me rassure, c'est que j'ai à mes côtés notre ami Quillard, si admirable–
ment au courant de ces questions, et je n'aurai d'autres fonctions que
celle, très agréable, de remercier nos amis présents. Je ne remercie pas
les Français, avec lesquels nous sommes habitués à travailler depuis
longtemps, mais je remercie nos amis étrangers, parmi lesquels il y en a
qui sont venus de fort loin, même d'Angleterre, d'Amérique et d'ailleurs.
Je leur souhaite la bienvenue et je constate une fois de plus à cette occa–
sion le rapprochement qui se fait de plus en plus entre toutes les nations
toutes les fois qu'il y a à protester contre une injustice qui ne nous
touche pas directement, mais dont nous commençons à comprendre
que les conséquences indirectes nous touchent à la lois matériellement
et, ce qui est encore plus grave, moralement; car les grands crimes qui
se commettent sur tel ou tel point de la surface du monde el de
l'Europe en particulier, sont un scandale qui rejaillit sur tous ceux qui
ne protestent pas de toute leur énergie pour les faire cesser.
Je vous salue de nouveau et je vous remercie de l'appui que vous
nous prêtez en venant quelques-uns, encore une fois, de si loin vous
joindre aux efforts que nous tentons pour mettre un terme aux épou–
vantables massacres dont nous gémissons tous depuis si longtemps.
(
Applaudisse me n ts. )
Je vais donner la parole à M . Quillard, qui est l'homme peut-être le
plus au courant déboutes ces questions et qui va nous dire de quoi vous
aurez à vous occuper un peu ce matin et davantage tantôt. M . Quillard
a la parole.
M . QUILLARD.
—
Messieurs, je n'abuserai pas de la permission de
parler que M . Frédéric Passy vient de me donner. Nous ne sommes
pas ici, ce matin, pour faire des discours ; nous sommes ici pour
prendre des résolutions pratiques.
En Europe, en Allemagne, en Belgique, jusque dans les locaux
-
offi–
ciels du Parlement hongrois, cette année, particulièrement en Italie, en
Angleterre, une campagne très importante de réunions publiques et
privées £ été organisée en faveur des opprimés d'Arménie et de Macé–
doine. Nous autres Français, nous avions, si j'ose dire, donné l'exemple
au mois de février dernier dans ce grand meeting où des députés
de tous les partis, depuis l'extrème-droite jusqu'à l'extrème-gauche socia–
liste, étaient venus protester au Château-d'Eau contre les atrocités
du Sultan Rouge. Nous voulons continuer ici, en France, la campagne
déjà commencée, affirmée par deux cents meetings en Angleterre,
affirmée à Rome et à Milan par des réunions publiques où assistèrent
jusqu'à cinq mille personnes, et puisque, ce matin, nous a/ons le
bonheur de nous trouver avec un certain nombre de nos amis étrangers,
c'est à eux que nous allons céder la parole.
Nous allons demander à nos amis Italiens, à nos amis Anglais,
Américains, à nos amis de Belgique, comment chez eux la campagne
est organisée, quelles chances ils croient avoir d'agir sur les peuples et
par les peuples, sur les gouvernements.
J'aurai également à vous donner lecture d'un ordre du jour qui a été
voté hier, à Lyon, par une assemblée considérable, deux mille citoyens,
et où sont notés les points essentiels de nos vœux. Cet ordre du jour,
naturellement, est susceptible de modifications ; le voici. (Lecture de
l'ordre du jour voté à Lyon et repris à Paris.)
Telles peuvent être, je crois, les bases de la discussion. Si vous le
voulez bien, nous demanderons à ceux de nos amis étrangers qui ont
des communications à nous faire, de vouloir bien nous les faire con–
naître.
(
Applaudissements).
M. LE PRÉSIDENT.
—
Si ceux d'entre vous qui croient avoir quelque
communication à nous faire, quelque observation à nous présenter
veulent bien demander la parole, nous les entendrons avec plaisir...
Puisque personne ne la demande, je vais la donner d'office...
(
Rires),
par exemple, à M . Lorand, notre ami de Belgique.
M.
LORAND.
—
Nous n'avons rien à vous dire. Nous n'avons
pas d'action internationale ; nous sommes dans un petit coin où c'est
à peine si notre voix peut être entendue. Nous avons fait un meeting ou
deux. En général, la presse est bien disposée, à l'exception d'un seuj
journal, malheureusement important. Elle rend compte de tout ce qui
se passe et s'exprime dans le sens de la justice; mais, nous ne pouvons
faire que peu de chose. Il vaudrait mieux que ce soient les nationalités
}
ui ont fait quelque chose et qui peuvent avoir une action au premier
r a
n g , par exemple, les Anglais et les Français, qui nous disent ce
•
qu'elles croient devoir faire. Quant à nous, nous suivrons.
L E REPRÉSENTANT DES ÉTATS-UNIS.
—
Je n'ai pas l'habitude, même en
anglais, de prendre la parole ; aussi, je suis ici pour me mettre au cou–
rant, et vous me permettrez de me contenter d'écouter pour ce matin.
M. MOSCHELÈS.
—
En Angleterre, nous avons de tous les côtés essayé
de pousser les gouvernements, non seulement le gouvernement, mais
les gouvernements, j'appuie sur ce fait, à faire quelque chose, à se
décider à prendre des mesures quelconques. Nous avons dans
l'Interna–
tional arbitrage Association
voté des résolutions qui s'adressaient aux
divers gouverneme'nts, pour leur rappeler l'entente, le concert d'Europe,
qui s'est produit tant bien que mal lors du conflit concernant la Crête
et nous les avons poussés dans la voie de venir, encore une fois, se
déclarer en faveur d'une intervention quelconque. Nous avons prétendu
que s'ils étaient unis eux-mêmes, cela suffirait et que cela rendrait inu–
tile une intervention armée, tout comme elle a été inutile en Crête, quoi
qu'il y ait eu à cette occasion quelques bagarres, qui ne comptent pas,
heureusement, parmi les grands conflits.
Nous avons donc insisté là-dessus, et malheureusement nous n'avons
pas eu de grands résultats. Nous nous sommes adressés au gouverne–
ment de la Russie, qui nous a répondu qu'il ne pouvait pas être mis en
mouvement autrement que par son ambassadeur, et l'ambassadeur nous
a renvoyés encore à d'autres, et il n'en est rien résulté. Cela a été la
première démarche de ce genre qui ait été faite de la part de
l'Interna–
tional Association,
démarche tendant à intéresser, non plus seulement
notre gouvernement, mais tous les gouvernements.
Du reste, j'en reviens à ceci : c'est qu'en Angleterre, on s'occupe de
cette question depuis des années, surtout sur l'initiative de Mal Coll,
qui est parmi nous. Il vous dira les efforts qui ont été tentés, en Angle–
terre, par lui et son parti.
M . M A C C O L L , fait en anglais une communication dont M . A. MÉTIN
donne la traduction suivante :
M . Mac Coll rappelle d'abord qu'il connaît depuis longtemps la
situation des populations chrétiennes soumises à la Turquie, qu'il l'a
étudiée, et voici les conclusions auxquelles il est arrivé, qu'il a apportées
au public anglais : il pense que le rôle principal dans la solution à
apporter à la question devrait appartenir à la France et à l'Angleterre,
parce que la France et l'Angleterre ont toujours joué un rôle prépon–
dérant dans les questions d'Orient et ont le droit de parler à la Turquie,
attendu que plusieurs fois elles ont sauvé la Turquie, qu'en échange, la
Turquie a pris l'obligation de faire un certain nombre de réformes.
Pour ce qui est de la Macédoine, après une longue étude, il pense
que la seule solution serait de couper la Macédoine d'avec la suprématie
du Sultan; il pense qu'il est impossible d'avoir des réformes et des
garanties sérieuses pour les populations chrétiennes tant que le Sultan
pourra agir arbitrairement en Macédoine.
11
faudrait donc arriver à une solution qui donnerait à la Macédoine
une administration nouvelle sur laquelle il y aurait un contrôle sérieux,
et non celui du Sultan.
Au point de vue de la possibilité de réalisation, M . Mac Coll dit qu'il
sait qu'en ce moment le gouvernement anglais est tout à fait disposé à
intervenir, qu'il attend que le gouvernement français veuille agir avec
lui, que par conséquent le terrain est prêt pour une action gouverne–
mentale, et il ne s'agit maintenant que d'agir suffisamment sur l'opinion
des deux grands pays qui peuvent intervenir en Turquie et en Macédoine,
de façon à les amener à parler haut et clair au Sultan.
(
Applaudisse–
ments.)
M . DE PRESSENSÉ.
—
Je voudrais dire quelques mots au sujet de
l'entente franco-anglaise, qui nous semble indispensable pour .obtenir
un résultat quelconque dans la question macédonienne, comme dans la
question arménienne, mais je voudrais aussi expliquer les conditions
dans' lesquelles l'idée de cette conférence est née dans l'esprit d'un cer–
tain nombre d'hommes qui s'occupent de ces questions en France.
Nous avions constaté qu'en Angleterre, une grande campagne de
réunions publiques avait commencée il y a quelque temps, et qu'au
moment où elle commençait, elle avait eu, je puis dire, son effet, c'est-
à-dire que noufc avons remarqué un certain rapport entre l'action de
lord Landsdowne, la dernière dépêche par laquelle il a présenté la pro–
position additionnelle à celle de l'Autriche et de la Russie, et l'annonce
du grand meeting de Saint-James, au mois de septembre dernier.
Nous nous sommes demandé s'il ne fallait pas profiter des circons–
tances actuelles, en particulier, de la si heureuse détente qui s'est pro–
duite dans les rapports, non seulement de la France et de l'Angleterre,
Fonds A.R.A.M