tendre et non de prendre part à leurs
dissentiments touchant la discipline
intérieure de leurs divers partis. Nous
les remercions du fond du cœu r et
souhaitons que l'accord se fasse entre
eux sur tous les points comme sur
celui-là.
LA
RÉDACTION.
La russification des Arméniens
AU CAUCASE
(
Suite et fin.)
Le rapport du prince Galitzine
Un autre danger, selon le rapport du
prince Galitzine, provenait de l'exis–
tence d'une presse a rmén i enne . En
effet, à l'époque de Vorontzoff et du
grand-duc Michel Nicolaïevitch, alors
que la langue russe était à peu pr ès
inconnue dans le pays nouvellement
conquis, i l fallait bien encourager les
langues et les littératures indigènes.
Quand vint la période de réaction,
la presse aussitôt fut inquiétée et me–
nacée ; et dès 1896 le président du
comité de la censure au Caucase écri–
vait : « Les Arméniens et les Géorgiens
connaissent assez le russe ; par consé–
quent ils n'ont pas besoin de publier
de journaux et de livres en leurs lan–
gues; qu'ils lisenttout en russe. » Mais
les statistiques établissent que 3 à 4 0/0
seulement de la population indigène
parlait le russe. On ajourna donc la
réalisation du projet gouvernemental.
L'organe
spécial du catholicos
d'Etchminazin,
YArarat,
publié autre–
fois sous la responsabilité personnelle
et exclusive du Patriarche, fut désor–
mais soumis à la censure préalable
des autorités de Tiflis, parce qu'il était
opposé au transfert des écoles et « ne
travaillait pas comme i l avait été pro–
mis au rapprochement entre Arméniens
et Russes. »
Tous les imp r imé s édités et publiés
par des Arméniens, même en langue
russe, paraissaient dangereux au prince
Galitzine. Il demandait la permission
d'appliquer un système spécial de
censure à tous les périodiques et jour–
naux a rmén i ens , en quelque langue
qu'ils fussent publiés, sous sa surveil–
lance personnelle. Les éditeurs seraient
obligés de se conformera unprogramme
russe défini, rédigé à leur intention
spéciale dans les bureaux du gouver–
neur général.
Les sociétés de bienfaisance étaient
également visées dans le rapport. Déjà,
en 1894, un ordre venu de Pétersbourg
demandait qu'un rapport détaillé fût
fait sur la situation de ces sociétés et
indiquât j usqu ' à quel point elles
étaient indispensables ou utiles. L'en–
quête fut par hasard confiée alors à un
fonctionnaire consciencieux qui cons–
tata que ces sociétés étaient peu nom–
breuses, qu'elles avaient toujours ob–
servé rigoureusement leurs statuts et
ne s'étaient point écartées de leur
objet, savoir donner du pain aux pau–
vres, soutenir matériellement et mora–
lement quelques étudiants nécessiteux,
entretenir quelques écoles. Elles étaient
d'ailleurs placées sous la surveillance
du gouvernement, avec un contrôle
officiel sur leurs comptes et leurs opé –
rations. Le fonctionnaire chargé de
l'enquête de 1894 concluait ainsi :
J'ai étudié minutieusement la longue
activité de ces sociétés ; et non seulement
je n'y ai rien trouvé d'illégal ni de dan–
gereux, mais encore je me suis convaincu
que c'étaient des institutions sympathi–
ques et utiles. Il serait fort injuste de
prétendre que leur nombre est démesuré.
Il y a au Caucase un million et demi d'Ar–
méniens, et pour cette population consi–
dérable, seulement quatre sociétés spé–
ciales, dont une seule a des sections en
province.
Le prince Galitzine, au contraire,
les accuse de prendre part au mouve–
ment séparatiste inauguré depuis quel–
ques années par les classes intelli–
gentes et « sous l'influence duquel le
directeur du gymnase classique d ' Er i -
van a été insulté par un Arménien ».
Selon l u i , des informations secrètes
prouvent que de nombreux partisans
de l'agitation séparatiste sont aussi
membres de ces sociétés. Il ajoute :
Ces sociétés arméniennes de bienfai–
sance s'occupent plutôt de politique que
de bienfaisance. Ainsi la société cauca–
sienne de bienfaisance, qui a son centre
d'action à Tiflis, a pour but de répandre
l'instruction parmi les Arméniens du
Caucase et de les soutenir matériellement.
Mais cette instruction est comprise dans
un sens étroit, patriotique. La société dé–
pense son argent pour l'éducation de
jeunes Arméniens à l'étranger, ce qui est
complètement opposé aux principes cons–
titutifs de l'Empire Russe. Je pense que
ces sociétés n'inspirent pas de confiance
et je propose à l'empereur de les suppri–
mer.
Le rapport contenait en outre des
considérations d'où toute pitié était
absente à l'égard des réfugiés a rmé –
niens
—
40,000
malheureux — qui
avaient passé la frontière à l'époque
des massacres. Il les accusait d'entre–
tenir l'agitation révolutionnaire et
«
d'être un obstacle au rétablissement
complet de l'ordre en Turquie ». E n
outre, ils essayaient d'acquérir des
propriétés ou de devenir russes par
des mariages mixtes. Ainsi s'aggrave–
rait encore le danger a rmén i en déjà
si grand dans les villes. N'était-ce pas
déjà un scandale que dans une ville
comme Tiflis, sur 79 conseillers mu–
nicipaux, i l y eût 56 Arméniens, soit
une proportion de 70 0/0, alors que
leur nombre n'est que de 40 0/0 de la
population totale?
En résumé, le rapport insistait par–
ticulièrement sur trois points : les
écoles, les sociétés de bienfaisance, la
presse. I l faut indiquer maintenant
comment i l fut mis en œuvr e .
ÉCOLES
Pour les écoles, l'œuvre destructive
était déjà à peu près accomplie. Trois
cent cinquante déjà étaient fermées ;
les trente et une demeurées ouvertes
subirent le même sort, ainsi que le
faisait prévoir le rapport.
SOCIÉTÉS D E B I E N F A I S A N C E E T
B I BL I OTHÈQUE S
L'enquête de 1894 constatait l'exis–
tence de quatre sociétés de bienfai–
sance : 1° L a société a rmén i enne ph i –
lanthropique de Bakou, fondée en
1863 ; 2
° la société a rmén i enne de pu–
blication des livres à Tiflis ; 3° la société
des Arméniens à Tiflis; 4° la société
a rmén i enne de bienfaisance du Cau–
case qui avait obtenu depuis sa fonda–
tion sous Alexandre II le droit de for–
mer des sections dans les villes de pro–
vince et qui en avait usé à Erivan,
Fonds A.R.A.M