Slaves de Ma c édo i ne et au Caucase, les A r mé n i e n s
spoliés, dépo r t é s , livrés au fouet des cosaques. On
pourrait croire, à certains indices, que souvent. M . Del–
cassé hésite à parler en pleine liberté à son partenaire
et à défendre avec éne r g i e sa propre politique, comme
si, dans cette convention bilatérale qu'est une alliance,
une seule vo l on t é devait toujours prévaloir. S ' i l est vrai,
par exemple, que notre agent consulaire à Va n ait refusé
r é c emme n t de recevoir les requêtes à l u i adressées par
les A r mé n i e n s et qu i furent acceptées au consulat anglais,
ce serait un f â cheux p r é c éden t au moment où cette
agence est érigée en vice-consulat et où un autre vice-
consulat est créé à Kha r pou t . Il serait inutile, en effet,
d'envoyer des t émo i n s aux endroits les plus me n a c é s s i ,
pour complaire à la diplomatie russe, ces t émo i n s devaient
fermer les yeux par ordre et ne pas m ê m e r emp l i r leur rôle
é l éme n t a i r e d'informateurs. Mais nous voulons croire que
l'agent consulaire de Va n a reçu la pétition présentée et que
la nouvelle contraire est inexacte.
A u reste, non plus qu'en Angleterre et en Italie, la mau–
vaise vo l on t é ou les hé s i t a t i on s des gouvernants ne sauraient
i nd é f i n ime n t s'opposer ailleurs au sentiment public, man i –
festé dans les Parlements ou en dehors dès Parlements :
L o r d Land s downe . l ' a compris depuis qu'a été o r gan i s é e
l'admirable campagne du Balkan» Committee et i l n'aurait
peut-être pas rédigé sa note responsive au programme
austro-russe, s'il n'y avait été presque contraint par l'agi–
tation é n e r g i q u e à laquelle collaborent avec une égale t éna –
cité libéraux et conservateurs.
Nous saurons faire de m ê m e en France. A défaut de
Livres jaunes, nous continuerons à publier dans
Pro Ar–
menia,
qui commence en ce n u m é r o sa q u a t r i ème a n n é e ,
le martyrologe a r mé n i e n et le martyrologe aussi de tous
les sujets du Sultan. De mois en mois, des documents nou–
veaux s'ajouteront aux r équ i s i t o i r e s que prononceront dans
toute la France contre le r é g ime hami d i en ceux qu i depuis
sept ans déjà, très faibles alors et peu écoutés, ont engagé
la lutte. Ils ne sont point las de d é n o n c e r le Sultan et de
montrer aux peuples quels dangers fait cour i r à la paix du
monde la continuation de massacres d é s h o n o r a n t s pour
l ' h uma n i t é .
E n cela, ils sont d'accord avec leurs amis des grandes et
des petites nations : le Danemark, l'an dernier, avait pris
l'initiative du Cong r è s de Bruxelles; cette a n n é e , Georges
Lo r and ' nous apportait de Belgique des conseils d'énergie,
et de Belgique aussi, le s é n a t e u r Hen r i L a Fontaine envoyait
à nos ma î t r e s le plus sévère des avertissements : « 77
est
bon qu'il soit dit aux diplomates et aux princes que leur
duplicité et leurs convoitises
écœurent
jusqu'au
vomisse–
ment les gens honnêtes et francs. Il est bon surtout qu'on
les cloue au pilori et qu'on crie aux foules prévenues
ou
aveuglées : « Voilà les complices des assassins. »
Il appartient aux diplomates et aux princes de rendre
caduc le dur jugement du s é n a t e u r L a Fontaine : ils n'ont
q u ' à obéir aux injonctions tant de fois répétées de la
conscience universelle.
Pierre
Q U I L L A R D .
L a Journée du 25 Octobre 1903
Lorsque M M . Fr anc i s de P r e s s en s é et P . Qu i l l a r d
a d r e s s è r e n t à un certain nombre d'hommes politiques,
d ' é c r i va i n s et de savants é t r a ng e r s et français, amis des
justes causes, une invitation à délibérer en c ommun sur la
crise orientale, ils ne pouvaient espérer qu'une aussi par–
faite entente s'établirait au s s i t ô t , en quelques heures, entre
les r e p r é s e n t a n t s des divers pays et q u ' a p r è s avoir entendu
et a c c l amé , au Ch â t e a u - d ' E a u , des orateurs uniquement
français, appartenant à tous les partis, le peuple de Paris
ferait à nos amis de l ' é t r a ng e r un accueil t r i ompha l . Une
grande part du succès doit être a t t r i b u é au D
r
Lo r i s
Mélikoff qu i organisa,patiemment et modestement, cette
magnifique manifestation.
Il nous est impossible d'exprimer, comme i l le faudrait,
toute notre gratitude à nos amis é t r a n g e r s , anglais, italiens,
belges, allemands, danois, autrichiens qu i , par leur pré–
sence ou par leurs t émo i g n a g e s de sympathie, s'associèrent
à la protestation unan ime des trois mille citoyens assem–
blés au t h é â t r e Sarah Bernhardt : mais ils ont conscience
que notre effort c ommu n ne sera pas inutile, que nous
n'aurons pas crié dans le désert et que par eux et par nous
les gouvernements d'Europe seront bien obligés de sortir
de leur honteuse inertie et de mettre fin à des crimes qui
ont trop d u r é .
Nous donnons, ci-dessous, le compte rendu s t énog r a -
phique de tous les discours p r o n o n c é s dans la j o u r n é e du
25
octobre.
La Séance du matin
A
9
heures et demie
60
délégués des diverses nations
représentées se r é u n i r e n t à l'Hôtel Con t i nen t a l , pa rmi les–
quels M M . F r é d é r i c Passy et Pau l Viollet, membres de
l ' Ins t i t u t ; Ma l c o lm Ma c Co l l et ses collègues de la délé–
gation anglaise, Evans, A t k i n , le R . Fr eeman , Noël Buxton,
F . Moscheles, les délégués italiens Ma z z i n i et Bocciardo, le
Pr i nce de Br ancovan , d é p u t é au Parlement Rouma i n ,
Georges Lo r a n d , membre de la Chamb r e des r ep r é s en t an t s
de Belgique; C r â n e , délégué amé r i c a i n ; les d é pu t é s fran–
çais F . de P r e s s e n s é , Dumon t , E s c a n y é , le s é n a t e u r Delpech,
Vi c t o r Bérard et le D
r
Cou rmon t , délégué de L y o n ; les
délégués bulgares Mi l i t i c h et Gregoroff; Pau l Boyer et
Meillet, professeurs à l'École des Langues orientales; Ta r -
bouriech et Métin, professeurs au Collège libre des Sciences
sociales; Seménoff, délégué russe; Jouet, de
la Paix par
le Droit;
Lou i s Dumu r , directeur de
l'Européen;
le
D
r
Lo r i s Mélikoff, P . Qu i l l a r d , Isac, Albert, etc., etc.
Par acclamation, la p r é s i denc e est d o n n é e à M . Frédéric
Passy.
La séance est ouverte à
9
h. 4 5 .
M . LE PRÉSIDENT.
—
Je remercie les membres de l'Assemblée de
l'honneur qu'ils veulent bien me faire de présider cette réunion.
C'est une mission pour laquelle je ne suis peut-être pas très qualifié;
je ne pourrai en quelque sorte que faire semblant de présider; ce qui
Fonds A.R.A.M