Ces r é v é l a t i o n s ne jettent pas un j o u r t r è s
favorable sur les me n é e s s e c r è t e s de la
Russie et de l'Autriche dans les pays bal–
kaniques. Au s s i We i sma n n a-t-il été d é –
s a v o u é : l'agent d i p l oma t i que ruse, à So–
fia, a d é c l a r é que les intrigues du chef de
la police dans les Ba l k a n s é t a i e n t incon–
nues du gouvernement i mp é r i a l et que
We i s ma n n avait o u t r e p a s s é ses i n s t r u c –
tions.
Ta nd i s que la Bu l g a r i e expulse ainsi un
fonctionnaire de la nation l i b é r a t r i c e , la
R é p u b l i q u e française va peut ê t r e accueil–
lir à nouveau sur son territoire u n nou -
table mou c h a r d hami d i en : M . N i c o l a ï d è s
annonce dans
VOrient,
q u ' a p r è s vingt-six
mois d'exil, i l a quelque espoir de revenir
en France : c'est, fait-il dire, « sa se–
conde pairie ». Une pétition a d r e s s é e par
lui à la Ch amb r e des d é p u t é s a é t é ren–
v o y é e par la s e p t i ème Comm i s s i o n au m i –
n i s t è r e de l ' i n t é r i e u r . Le p r é s i d e n t du
Conseil n'a sans doute pas le temps d'exa–
miner personnellement toutes les affaires :
.
i l ne faudrait pas, cependant, qu'en cette
occasion, i l se laissât surprendre une s i –
gnature, soit à la suite d'une e n q u ê t e de
M . L é p i n e , de qu i le sultan est « l'ami et
l'allié », soit par des personnes de son
«
entourage », qu i voudraient t é mo i g n e r
à H a m i d quelque reconnaissance pour les
d é c o r a t i o n s a c c e p t é e s ou sollicitées de
lui.
LA NOUVE L L E SODOME.
Peste noire,
tremblement de terre, massacre, interven–
tion des puissances e u r o p é e n n e s , mort du
Sultan, fou, t o r t u r é d'abord par ses an–
ciens sujets et de q u i un boucher a r m é n i e n
jette aux chiens la t ê t e e x é c r a b l e , ainsi se
termine, dans une orgie de sang et de feu,
a p o t h é o s e d'un Ka r a g u e u z tragique, le
nouveau roman de M . E dmo n d Fazy sur
Constantinople, la nouvelle Sodome.
(
Un
volume in-12, chez Aubert el C
ie
, 25,
rue
Lauriston).
L ' a u t e u r a longtemps v é c u à Con s t a n t i –
nople; i l a beaucoup vu et beaucoup
retenu. On aimera surtout à retrouver
dans son œ u v r e le souvenir fidèle des
s c è n e s auxquelles i l a a s s i s t é , des mons–
trueux massacres q u i e x c è d e n t en horreur
les pires imaginations de d é m e n c e san–
glante; on y verra, à peine moins hideux
que nature, le portrait t r a c é au vrai de
S. M . I. Ab d - u l - H am i d et les figures g r i –
m a ç a n t e s de toute la racaille cosmopolite
q u i grouille à P é r a , à S t amb o u l , à Ga l a l a ,
à Y l d i z , des bouges à matelots, aux bou –
doirs, des financiers et mille chambres du
palais. Il est à peine à regretter la catas–
trophe finale soit dans le futur et que
S. M . I. Ab d - u l - Ham i d soit encore p r o v i –
soirement capable de nuire. « L e monstre
des monstres a c r e v é », é c r i t M . E dmo n d
F a z y ; parole p r é m a t u r é e , mais de bon au
gure, encore q u ' i l suffise de rendre la
Bê l e inofl'ensive, en la muselant ou en
l'encageant.
CONDAMNATIONS ET DÉCORATIONS.
On
lit dans les j ou r n a ux turcs :
Lés n ommé s A l i F u a d , ex-attaché à la
comptabilité, et Fuad, ex-kiatib au bureau
des consulats au ministère des affaires é t r a n –
gères, accusés de s'être sauvés à l'étranger
et d'avoir fait des publications subversives,
n'ayant pu être arrêtés, un délai de 10 jours
leur a été accordé pour se p r é s e n t e r à la
cour criminelle pour y être jugés. Passé ce
délai, ils seront c o n d amn é s par contumace,
déchus de leurs droits civiques et leurs biens
seront confisqués.
On lit dans les m ê m e s journaux :
Garabet. effendi Utudjian, propriétaire du
journal a rmé n i e n
Massis
et père du D
1
'
Mas-
sis, a été décoré de la 3e classe du
Med–
jidié.
Le R. P. Tatoiil, vicaire du métropolitain
arménien de Panderma et Balil^esser, a été
décoré de la 3« classe du
Medjidié.
E p h r ème effendi Papazian, secrétaire au
patriarcat a rmé n i e n , a été décoré de la
4
e
classe du
Medjidié.
L a place nous fait d é f a u t pour donner
ici la longue liste de promotion et d é c o –
rations a c c o r d é e s par le sultan à la com–
m u n a u t é h e l l é n i q u e « sur la proposition
du patriarche œ c u m é n i q u e . » Tandis que
des personnages de moindre importance
r e ç o i v e n t la 4
e
classe de l ' O sma n i é , deux
mé t r o p o l i t e s et un v i c e - am i r a l
sont
d é c o r é s de grands cordons et Ya n c o - b e y -
Johannidis, frère d ' A r t ém i s e C r i s t i c h et
oncle ainsi du fils a d u l t é r i n du r o i M i l a n ,
est p r omu au r a ng de bala. L e s j o u r n a u x
grecs de Constantinople enregistrent avec
joie cette p r omo t i on . Ils ajoutent :
Une d é p u t a t i o n , c omp o s é e de S. G . Mg r
Alexandros, métropolitain de Néo-Césarée,
du vice-amiral Di'Cosma pachaetd'Alexandre
bey Siniosoglou, membres du Conseil mixte
du patriarcat œc umé n i q u e , s'est rendue,
hier, au palais impérial. Elle a déposé, par
l'entremise de S. E . Tahsin pacha, premier
secrétaire de S. M . 1. le Sultan, au pied du
trône, l'expression des sentiments de recon–
naissance de la c ommu n a u t é grecque pour
toutes les bienveillances Imp é r i a l e s dont
elle est sans cesse l'objet.
P . Q .
_
A P P E L
A U X
Philarmènes d ' E u r o p e e t a u x l e c t e u r s d e " P r o A r m e n i a "
Bitlis,
2
octobre
igo3.
«
Nous ne connaissions pas », ont déclaré
nos amis d'Europe après les massacres d'Ar–
ménie, « nous ne connaissions pas la situa–
tion réelle des Armé n i e n s , la grandeur de
î leur misère ; la Grande Bête avait déjà achevé
son œu v r e quand nous fûmes bien rensei–
gnés et mis au courant. »
Aujourd'hui, ils ne peuvent plus faire en–
tendre à nos oreilles le même refrain. Non
seulement nos amis, mais l'Europe entière,
tout l'univers connaissent trop bien notre
situation ; et les crimes abominables, les
viols et les e n l è v eme n t s navrants produisent
à peine une lueur de colère.
Ils ont trop entendu et trop lu tout ce qui
concerne la barbarie turque, et les crimes
commis si librement et si i mp u n éme n t dans
toute l'Arménie sont tellement identiques
qu'ils ne sont plus considérés comme des
nouveautés. Tout homme de cœur, qui est
plus ou moins civilisé, ne tolérerait pas ces
sauvageries inouïes, ces férocités effrénées,
ces vexations sans fin, cette impudence
cynique que le gouvernement turc commet
s y s t éma t i q u eme n t dans toute l'Arménie.
C'était dans cette conviction que depuis le
Congrès de Berlin nous nous sommes
adressés maintes fois à l'Europe. Nous au–
tres, nous pensions, et à juste titre, que
c'était le devoir de la civilisation de mettre
un terme aux souffrances d'une nation si
éprouvée. Nous avons considéré les puis–
sances e u r o p é e n n e s comme les représen–
tants de la civilisation ; aussi nous sommes-
nous adressés à elles chaque fois que nos
souffrances ont pris un caractère funeste.
Nous avons été t r omp é s . L'Europe officielle
n'était en réalité qu'un syndicat d'égoïstes,
laquelle fit servir notre cause à ses intérêts.
Chaque fois qu'il a fallu ôter les marrons
des intérêts e u r o p é e n s de la fournaise tur–
que, l'Europe officielle parla pour nous; et
ce fut tout.
Mais nous autres, nous ne fûmes pas dé–
s e s p é r é s ; nous p e n s âme s qu ' à côté de l'Eu–
rope officielle pétrie d'instincts sauvages
d'égoïsme, se trouveraient peut-être des
hommes désintéressés et de cœu r . Un peu
d'effort de notre part, et déjà autour de
nous vinrent se réunir, des Eu r o p é e n s no–
bles et désintéressés, qui veulent faire quel–
que chose pour adoucir un peu notre situa–
tion intolérable. Mais, d'après les renseigne–
ments pris journellement, nous comprenons
que malgré les bons sentiments que nos
amis influents d'Europe nourrissent envers
nous, nous comprenons, dis-je, qu'ils n'ont
pas encore choisi le moyen le plus court —
le champ de lutte — qui mène droit au but.
Au mois de juillet dernier, le Congrès des
Philarmènes, tenu à Bruxelles, n'a pas fait
ou n'a pas voulu faire ce que nous pouvions
espérer ; et puisqu'il y aura bientôt le
deuxième grand Co n g r è s , qu'il me soit per–
mis de vous faire part des sentiments que
nous autres nous nourrissons en A rmé n i e ,
et de bien faire c o n n a î t r e à nos amis l'idée
dont nous sommes imbus.
(
A suivre.)
Le Secrétaire-Gérant
:
J E AN LONGUET
L'Émnneipatrice
(
Imprimerie), Rue de P o n d i c h é r y , 3, Paris.
E d . G A U T H I E R ,
Administrateur-délégué.
Fonds A.R.A.M