cière et tyrannique qui déprime et asservit depuis de longs siècles les
volontés, je me demande à certain moment comment les Arméniens et
Macédoniens ont pu conserver tant de hauteur et de grandeur d'âme,
tant d'héroïsme devant de telles calamités.
Cette manifestation unique d'aujourd'hui est la meilleure réfutation
de ces arguments dont la férocité n'égale que l'absurdité. Elle est la pre–
mière manifestation internationale parce que vous n'êtes pas, messieurs,
les représentents de la diplomatie. Votre mandat est plus haut. Vous êtes
ici l'opinion publique qui s'est enfin soulevée dans les pays civilisés, et
saura faire entendre sa voix aux gouvernements qui hésitent. Cette opi–
nion publique, jusqu'ici, n'avait pu parvenir auprès de ceux qui gèrent
les affaires internationales. Aujourd'hui, par le groupe parlementaire
d'arbitrage elle se fera entendre dans les régions inaccessibles, dans le
passé. J'espère que cette voix sera bien puissante, et c'est ce qui me
donne l'espérance.
En terminant, messieurs, renouvelons le vœu de nous retrouver, non
plus dans des circonstances aussi cruelles pour défendre contre l'exter–
mination les opprimés d'Arménie et de Macédoine, mais pour fêter les
premiers résultats de l'effort que vous avez donné, et je le repète, si je
n'ai pas à vous remercier de ce que vous avez fait, je voudrais vous
exprimer tout ce que mon cœur ressent d'émotion, de sympathie et
d'admiration pour votre dévouement à la cause de ces régions unies
dans la douleur et l'oppression : l'Arménie et Macédoine.
M. SEMENOF F
MESDAMES, MESSIEURS,
Lorsque tout à l'heure on a voulu me donner la parole, j'ai refusé
parce que je n'ai pas voulu parler de choses tristes à ce banquet; je n'ai
pas voulu parler de tous ceux qui sont l'objet de la sollicitude de mon
gouvernement, de tous ceux qu'il opprime sans merci.
Je vois à côté de moi le D
1
'
Loris Mélikoff que je connais depuis
vingt ans et avec qui dès ce temps nous étions en communion d'idée.
Tous ici sont des ouvriers, dans la mesure de leurs forces et de
leurs moyens, de cette cause qui a eu une si belle journée. Je commen–
cerai par notre éminent ami, l'écrivain Pierre Quillard, qui certaine–
ment par tout ce qu'il fait depuis plusieurs années m'apparaît comme
un des ouvriers de la grande cause d'humanité, parce qu'en défendant
les Arméniens il a attiré l'attention de tous ceux qui pensent, qui ont du
cœur, sur des choses qui doivent intéresser l'humanité et provoquer la
solidarité humaine. 11 reste pour nous un grand ouvrier de cette
grande cause.
Après Pierre Quillard, je dirai un mot de M . le baron d'Estournelles
de Constant qui sait tout ce qui se passe dans cet immense empire du
Sultan Rouge; c'est à cause des grands travaux du baron d'Estournelles
que je viens le remercier de ce que je sais, ce qui se passe en Orient. Je
remercie le baron d'Estournelles qui a montré un courage civique
extraordinaire, non seulement pour un ex-diplomate, mais pour un
homme politique, un député, et malgré toutes les railleries et tous les
articles souvent injustes de la presse, il a accompli une œuvre qui est
bien son œuvre. L'entente est un fait énorme qui restera, ce sera un fait
de propagande, et lorsque dans l'avenir on parlera du rapprochement
des peuples, on ne pourra pas passer sous silence son activité qu'il a
développée avec un courage admirable dans ces dernières années.
Qu'il me soit permis de parler de mon voisin, Louis Dumur, qui
dirige le journal
l'Européen,
qui sert la cause de l'humanité parce
qu'il sert la cause de toutes les nations qui souffrent. Je lève mon
verre en l'bonneur de tous les ouvriers dont je viens de parler, et de
vous tous, mesdames et messieurs.
M. PIERRE QUI LLARD
MESDAMES, MESSIEURS,
Ce n'est point par un artifice de parole que je vous dirai que je ne
pensais pas du tout parler ce soir ici ; mais mon ami Sémériof vient de
m'y obliger et de me forcer aussi à quelques réflexions. Ce n'est pas par
hasard que Victor Bérard, qui vient de quitter cette salle, et mon humble
personne nous sommes préoccupés les premiers en France des choses
arméniennes et macédoniennes. C'est parce que nous avons connu sur
place le long martyre de ces populations que nous nous sommes inté–
ressés à elles et, en racontant ce que nous avons vu, nous n'avons fait
que notre devoir, nous avons dit la vérité. Nous étions ce qu'on appelle
en France des intellectuels, et ce n'est pas par hasard non plus que nous
nous sommes remontrés avec un intellectuel encore, infiniment plus
illustre, qui nous avait montré le chemin ; on l'a nommé déjà tout à
l'heure :
Ab Jove principium
(
on peut bien parler latin à la fin des ban–
quets),
Ab Jove principium, Jovis omnia plena:
je veux dire M . Evans.
Donc, si vous le permettez, je porterai un toast aux intellectuels comme
lui, auxquels j'unirai les diplomates qui ont mal tourné, j'en connais
deux ici.
(
Applaudissements.)
M.
A. ULAR
11
me.semble que, comme on l'a dit tout à l'heure, l'accueil enthou–
siaste de la population de Paris, fait à ceux qui s'occupent d'alléger le
fardeau qui pèse sur les malheureuses populations d'Arménie et de
Macédoine soit réconfortant. M . Clemenceau vient de me dire que bien
qu'empêché de venir ici, il est très heureux de voir qu'enfin l'entente
qui était souvent l'attente donne un espoir sérieux; mais il m'a dit en
même temps, non sans ironie, qu'il croit plus utile de prononcer les
bonnes paroles dans la presse que dans des banquets; il semble abso–
lument convaincu que la bonne parole répandue à profusion par la
presse aux quatre coins du monde porté plus encore que tous les conci–
liabules. Représentant ici
l'Aurore,
c'est dans ce sens que je bois à la
presse, non pas à la presse qui se fait l'agent servile des instincts plus
ou moins désabusés, mais à celle qui fait germer les idées de fraternité
et de générosité internationales.
(
Applaudissements.)
m.
MAZZINI
MESDAMES, MESSIEURS,
L'éloge des ouvriers de la première et de la dernière heure a été fait
il ne reste qu'une chose à faire, à persévérer dans notre œuvre. Cepen–
dant nous avons commis je crois un oubli et vous me permettrez de le
réparer en deux mots. Dans la vie nous poursuivons un idéal et
c'est un idéal qui nous a rassemblés ici ; c'est à cet idéal de liberté
et de justice que je bois. Mais il y a quelque chose qui nous aide à
poursuivre cet idéal, c'est quelqu'un que nous avons oublié aussi, c'est
la femme, c'est la mère de nos enfants, c'est la mère de ceux qui seront
demain les sacrifiés; permettez-moi de boire aux femmes arméniennes
et macédoniennes, qui dans la lutte contre la tyrannie sont les victimes
des massacres contre lesquels nous venons protester. Je bois à la santé,
à l'avenir et la prospérité des femmes macédoniennes.
J'ai un mot à ajouter. Vous avez vu quel entraînement, quel enthou–
siasme vous a suivis en faveur de la Macédoine et de l'Arménie, aussi il
me semble que deux absents d'aujourd'hui ne doivent pas être oubliés.
Je bois à la santé d'Ernest Moneta, à tous ces collaborateurs dévoués, à
tous les intellectuels italiens, aux socialistes et républicains italiens qui
ont travaillé et travailleront avec vous; je bois à la libre Arménie et à la
libre Macédoine.
(
Applaudissements).
L E PRINCE DE BRANCOVAN
MESDAMES, MESSIEURS,
Je tiens à vous dire combien j'ai été heureux d'assister à la conférence
de ce matin ; la réunion qui a eu lieu cet après-midi a eu un succès si
considérable que je tiens à vous remercier de m'avoir permis de prendre
part à cette conférence et à cette réunion. J'exprime l'espoir que le rap–
prochement franco-anglo-italien qui, par la réunion d'aujourd'hui, a
pris une cohésion encore plus grande, arrivera d'ici peu, même en
Orient, à donner des résultats sérieux. Ce jour-là, je crois pouvoir vous
affirmer que, dans mon pays et dans les pays valaques de Macédoine,
un grand mouvement sera prêt à naître, et dès à présent, je vous assure
que je ferai tous mes efforts pour mettre au courant toutes les personnes
de bonne volonté qui sont dans mon pays, et alors une protestation
auprès des puissances libérales d'Occident ne manquera certainement pas
de se propager et d'obtenir de grandes sympathies.
(
Applaudissements.)
M. LORAND
MESDAMES, MESSIEURS,
Permettez-moi de porter le toast de l'honorable M . de Pressensé qui,
depuis ce matin a été sans cesse sur la brèche, qui nous a fait un véri–
table cours de politique orientale avec cette clarté d'érudition qui rend
tous ses discours à la fois instructifs et réellement admirables, et qui, je
suis heureux de le constater, joue un rôle de plus en plus considérable
dans la politique de son pays. Je suis certain d'être votre interprète et
d'exprimer votre sentiment unanime, à vous tous amis et admirateurs
de la France, en adressant à M . , de Pressensé les remerciements que
nous lui devons pour les services qu'il a déjà rendus à cette grande
cause pour ce que nous attendons de son activité inlassable dans l'avenir.
(
Applaudissements.)
Le Secrétaire-Gérant
:
JEAN LONGUET.
L'Émancipatrice
(
Imp.), rue de Pondichéry, 3, Paris. — E d . G A U T H I E R ,
Ad.-délégué.
(
Syndiqués
en Commandite
généralisée.)
Fonds A.R.A.M