Il _v a également la
solution russe,
qui serait
l'occupation 4e l'Arménie par la Russie, mais
cela ne pourrait pas se faire sans amener une
guerre européenne, car trop d'intérêts sont, en
jeu en Orient. Et, d'ailleurs, un proverbe popu–
laire en ces malheureuses régions dit : «
Le
Turc coupe les branches, le Russe coupe les
racines! »
Cela nous montre que la solution
russe ne conviendrait point aux populations
intéressées. .
<(•'•
La troisième solution, à laquelle nous nous
rallions tous, celle qui donnerait satisfaction à
l'humanité, serait l'application de l'article 6 du
traité de Berlin, qui prescrivait des réformes
immédiates et confiait la surveillance et la pro–
tection des Arméniens aux nations européen-
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Cette solution peut être imposée aux gou–
vernements d'Europe par les peuples dont la
conscience s'éveille et qui connaissent mainte–
nant la situation effroyable des Arméniens, et
par l'unanimité d'hommes appartenant aux
partis les plus opposés. A Paris, MM . d'Estour–
nelles de Constant, Francis de Pressensé,
Jaurès, Lerolle, Denys Cochin, Anatole Lerov
Beaulieu ; à Milan et à Rome, les socialistes,
les monarchistes et les catholiques; en Alle–
magne, Berstein, le D' Lepsius et le D' Richter,
présents au Congrès, ont tenu le même langage
à des assemblées très nombreuses; et ia même
unanimité existe en Angleterre et en Amérique,
aussi bien que dans les petits pays de haute
culture intellectuelle et morale, comme le
Danemark et la Suisse; c'est donc la conscience
universelle d u genre humain q u i réprouve les
massacres et la complicité des gouvernements
dits civilisés.
Lors des affaires de Crète, les Etais euro–
péens ne se sont émus et n'ont agi que lorsque
les porteurs de rente turque ont eu peur pour
leurs capitaux et leurs intérêts.
Nous demandons que cela ne se produise
pas pour l'Arménie..., c'est déjà une grande
honte pour l'humanité que d'avoir laissé mas–
sacrer plus de 3oo,ooo Arméniens, pour satis–
faire simplement les caprices du fou criminel
qui règne à Constantinople.
M . Pierre Quillard termine son discours, vi–
goureusement applaudi par l'assistance, en
priant le Congrès de voter le vœu élaboré par
la Commission.
Cette résolution est votée à l'unanimité par le
Congrès.
Séverine prend alors la parole pour demander,
en sa qualité de femme, que l'on ajoute la mo–
tion suivante au vœu adopté par le Congrès :
«
Et le XI I ' Congrès de la Paix adresse ses
plus chaleureux remerciements aux deux cou–
rageuses femmes', M ,
m e
,
s
Meyricr et Carlier qui,
par leurs actes et leurs écrits, ont contribué à
éclairer l'Ëurope'sur les atrocités arméniennes.»
M.
Ceorges Bodereau, directeur de la
Dépêche
de Rouen et de Normandie,
propose « d'étendre
à toutes les femmes qui, dans des circonstances
analogues, ont donné des preuves identiques
de courage et de philanthropie, les félicitations
que Mm.' Séverine désire faire adresser par le
Congrès à
Meyrier et Carlier.
11
serait,
dit-il, injuste que ces deux personnes, au carac–
tère desquelles il se plaît à rendre hommage,
bénéficiassent seules de la vedette résultant
pour elles de leur situation de...
Consulesses,
et
il convient, d'autre part, que le Congrès, puis–
qu'il juge à propos d'entrer dans cette voie,
peut-être un peu bien particulariste, associe à
sa manifestation de respect envers deux héroïnes
connues, les nombreuses héroïnes anonvmes
appartenant à des classes plus humbles de la
société qui, fréquemment, imitèrent leur geste
de vaillance et de pitié ».
Le texte est alors ainsi rétaJMi : « le X I R Con–
grès vote des remerciements aux femmes cou–
rageuses qui, comme M»'* Meyrier et Carlier,
etc., ». M . Jouet demande qu'on y ajoute la
phrase suivante :
« . . .
Et à la vaillante rédaction du journal
Pro Armenia
et à son directeur Pierre Quillard.»
Cette proposition est acceptée et chaleureuse–
ment applaudie.
L a question de Macédoine, fut traitée
le lendemain, par M . Jouet, dont l'élo–
quence sobre et forte fit grande i m –
pression sur l ' a s s emb l ée . .
Vo i c i le compte rendu de la séance :
Une seule question, celle des massacres de
Macédoine, a été abordée. Le rapporteur, M .
Jouet, a parlé des incendies allumés par les
Turcs, et de même qu'en Arménie, du pillage
organisé, des femmes qui sont violées, des
vieillards et des enfants qu'on égorge. Il a re–
proché à l'Europe de ne rien faire et d'avoir
abdiqué entre les mains de Sa Russie et de
l'Autriche qui s'observent et se jalousent, mais
laissent froidement continuer la série des assas–
sinats.
Le conférencier a terminé en rappelant que
les exterminations en masse cessèrent en Crète
à partir du jour où les grandes puissances se
concertèrent et intervinrent. Il appartient à ces
mêmes puissances d'intervenir dans les mêmes
conditions dans les Balkans.
M : Jouet a donné lecture de la résolution
dont il proposait l'adoption au Congrès :
La discussion s'engage au sujet de l'adop–
tion de cette résolution.
M . Novicow, délégué russe, qui prend une
place prépondérante dans les décisions du
Congrès, rappelie le traité de Sah-Stéfano, qui
donna la liberté à plusieurs millions d'hommes
soumis jusque-là à la domination turque, mais
qui est resté, dans la suite, lettre morte.
11
reproche à la diplomatie, uniquement
préoccupée d'ambitions et de considérations
mesquines, de n'avoir ni cœur, .ni sang, ni in–
telligence. Il s'adresse ensuite à la presse de
tous les partis et de tous les peuples, et lui
demande de ne pas imiter la diplomatie et de
mener une ardente campagne en faveur des
populations entières qu'on assassine.
Enfin, il fait appel à la conscience de l'Eu–
rope.
Au nom des délégués anglais, M . Alexander
s'oppose à une intervention armée qui amène–
rait une effusion de sang , et dit que ce ne sont
pas les moyens qui manquent aux puissances
d'amener le « sultan rouge » à composition.
Plus impétueux, M . Monéta, délégué italien,
demande une intervention immédiate. Tous les
membres du Congrès et les pacifistes d umo n d e
/
entier doivent peser sur les membres des gou–
vernements des grandes puissances, pour
qu'une action énergique succède enlin à l'œu-
vtt
intéressée et dissolvante de la diplomatie.
Finalement, après un échange d'observations
auquel prennent part plusieurs congressistes,
notamment MM . Çlarke et Gustave-Adolphe
llubbard, la résolution est adoptée à l'unani–
mité, telle que nous l'avons reproduite.
M . Elie Du c ommu n , dans l'appel
aux nation, et M . Em i l e A r n a u d dans
le discours où i l r é s uma les travaux du
Cong r è s r a pp e l è r e n t encore les mas–
sacres d ' Armé n i e et de Ma c édo i ne .
M . E l i e Du c ommu n dit en subs-
tance :
Le XI I ' Congrès de la paix, réuni à Rouen,
du
22
au
25
septembre, a pris un certain nom–
bre de résolutions sur ies questions internatio–
nales qui se rattachent directement à la sécurité
du lendemain pour lesiPBftlf&ftA&iltaeq fcl
A la suite de mûres délibérations entre délé–
gués des Sociétés de la paix appartenant à un
grand nombre de pays d'Europe et d'Amérique,
il a pris des résolutions de principe, formulé des
appréciations sur les événements les plus im–
portants de la politique actuelle au point de vue
du respect des règles de la justice et de l'huma–
nité.
11
s'est occupé, avec le sentiment d'un su–
prême devoir à remplir, des événements qui se
sont accomplis ou .s'accomplissent dans le
Transvaal, dans l'Arménie, dans la Macédoine
et ailleurs.
1!
a démontré la possibilité de créer des rela–
tions amicales entre des nations' jusqu'ici divi–
sées.
Enfin, il a posé des bases pratiques pour l'éta–
blissement définitif d'institutions juridiques
assurant pour un prochain avenir, la paix sur
la terre et le bien-être dans la famille.
Il espère être entendu de tous ceux qui ont à
cœur le salut des nations par la paix, germe des
temps meilleurs.
M . Emi l e Ar n a u d rappela que « les
Am i s de l a Pa i x avaient surtout comme
p r é o c c u p a t i o n p r imo r d i a l e ,
l ' i nv i o l a –
bilité et le respect de la vie huma i ne .
Et, en examinant avec imp a r t i a l i t é les
é v é n eme n t s politiques contemporains,
p a r t i c u l i è r eme n t en. A r m é n i e et en Ma –
c édo i ne , commen t les pacifistes n'au–
raient-ils pas s ouh a i t é que le concert
des puissances réussit, là-bas comme
en Crète, à r é t ab l i r la sécurité avec la
l i b e r t é e t à mettre fin à un état de choses
i n t o l é r ab l e , dangereux pour la paix g é –
nérale. »
P..-S. — L a d é p ê c h e suivante adres–
sée au Co n g r è s de la Pa i x par la
r éda c t i on de
Droschak
a été lue dans
la séance du jeudi
24
par le p r é s i d e n t
E . A r n a u d et applaudie par tous les
assistants.
Fonds A.R.A.M