a nd ces mesures
é t a i e n t c omp l è t e s , les bandes musulmanes,
conduites par les soldats, se jetaient sur
les quartiers c h r é t i e n s . E n Ma c é d o i n e donc,
le massacre s organise (mai 1902); i l
commence (juin) ; le vilayet de Sa l on i que ,
trop proche de l a mer et de l ' Eu r op e , est
é p a r g n é ; mais, dans les vilayels d ' Us k u b
et de Monastir, chaque b o u r g , chaque v i l –
lage voit se reproduire les s c è n e s de Candie
el de la C a n é e . Comme autrefois les c h r é –
tiens des villes Cretoises, les m a c é d o n i e n s
n ' é c h a p p e n t que par la fuite. C omme les
Cretois avaient pris le c h emi n de la G r è c e ,
les m a c é d o n i e n s de ces vilayels du no r d ,
où les Slaves soul en ma j o r i t é , prennent
le c h emi n de la Bulgarie. Cent mille réfu-
g i é s encomb r en l dè s villes bulgares. A l o r s
des bandes bulgares franchissentja fron–
tière ; d'anciens officiers bulgares viennent
aider la r é v o l u t i o n m a c é d o n i e n n e ( a o û t
1902) :
faut-il vous rappeler que l'arrivée
des Cretois eut, en G r è c e , pareille c o n s é –
quence?... Ces bandes comir.etlenl la^aute
j ' a i dit en celte
Revue
«
le c r ime peut-
ê l r e inexpiable » — de r e cou r i r à la dyna–
mite; sans j-emonter à Cana r i s , puisque
«
les idées morales ont c h a n g é », avez-vous
donc o u b l i é q u ' à Z i r o , à Ké r a t i d i , en dix
autres rencontres, les Cretois et les volon–
taires grecs ont eu recours aux m ê m e s
e ng i n s ?
L'Europe prit peur et voulu! faire quelque chose à
l'automne 1902. A ce moment, la Grèce accepte volon–
tiers le programme europ'en.
Voici une dépêche de
M. Deleass ' «jrii en prend acte. (14 octobre 1902).
(
l'est dans un esprit analogue
que le Ministre
de
Grèce à Paris est venu nous entretenir
des
préoccu–
pations qu'inspirait
à son Gouvernement
la
situafion
actuelle en Macédoine,
/.
a Grèce, d'après
M-
Delyan–
nis, comprend
qu'a l'heur." actuelle certaines
reven–
dications
risqueraient
d'être
vaines : aussi
est-elle
prête à accepter sincèrement
Se maintien
du « statu
quo » en Macédoine,
où elle compte tant de ses enfants,
pourvu que la Turquie
consente à y réaliser
effecti–
vement les réformes
sans lesquelles
l'agitation
révo–
lutionnaire
ne saurait prendre
fin.
DELCASSÉ.
Mais des négociations s'engagent; Hamid entend
avoir la « collaboration des
unis
d'Athènes aux mesu–
res militaires — on dit en français : massacres. » Pour
cela i l offre des avantages (traité de commerce et r a c –
cord de chemins de fer; faveurs à l'élément grec en
Turquie; installation du Prince Georges en Epire ou en
Macédoine.) E t pour cela, il exige, ne donnant de
son
coté que des promesses, une rétraction formelle des
paroles de M . Delyannis. Voici l'importante dépêche de
Rifaat-bey ( 1
e r
mars 1903, trois jours après la note
austro-russe) à la Sublime-Porte.
Les paroles
attribuées
à M. Delyannis
ont été ou
mal comprises par M. Delcassé,
ou bien elles ont été
dites en dehors
des instructions
du
Gouvernement
hellénique.
En effet, M. Zaïmis,
qui était à cette
épo–
que chef du Gouvernement
et ministre
des
affaires
étrangères,
m'a dit hier qu'il n'avait jamais
autorisé
M. Delyannis à faire la communication
que M. Del–
cassé lui attribue dans le
Livre Jaune.
Il a ajouté
que
la conviction
du Gouvernement
hellénique,
dès ce
moment-là,
était que les troubles dans certaines
de
nos provinces européennes
étaient
l'œuvre des
Comités
de Sofia, et nullement
l'effet d'un soulèvement
des
habitants, et que dans ce cas le Gouvernement
impérial
devait prendre des mesures militaires
pour
empêcher
l'incursion
des bandes au retour du printemps.
Le
représentant
du Gouvernement
royal ne pouvait
pas,
ajouia-t-il,
parler de ta nécessité
des réformes
que
les Rulgares mettaient en avant pour masquer le véri–
table caractère
de leurs
menées.
Rifaat-bey, à la fin de cette d é p ê c h e ,
concluait : « Ce c i est une preuve nouvelle
Fonds A.R.A.M