des <' vivats » retentirent en m ê m e temps.
L e s policiers i n l e r v i n r en t et voulurent
imposer silence ; mais ils sont a r r ê t é s par
la foule et r o u é s de coups ; une g r ê l e de
pierres tombe partout et
des
coups de
revolver sont tirés sur les policiers. Le s
cavaliers interviennent et foulent aux pieds
les hommes et les fouettent. Les kozaks,
unis aux soldats, rouent de coups ceux q u i
leur tombent entre les mains. Le s soldats
tirent des coups de feu. Un enfant est t u é ,
u n ouvrier fut g r i è v e m e n t b l e s s é ; i l y eut
de nomb r eux b l e s s é s . L e p r ê t r e D e r - A r a -
radian fut a r r ê t é avec trois autres A r m é –
niens. Une fois la foule d i s p e r s é e , on ferma
à clé la porte de l'église qu'on confia à la
surveillance des gardes.
Le lendemain on vint inscrire les biens
de l'école Nersessian.
P. S.
A u moment de mettre sous
presse, nous apprenons que l a censure du
Caucase vient de suspendre pou r deux
mois la pub l i c a t i on du
Ushak
(
en a r m é –
nien) et du
Novoyé Obozrénié
(
en russe) et
d'interdire pou r deux mois au
Tiflisky
hislok
de parler des affaires i n t é r i e u r e s .
ARGISTÈS.
Dans le Sud-Est
A VALENCE
Pou r s u i v a n t l a propagande q u ' i l a entre–
prise dans le Su d - E s t en faveur des v i c t i –
mes du sultan A b d u l - H a m i d le docteur
Lortet, doyen de la F a c u l t é de mé d e c i n e
de L y o n , est allé, le 21 novembre, p a r l e r a
Valence.
Il avait é t é a p p e l é dans cette ville par u n
groupe dont les é l éme n t s venaient de tous
les points de l'Horizon politique et ce fut
devant un auditoire de 1500 personnes
environ q u ' i l fut p r é s e n t é par M . Chalamet.
maire de Valence, dont les idées l i b é r a l e s
et g é n é r e u s e s sont justement connues.
M . Lortet, entrant de suite dans son
sujet, a r e t r a c é une à une les a t r o c i t é s
dont i l a é t é le t émo i n ocu l a i r e . Il l'a fait
avec la plus grande s i mp l i c i t é paraissant
avoir, avant tout, le souci de la v é r i t é .
Ses paroles n'en ont é t é que plus saisis–
santes et l'impression produite sur l'audi–
toire a p a r u d'autant plus profonde et
poignante.
Il a r a p p e l é qu'arrivant à Constantinople
quatre j ou r s a p r è s les grands massacres i l
avait entendu de l a bouche du r e p r é s e n t a n t
de l a F r a n c e les plus é p o u v a n t a b l e s r é c i t s .
D'une fenêtre de l'ambassade celui-ci avait
c omp t é plusieurs centaines de charrettes
q u i passaient : elles é t a i e n t c h a r g é e s de
cadavres, un grand nombre de victimes
ainsi t r a n s p o r t é e s vivait encore ; tous ces
corps e n t a s s é s furent, p ê l e -mê l e , « comme
des pommes de terre », j e t é s soit dans la
mer de Ma rma r a , soit dans des fosses. Le s
s œ u r s de l ' h ô p i t a l f r a n ç a i s furent assez
heureuses pour arracher à ce charnier une
cinquantaine de ces pauvres gens ; elles
les recueillirent, les s o i g n è r e n t et parvin–
rent à les faire é c h a p p e r à la mort.
M . Lortet a visité ces b l e s s é s et s u r le
corps d'un enfant de 12 ans i l a c omp t é
l u i - même 34 coups de sabre.
L e c o n f é r e n c i e r continue cette longue
é n um é r a t i o n au mi l i e u d'un silence pro–
fond : i l a visité des villages d'Asie M i –
neure o ù , quelques a n n é e s auparavant, i l
avait c a m p é et q u i é t a i e n t alors aussi
riants el aussi pittoresques que les v i l l a –
ges de la Suisse : ils é t a i e n t devenus des
ruines fumantes; pas u n mu r ne restait
debout ; les cadavres empestaient de loin
que les chiens sauvages et les corbeaux se
disputaient ; i l y avait là des vieillards
p e r c é s à coup de b a ï o n n e t t e s comme des
passoires, des femmes horriblement mu t i –
lées, certaines, enceintes, le venlre ouve r t ;
sur des dalles ou contre les murs des
corps pantelants d'enfants, qu'en saisissant
par les pieds on avait fait tournoyer com–
me des frondes et é c r a s é s .
M . Lortet a é l é longuement applaudi
quand i l a d é m o n t r é l'incurie criminelle des
gouvernements d'alors el les c omp l i c i t é s
de M . Hanotaux que le sultan chamarrait
de d é c o r a t i o n s . Il rappelle que M . Camb o n
avait tout a n n o n c é , tout p r é v u , et qu'il
avait r e ç u l'ordre de se tenir tranquille ;
que l u i - même , revenant de mission, avait
été, à son retour en France, e m p ê c h é de
parler. A h ! puisse un coup de canon,
comme à Na v a r i n , ê t r e parti tout seul !
A l'endroit de M . De l c a s s é , M Lortet se
montre t r è s optimiste. I l est p e r s u a d é que
notre ministre ne v o u d r a pas marcher
dans l ' o r n i è r e o ù son pitoyable p r é d é c e s –
seur a s o m b r é ; mais la c omp l i c a t i on et la
c omp l e x i t é des fameuses combinaisons
dans lesquelles nos grands diplomates
d'Europe s'engeignent e u x - m ê m e s rendent
souvent leurs actes difficiles et stériles
leurs meilleures intentions.
C'est pou r quo i le mouvement d'opinion
pub l i qu e q u i se dessine peut grandement
seconder la bonne v o l o n t é d u minisire. Il
appartient aux peuples de d é c i d e r les
gouvernements à agir.
E n levant la s é a n c e , le maire de Valence
remercie chaudement l'orateur e l l u i serre
la ma i n avec émo t i o n ; i l l'assure que tous
les esprits l i b é r a u x sont avec l u i e l que la
manifestation actuelle ne sera pas sans len–
demain. C'est d'ailleurs au mi l i e u d'un v é –
ritable enthousiasme q u ' i l propose l'envoi
au ministre de l'ordre du j o u r suivant :
A la suite d'une conférence de M. le doc–
teur Lortet, doyen de la Faculté de médecine
de Lyon, et présidée par M. Chalamet,
maire de Valence, 1000 citoyens valentinois
flétrissent le sultan Abd-ul-Hamid et adju–
rent le ministre des affaires étrangères de
prendre l'initiative d'une proposition d'in–
tervention des puissances pour faire cesser
les massacres d'Arménie et de Macédoine.
A
VAISE
Le 19 novembre avait eu lieu au Cercle
populaire e l c o o p é r a t i f de Vaise une c on –
férence sur les massacres d ' A r mé n i e .
L'ordre du j o u r suivant a é l é volé à
l ' u n a n i m i t é :
Les membres du Cercle populaire et coo–
pératif de Vaine, au nombre de 300, après
avoir entendu une conférence de M. Paul
Valayer sur les massaci^es d'Arménie : Re–
mercient avec émotion le conférencier du
récit poignant qu'il leur a fait des atrocités
commises ;
Félicitent le Comité pro-arménien
de
sa courageuse initiative en faveur des op–
primés du sultan rouge ;
Envoient à lelirs frères persécutés l'ex–
pression de leur sgmpalhie agissante, el
émettent le vœu cpie la conscience des
masses populaires, soulevée de
dégoût,
saura contraindre enfin les gouvervements
européens à mettre un terme aux horreurs
qui sont la plus grande honte des temps
modernes.
— •
Nouvelles d'Orient
E N MACÉDOINE.
T a n d i s que les diplo–
mates des deux puissances
c h a r g é e s
«
d'agir » en Ma c é d o i n e se congratulent et
r e ç o i v e n t les félicitations de quelques-uns
de leurs c o l l è g u e s d ' Eu r ope , toutes les i n –
formations venues du pays m ê m e indi–
quent bien que ni l'Autriche n i la Russie
n'ont rien fait pour assurer l a s é c u r i t é des
personnes et des biens et que les scribes
d ' Y l d i z mentent officiellement, selon leur
coutume, quand ils parlent dans leur note
responsive des r é f o r me s e x é c u t é e s confor–
m é m e n t « au p r og r amme de l'an dernier. »
Le
Balkan Committee
fait savoir, q u ' à la
fin d'octobre, les survivants du village
b r û l é d ' Arme n s k o o n l eu à subir les vio–
lences d'une soixantaine d'Ilahvehs qu i
leur e n l e v è r e n t leurs d e r n i è r e s ressources.
A Co uml a d a , une bande de soldats a pillé
et b r û l é toutes les maisons. D i x ma l heu –
reux, q u i s ' é t a i e n t fiés aux promesses
turques et s'étaient rendus aux troupes
turques, ont été suivis et lues par des
b a c h i bou z ouk s .
L e correspondant du
Times
qu i vient de
visiter les districts de Resna, d ' Okh r i d a
de K o r i l z a , de K l i s u r a e l de Kastoria a
t r o u v é l a plupart des villages b r û l é s et d é -
Fonds A.R.A.M