mette en doute les bienfaits que la coopération des hommes de pays
différents peut produire ; s'il est possible de nier qu'il est bon qu'un
Français rencontre un Anglais de cette sorte et lui parle, et que cet
Anglais influe sur ce Français et que ce Français, peut-être, à son tour,
influe sur cet Anglais. De m.me, pour un Russe, un Allemand; car, ne
nous égarons pas; nous ne faisons ici de manifestation contre personne
(
applaudissements)
si ce n'est contre le Sultan et contre les gouverne–
ments qui s'obstineraient à rester indifférents devant ses crimes !
(
Applaudissements.)
Je vais vous donner lecture, maintenant, d'un ordre du jour que je
vous demande de voter par acclamations, et qui sera voté, je l'espère
non seulement dans toutes les villes de France, mais d'Europe, d'Amé–
rique et du monde civilisé.
M. F. DE PRESSENSÉ
Avant de lever la séance il nous reste un devoir à accomplir : nous
tenons à envoyer l'expression de notre gratitude à la grande artiste qui a
bien voulu nous prêter son théâtre.
(
Applaudissements.)
L'ordre du jour est adopté à l'unanimité.
La séance est levée.
Le Banquet
Le soir, un d î n e r i n t ime r éun i s s a i t à l'Hôtel Continental
les délégués français et é t r a ng e r s et les r e p r é s e n t a n t s de la
presse. Les assistants se félicitèrent, comme i l convient, de
l'heureux succès de la j ou r n é e et, le moment venu , por–
t è r en t en toute cordialité les toasts suivants. Nous ne
pourrons donner les textes des toasts de M M . Buxton et
Ma l c o lm Mac C o l l , qu i n'ont point été traduits.
Wi.
DE PRESSENSÉ
MESDAMES, MESSIEURS,
Bien que n'ayant pas le talent des toasts nous n'en porterons pas
moins quelques-uns ce soir. Nous en porterons d'abord à celles qui ont
bien voulu assister à,nos longues délibérations et ensuite prendre part à
la fête de ce soir; nous en porterons un autre à ceux des représentants
dont nous avons parlé si longuement cet après-midi, qui nous ont
apporté non pas seulement leurs encouragements, leur joie de sentir
comme de braves-gens, et qui appartiennent à toutes les nations de
l'Europe, mais des enseignements précieux; ils nous ont appris
comment dans ces pays qui ont depuis longtemps fait l'apprentissage
de la liberté on l'exerçait, et sur ce point, en France, nous avons beau–
coup à apprendre.
Nous avons vécu longtemps ici sous l'empire de cette idée puérile et
naïve que quand nous avions déposé un bulletin dans une urne il ne
nous restait plus qu'à nous croiser les bras, à nous asseoir et à voir
venir ce qui adviendrait. L'expérience, depuis un certain t'emps, et en
particulier dans une crise assez ardue que nous avons traversée il y a
quelques années, nous a montré qu'il était nécessaire de serrer les rangs.
Cette leçon, je puis dire que ce sont les événements eux-mêmes qui
nous l'ont donnée. Mais vous, qui êtes accoutumés à toutes les pratiques
de la lutte parlementaire, vous qui avez vu une seule grande voix
retentir et suffire à opérer une grande transformation, vous nous avez
apporté votre expérience et vous nous avez dit que si, à l'heure actuelle,
vous ne voulez pas recommencer la même campagne vous avez su
cependant bouleverser votre pays. Nous acceptons vos enseignements,
nous vous sommes reconnaissants d'avoir bien voulu faire cet effort et
participer à cette conférence internationale, et je ne peux pas terminer
sans constater, moi qui appartient à un parti avancé, le caractère inter- '
national de cette manifestation. Il y a quelques années, si on nous avait
dit que des Italiens, des Anglais, des Français, pourraient participer à
une même œuvre et même être acclamés par la population parisienne,
nous aurions douté ; on avait réussi à bannir des esprits nos traditions
d'hospitalité, on nous avait représentés, comme on dit en français — je
ne sais pas comment on dit en anglais — comme des nationalistes.
Nous avons mis la main à l'œuvre, et je suis convaincu qu'en dehors du
succès de la réunion d'aujourd'hui celle-ci aura un effet non pas seule–
ment sur l'opinion française dans son ensemble mais sur les délibé- i
rations et, je l'espère, sur les actes de notre gouvernement, parce qu'à
l'heure actuelle il s'est engagé dans une voie dont il ne peut s'écarter.
Il serait insensé d'avoir tenté cette réconciliation que nous saluons,
d'avoir salué l'idée de ce rapprochement, si c'était pour aboutir sim–
plement à des fêtes officielles et si ce n'était pas pour aboutir à une
action commune. C'est ainsi que nous soumettrons pour ainsi dire à
l'épreuve du feu cette union, et que nous saluons cette entente cordiale
qui avait pour ainsi dire disparu pendant un certain temps, à laquelle
on avait substitué une sorte de défiance réciproque, si bien que nous ne
pouvions pas avoir sur un point du globe un différend — et Dieu sait si
nous en avons ! — sans que les esprits soient aussitôt enflammés, alors
que la France et l'Angleterre ont des intérêts si rapprochés. Ce que nous
savons, c'est qu'il n'y a pas un de ces différents qui ne puisse être solu–
tionné par la voie pacifique; ce que nous voulons, c'est faire œuvre
commune ensemble ; il faut que nous montrions que l'entente franco-
anglaise-italienne est durable pour un objet pratique, et à l'heure
actuelle quel objet plus immédiat que d'empêcher ces troubles qui sont
si inquiétants pour la paix du monde ? Depuis vingt-cinq ans, il ne s'est
pas écoulé une année sans que nous ayons eu l'occasion de renouveler
les engagements pris au Congrès de Berlin, et il ne s'est pas passé une
année sans que des questions de ce genre se posassent, et que nous
ayons l'occasion de demander au Grand Turc de renouveler les engage–
ments qui étaient la condition même de son existence. Pendant trop
longtemps nous nous sommes laissé berner ; à l'heure actuelle,
j'ose espérer que cette phase est finie et que nous n'avons fait que tirer
les conclusions normales, logiques, de l'entente établie autrefois. Nous
avons cherché à établir que ce n'était pas une entente en quelque sorte
de cour, une entente officielle, mais celle de deux grandes démocraties
qui voulaient se comprendre, établir entre elles un accord mutuel afin
de travailler ad maintien de la bonne harmonie et à l'avènement de la
justice.
La diplomatie européenne nous a souvent causé des ennuis; mais si
elle nous cause des peines elle nous cause quelquefois aussi des plaisirs
bien vifs, et c'est ce qui s'est produit aujourd'hui. Nous avons com–
mencé ce matin, nous avons établi l'accord, puis nous avons devant
une grande assemblée fait retentir des paroles de liberté et de justice.
Je porte mon verre, avant de m'asseoir, aux hôtes que nous avons
reçus avec tant de joie, et j'espère que la peine qu'ils ont bien voulu
prendre de venir ne sera pas sans fruit, qu'ils ont jeté ici, dans le sol
fécond de la France, un germe qui fructifiera pour le plus grand bien
de la justice et de l'humanité.
(
Applaudissements).
M. BÉRARD
MESDAMES, MESSIEURS,
Nous avons beaucoup parlé politique aujourd'hui, un peu trop peut-
être, aussi je trouve que nous avons eu tort de laisser un peu de côté
M . Evans, l'archéologue remarquable que vous connaissez tous. Vous
savez ce qu'il a fait depuis cinquante ans, il nous a ouvert par ses tra–
vaux un jour tellement nouveau et tellement grand que l'on peut dire
que l'histoire et la préhistoire ont trouvé un rénovateur dans M . Evans.
Je vous prie de lever votre verre en l'honneur de M . Evans, le restaura–
teur de Minos.
(
Applaudissements.)
M. EVANS
MESDAMES, MESSIEURS,
Je n'ai pas la prétention de répondre ici aux paroles trop aimables
qui m'ont été adressées parce que je n'ai fait que mon devoir strict. Je
suis content d'avoir assisté à une réunion aussi magnifique, et je suis
heureux d'avoir vu cette fraternisation des différents peuples libéraux, et
j'espère qu'il y aura entre eux une fraternisation et une justice morale
plus réelles qu'officielles.
(
Applaudissements.)
M. MOSCHELES
Président de
l'International
Arbitrage
Association.
MESDAMES, MESSIEURS,
Permettez-moi de dire quelques mots en réponse à l'accueil gracieux
qu'on nous a fait ici ; mais c'est difficile sous tous les rapports. Je suis
sous l'empire de ce que j'ai entendu ; j'ai appris, j'ai écouté, mon cer–
veau est rempli de toutes les belles idées qu'on y a mises, et puisque
vous les avez entendues, je ne veux pas les répéter. Je ne puis que dire
que je m'associe de tout cœur aux belles pensées que vous avez enten-
Fonds A.R.A.M