nement du Sultan cède, lorsqu'on sait employer des arguments réelle–
ment décisifs. Le gouvernement de M . Gladstone, il y a quelque
20
ans,
devait remettre la Thessalie à la Grèce; le Sultan s'y refusait; il a suffi
de l'envoi d'une flotte anglaise qui menaça de saisir Smyrne, pour que
le gouvernement du Sultan cédât. Ce qui a été fait à ce moment pour–
rait être obtenu avec autant de succès et d'efficacité afin d'obtenir pour
les chrétiens d'Orient les conditions de vie nécessaires. Pour cela nous
devons compter surtout sur l'action des grandes puissances libérales. Et
il est nécessaire que ces puissances, qui sont la France, l'Angleterre et
l'Italie marchent ensemble; c'est de ces pays où l'opinion publique peut
se faire sentir qu'on peut attendre une solution à la question d'Orient,
c'est dans ces pays seulement qu'on peut agir à l'encontre de la poli–
tique égoïste et purement réactionnaire de la Russie et de l'Allemagne.
Nous devons nous élever avec une indignation particulière contre
l'action tout à fait abominable de l'Empereur d'Allemagne, Guillaume II
dans les affaires d'Orient.
(
Vive approbation).
L'Empereur Cuillaume est
d'autant moins excusable qu'il veille sur les jours d'Abdul Hamid
comme le cannibale qui garde son prisonnier pour mieux le manger
quand il l'aura suffisamment engraissé.
(
Rires).
Le gouvernement de la République française est décidé à agir èt à
accomplir son devoir en Orient il ne sera pas seul. Il y a, en Angleterre
notamment, un formidable mouvement d'opinion. Plus de
200
meetings
ont été organisés, et M . Mac Coll personnellement a pris part à
plusieurs de ces meetings, aussi importants que celui-ci. M . Mac Coll
est heureux de constater que cette pression de l'opinion anglaise n'a pas
été vaine, et que lé gouvernement anglais est disposé à marcher si le
gouvernement français veut l'aider.
Il y a tout lieu de croire que le gouvernement de M . Balfour est
décidé à intervenir en Orient, s'il peut compter sur l'appui des gouver–
nements de France et d'Italie.
Pour le moyen, M . Mac Coll est d'accord avec M . Bérard; en dehors
de la nomination d'un gouverneur responsable, sous le contrôle de
l'Europe, il n'y a rien. Dans le projet austro-russe le gouverneur serait
soumis à l'autorité directe du Sultan, et il ne pourrait rien faire comme
cela s'est vu dans le passé. Mais il faut sortir des sentiers battus, et agir
en faveur de la nomination d'un gouverneur responsable, sous le
contrôle direct de l'Europe.
Il faut remarquer que le fanatisme musulman ne peut être rendu
responsable des massacres. Ils sont ordonnés à Constantinople. Le fana–
tisme musulman se déchaînant et produisant de terribles massacres est
une légende; ils se reproduisent périodiquement, Syrie, Bulgarie,
Arménie, sur des excitations venues de Constantinople; ils ont une
cause directe : le gouvernement d'Yildiz-Yosk. C'est là qu'il faut frapper
si on veut les faire cesser.
Les gouvernements n'agissent que dans la mesure où ils sont
poussés par les gouvernés. Il est nécessaire, dans les pays libéraux, où
le gouvernement dépend dans une certaine mesure de l'opinion publi–
que, que cette opinion se fasse sentir avec une force irrésistible, et oblige
les gouvernements à intervenir.
(
Applaudissements).
M. GEORGES LORAND
Membre de la Chambre des représentants de Belgique.
CITOYENS,
Vraiment, je me demande à quel titre je suis à cette tribune, et ce
que je puis vous apporter comme concours venant d'un pays qui,
comme le mien, n'a rien à dire dans les affaires internationales, est
beaucoup trop petit pour exercer une action quelconque sur la poli–
tique des grandes puissances, et peut tout au plus suivre avec sympathie
et applaudir aux efforts qui se font chez des nations plus grandes dans
le sens de la vérité et de la justice.
Ce que je fais donc ici, c'est que je viens, très sincèrement, au nom
de mes amis belges, de toutes les opinions politiques, je pense, car
quand nous avons eu.l'occasion de discuter la question arménienne, et
la question macédonienne, nous avons eu le plaisir d'avoir, comme
vous-mêmes au Château-d'Eau, des représentants de toutes les opinions
et de toutes les nuances politiques, et nous y avons vu affirmer l'unani–
mité du sentiment humanitaire de la nation. Je viens donc vous féliciter
très sincèrement d'avoir donné, par le meeting du Château-d'Eau, et
par le meeting actuel, la preuve que ces mêmes sentiments d'humanité
désintéressée se manifesteront désormais d'une façon énergique en
France, où ils peuvent avoir un effet pratique et exercer une action
décisive sur les résolutions de gouvernements.
Je crois, en effet, au point de vue pratique, qui est celui auquel on
aime à se placer dans mon pays, que des réunions comme celle-ci, à la
condition d'être suivies, d'être multipliées, d'être portées dans toutes les
parties du pays, et devant les différentes fractions de l'opinion publique
peuvent forcément exercer une action décisive
sur
les résolutions des
cabinets.
Nous avons l'habitude, chez nous, de discuter publiquement devant
le peuple assemblé toutes les questions possibles ; nous nous en sommes
toujours bien trouvés, et je crois qu'il est temps que dans les grandes
nations sur lesquelles on compte dans le monde civilisé tout entier, pour
exercer enfin une action dans le sens delà justice, dans les pays qui ont
le bonheur d'être à la fois de puissances et des puissances libérales,
dans ces trois grandes nations occidentales dont nous voyons aujour–
d'hui l'entente si heureusement rétablie, en Angleterre, en France, en
Italie, l'opinion publique commence à s'occuper elle-même de ses
propres affaires, efdes affaires internationales.
(
Applaudissements.)
Les Anglais viennent de nous en donner l'exemple. C'est grâce à ce
mouvement, provoqué dans l'opinion publique par les
200
meetings
dont quelques-uns dus aux organisateurs qui se trouvent sur cette
estrade, que le gouvernement conservateur anglais, qui ne s'émeut
peut-être pas très vite pour de simples considérations d'humanité et de
justice internationale, a marché et a pris l'initiative d'une action euro–
péenne à laquelle nous espérons que les deux autres puissances occi–
dentales s'associeront.
Je ne viens pas vous promettre de faire des meetings en Belgique ;
nous en ferons; mais cela ne compte pas. En Italie, avec Quillard (nous
avons eu l'occasion de le constater quand nous sommes allés prendre
la parole dans cet admirable meeting de Milan, au mois de mai), je ne
doute pas que les mêmes hommes qui onl déjà remporté une très grande
victoire d'opinion publique, qu'il est bon de rappeler ici, des hommes
qui, lorsque la réaction italienne, conduite par M . Crispi, voulait brouilller
l'Italie et la France, el y étaient presqu'arrivés, M . Moneta et ses amis
milanais, et le groupe du
Secolo,
sont arrivés par la seule action de
l'opinion publique, par les quelques journaux qui échappaient à la cor–
ruption gouvernementale, par des réunions comme celle-ci, et qui ont
obtenu ce triomphe que, maintenant, la France et l'Italie sont de nou–
veau sœurs et ont pu célébrer ces fêtes de réconciliation fraternelle de
ces jours derniers, je ne doute pas que ces mêmes hommes, nous en
avons le gage dans le mouvement commencé au mois de mai et cette
réunion, dans laquelle nous avions, nous pouvons le constater avec une
amère satisfaction, annoncé et prédit point par point tout ce qui s'est
passé : les atteniats de Salonique, l'agrandissement de l'insurrection
macédonienne, et l'effroyable répression dont elle a été le prétexte, je ne
doute pas que ces hommes-là encouragés par votre exemple, car tout ce
qui se fait ici a une répercussion immédiate dans l'Europe entière, ne
reprennent cette propagande et n'obtiennent que le gouvernement italien,
fidèle à ses traditions, et à la raison d'être de l'Italie dans l'Europe
moderne ne soit prêt à marcher avec vous, pour faire de l'intervention
européenne en Orient, quelque chose de sérieux et non pas cette dérision
qu'a été jusqu'à présent l'entente austro-russe.
Mais c'est surtout sur la France qu'il faut compter. C'est elle qui peut
dire le mot décisif; c'est ici qu'est actuellement le nœud de la situation
et c'est par votre action, c'est par la propagande que vous ferez, par les
manifestations d'opinion publique que vous pourrez provoquer dans
l'ensemble du pays, et dont votre gouvernement, naturellement, dans
une république de suffrage universel, ne pourra ne pas tenir compte, que
nous obtiendrons enfin le mouvement libérateur si impatiemment
attendu dans les Balkans : arrêter les massacres, ensuite obtenir en
l'imposant par une menace d'intervention européenne au besoin, des
réformes suffisantes pour assurer à ces populations non pas la liberté,
l'indépendance, mais les conditions les plus élémentaires, sans lesquelles
la vie humaine est impossible. C'est ce qu'elles n'ont pas actuellement.
C'est sur vous, c'est sur la France que nous comptons dans toute l'Eu–
rope civilisée. Partout les peuples émancipés, les hommes libres ont
toujours eu les regards tournés vers la France, et c'est toujours d'elle
qu'ils ont attendu non pas seulement les paroles, mais les actes d'éman–
cipation.
Aujourd'hui, nous avons le bonheur de constater que la politique
française redevient ce qu'elle eut dù toujours être ; nous avons eu la
joie d'applaudir à ce rapprochement avec l'Angleterre et à ce rappro^
Fonds A.R.A.M